Le Quotidien d'Oran, mercredi 21 octobre 2015
Akram Belkaïd, Paris
C’est l’interminable et constant feuilleton de l’économie
mondiale. Où en est la Chine ? Lundi 19 octobre, le bureau national des
statistiques à Pékin a dévoilé les chiffres de la croissance du Produit
intérieur brut (PIB) pour le troisième trimestre. Le chiffre est tombé comme un
couperet : +6,9%. C’est-à-dire quelques poussières en dessous de l’objectif
officiel de 7%. En somme, rien de bouleversant. Le gouvernement chinois ne peut
pavoiser en revendiquant un retour plus vigoureux de l’activité mais il peut
aussi dire sa tranquillité puisque les performances de la deuxième économie du
monde (ou la troisième selon les calculs) reste dans les clous.
Une croissance
surévaluée ?
Sur les marchés internationaux, la nouvelle a été
diversement commentée. Les uns se sont inquiétés de cette
« stagnation », d’autres ont, au contraire, salué la
« résistance » de l’économie chinoise. Plus discrets, certains
analystes ont essayé de relativiser l’emprise immédiate de la statistique
chinoise pour dégager des perspectives à moyen terme. Selon eux, Pékin ne peut
pas accepter que le taux de croissance demeure aussi « moyen » en
comparaison des performances passées (celles où la création de richesses
dépassait les 10% de progression annuelle). Car, en Chine, plus qu’ailleurs, le
taux de croissance fait partie du contrat entre pouvoir et peuple. D’un côté la
richesse et donc les emplois et la réduction de la pauvreté. Et, de l’autre, la
stabilité politique et l’acceptation de l’ordre imposé par le Parti communiste
chinois.
Certes, comme le relève le célèbre artiste chinois Ai
Weiwei en parlant de son pays « on ne peut pas développer un pays où l’on
propose comme seul but aux gens de s’enrichir » (*), mais pour l’heure
cela marche assez bien. Le problème risque d’apparaître si cette perspective de
gagner de l’argent s’amenuise. Or, c’est ce qu’affirment certains experts. Pour
eux, les statistiques chinoises sont mensongères et les taux de croissance
annoncés ne sont pas réels. Ils seraient juste gonflés afin de ne pas inquiéter
la population et de ne pas semer la panique sur les marchés locaux et
internationaux. Pékin craint ainsi qu’une baisse de la croissance ne provoque
une aggravation de la fuite de capitaux que subit la Chine actuellement.
Il reste à savoir de combien la croissance chinoise est
surévaluée. Une lecture de la presse économique montre que la fourchette haute
table sur un taux de 5% quand d’autres analystes n’hésitent pas à avancer le
chiffre de 4% soit à peine plus que l’économie américaine. Pour mémoire, même
quand la Chine annonçait des taux à deux chiffres, il s’est toujours trouvé des
économistes pour les réviser à la baisse de plusieurs points. Le débat n’est
donc pas nouveau. Et l’argument des sceptiques est toujours le même :
quand on fait la somme des PIB de chaque province on arrive à un résultat
différent du PIB national ! Une anomalie qui permet toutes les
interprétations. Soit, les provinces gonflent leurs chiffres et le gouvernement
central ajuste à la baisse. Soit, c’est l’inverse.
L’importance
d’expertises multiples
Cette réalité illustre l’enjeu autour des organismes de
statistiques. Si ces derniers sont sous le contrôle du pouvoir politique, les
risques de manipulation sont importants. Dans le même temps, le cas de la Grèce
et de ses chiffres maquillés, a montré que même un organisme indépendant voire
un organisme régional peut se laisser abuser par des manipulations en amont. Du
coup, c’est l’abondance de l’expertise, autrement dit l’existence de plusieurs
sources d’analyse et de retraitement, qui peut faire la différence et permettre
de se faire une idée objective de la situation. A condition que ces sources ne
sombrent pas dans des comportements moutonniers comme c’est trop souvent le cas
en matière d’analyse économique.
(*) L’Obs, 24 septembre 2015
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