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Le Quotidien d’Oran, jeudi 22 septembre 2016
Akram Belkaïd, Paris
C’est l’histoire du soldat Ryan, tu sais ce gars de la 101ème aéroportée. Un fois sauvé par Forest Gump et ses hommes, il devient capitaine de l’équipe des Springboks. Il prend le thé chez Mandela qui lui récite un beau poème que tout le monde a fait semblant de connaître quand Madiba s’en est allé rejoindre le grand Veld. Ensuite, le type a été recruté par la CIA. On le retrouve flottant dans la Méditerranée, à moitié mort, une puce dans la peau. Il est finalement sauvé par des pêcheurs et il comprend qu’il doit aller à Zurich, histoire de récupérer un peu de cash comme Cahuzac et de comprendre qui il est. Tu vois, Jason Bourne, sa toison d’or, c’est la mémoire. Tout le reste, les bagarres, les poursuites, les fusillades, c’est pour enrober. Le vrai thème, c’est l’amnésie.
Bref, il va à Zurich et là, dans un parc, il tabasse deux policiers suisses qui ne lui ont rien fait. Tu te rends compte ! Ça se fait trop pas, ou bien ? Ensuite, il met le souk dans le consulat américain. Ça, on peut comprendre. Et pour finir, il va à Paris, toujours pour deviner qui il est. Il n’aura aucune réponse mais il rencontre Marie, l’amour de sa vie. Il y a plein de gens qui veulent le tuer et on devine peu à peu que ces méchants sont de la CIA. En fait, depuis les Trois jours du Condor, c’est toujours la même histoire. Il y a une division clandestine à l’intérieur de l’Agence qui n’arrête pas de comploter et quand elle est démasquée, elle tue les gentils et honorables espions. Comment ça, six ? Les six jours du Condor ? Ah oui, le roman. Mais dans le film, ils ont ramené ça à trois. Une histoire de budget, sûrement. Bon, je termine avec la première partie. Jason devine peu à peu qu’il faisait partie d’un programme secret d’assassinat et que ça c’est mal passé pour lui quand il a dû tuer Wombosi, un dictateur africain. Comme si la CIA tuait les potentats… Tiens, à propos, tout le monde dit du bien d’Elise Lucet, la journaliste d’investigation. C’est mérité mais j’ai eu du mal à m’y faire. En 2003, elle a reçu dans son journal un ancien de la CIA qui a justifié l’attaque de l’Irak en disant que l’Amérique rendait souvent service au monde en le débarrassant des dictateurs. Il a cité pour l’exemple Lumumba et elle a sourit sans rien dire…
La deuxième partie est la moins réussie de la série mais on a des images superbes de Berlin. Au début, Jason est en Inde, je crois. Un tueur flingue Marie et il va donc devoir la venger. Dans cet épisode, les vrais héros sont les villes. D’abord Berlin, ensuite Moscou. On a droit à des courses-poursuites, à des fusillades et Jason montre à chaque fois qu’il sait tout faire : parler allemand ou russe, se soigner et piéger ses ennemis. Pour le reste… Le méchant de la CIA se suicide et on comprend qu’il va y avoir une suite parce que Bourne n’a toujours pas retrouvé la mémoire même s’il a quelques flashbacks. A propos de suicide, c’est un grand classique de ce genre de films. J’imagine que l’Agence impose ça aux scénaristes et aux réalisateurs. Une obligation du genre, on veut bien que vous disiez qu’il y a des fruits pourris chez nous mais arrangez-vous pour que l’honneur soit sauf à la fin.
Mon préféré, c’est le troisième épisode. Bon, là encore, on ne comprend pas tout sauf qu’il y a une série de programmes clandestins à la CIA et que plein de chefs sont mouillés. Et on voyage toujours autant avec Jason. D’abord, à Londres où un pauvre journaliste du Guardian se fait butter. Ensuite, à Tanger. Et là, c’est un grand moment de cinéma. Il y a une course-poursuite sur les toits de la ville. La police locale court après Jason lequel course un tueur professionnel envoyé par la CIA pour le zigouiller. C’est assez spectaculaire on a jamais vu Tanger filmée comme ça. Ce qui est amusant, c’est d’entendre les phrases en marocain. Le tueur, qu’on appelle « l’asset » ou l’atout ( !), c’est un arabe nommé Desh. A une voyelle près, hein... Il se bat bien mais Jason l’éclate dans des toilettes turques. Juste avant ça, il lui explose le visage en lui collant dessus un livre de cuisine marocaine et en le cognant comme un sourd. J’aime bien ce genre de clins d’œil. Au cinéma, tu ne peux pas t’en rendre compte, ça va trop vite. Mais avec un dvd, tu fais défiler les images au ralenti et tu peux lire le titre en arabe. Je reviens à la poursuite. J’aimerais bien savoir comment tout ça s’organise avec les autorités du coin. Est-ce qu’il s’agit de vrais flics ou de figurants ?
Après Tanger, Jason va à New York et il y retrouve un peu de son passé. C’est un soldat qui a été enrôlé dans un programme d’assassinats clandestins et qui a été traité sur le plan médical pour devenir une super machine à tuer. L’agent qui le traque mais qui l’aide aussi est la même que dans le deuxième épisode. Prénom, Paméla… La dernière fois à Alger, j’ai traité un type mal garé de Pamela, il m’a regardé avec de gros yeux. Trop jeune pour avoir vu Dallas… Bon, pour finir avec cet épisode, Jason se fait tirer dessus et il plonge dans l’East river. On se dit que la boucle est bouclée, que la saga a commencé avec un corps dans la Méditerranée et qu’elle va finir avec le même corps coulant dans des eaux bien plus noires. Et là, tu as cette scène culte où l’une de ses amies entend à la radio qu’on n’a pas retrouvé son corps. Elle sourit. Et, juste après, c’est « Extrême ways » de Moby qui démarre avec Jason qui remonte vers la surface… Du beau cinoch !
Je te raconte tout ça parce que je viens de voir le quatrième. Mouais… Bôf. Jason tire la tête comme pas possible et il est pisté par un gars échappé du film La Haine. On a droit à quelques scènes bien ficelées d’émeutes à Athènes, autrement dit la crise grecque revue et corrigée par Hollywood. Ensuite, on va à Berlin où Bourne démolit un lanceur d’alertes français qui s’appelle Christian Dassault... Je ne sais pas si c’est un message subliminal mais tu comprends vite que la série est en train de devenir docile. Le Dassault est un personnage antipathique et le message pour le spectateur ricain est clair : les lanceurs d’alerte comme Snowden et Manning sont des traîtres et même un outsider comme Bourne ne peut être de leur côté. On a tout de même droit à une belle poursuite sur le strip de Las Vegas (Poker d’As, Tobias, Beladas, Pôf…) et, cette fois, une casserole en cuivre collée contre la sale gueule de l’atout remplace le livre de cuisine marocaine. Bref, les choses se normalisent pour Jason qui sait enfin, ou presque, qui il est et d’où il vient. Il ne rentre pas dans le rang mais on se dit que la prochaine fois, il travaillera sûrement main dans la main avec l’Agence et qu’il ira faire un tour du côté de Bagdad ou de Damas…
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