Le Quotidien d’Oran, mercredi 5
octobre 2016
Akram Belkaïd, Paris
Pour nombre d’observateurs, la
récente réunion de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a
débouché sur une surprise avec l’annonce d’une possible réduction de la production.
Cela faisait plusieurs mois que la rivalité entre l’Arabie saoudite et l’Iran
se traduisait par un blocage et un refus de Riad de faire la moindre concession
aux membres de l’Organisation qui voulaient limiter les pompages afin d’enrayer
la spirale des prix. La donne a donc changé et l’impact sur les marchés a été
immédiat avec la hausse du prix du baril qui dépasse la barre symbolique des 50
dollars.
Une organisation à deux visages
Pour autant, il faut se garder de
penser que le retour à une tendance haussière est définitif. D’abord, rien ne
dit que l’Opep va réussir à formaliser son accord lors de sa réunion du mois de
novembre. Les questions qui se posaient durant la seconde partie des années
1990, période marquée par une chute des cours, sont de nouveau d’actualité. Qui
va réduire ses pompages et comment seront répartis les nouveaux quotas ?
La diplomatie qui s’active actuellement va devoir aussi anticiper la suite.
Même si un accord est adopté, il restera à garantir son respect. Par le passé,
le Cartel a ainsi montré deux visages différents quant à la discipline de ses
membres : un respect des limitations ou alors un « chacun pour
soi ».
Malgré ces réserves, et dans
l’attente de la réunion de novembre, il faut s’attarder le changement d’attitude
de l’Arabie saoudite. Comme l’ont relevé plusieurs experts, le fait même que le
poids lourd de l’organisation accepte l’idée d’une réduction de la production
signifie que le nouveau pouvoir en place à Riad a modifié son approche en terme
de politique pétrolière. Jusqu’à la réunion d’Alger, les diplomates saoudiens
expliquaient que leur pays était décidé à respecter la loi du marché. Autrement
dit, pas question d’influer sur les cours du baril en jouant sur l’offre. Ce
discours libéral a été salué par les milieux économiques occidentaux. De grands
titres de la presse d’affaires (Wall
Street Journal, The Economist)
ont applaudi cette mutation, eux qui ont souvent critiqué le caractère
monopolistique de l’Organisation.
Mais les contraintes financières,
le coût de la guerre au Yémen, les multiples projets de réforme et la grogne
engendrée par les mesures d’austérité ont obligé les autorités de Riad à faire
machine arrière, ne serait-ce que de manière temporaire. Pour elles, il ne
s’agit pas de faire enfin la paix avec l’Iran mais de bénéficier d’un peu
d’oxygène dans un contexte intérieur d’autant plus difficile qu’il est marqué
par une lutte sourde pour la succession future du roi Salman. Autrement dit,
comme nombre de ses pairs de l’Opep, l’Arabie saoudite a besoin de cash et cela
d’autant que ses responsables ont réalisé que les marchés financiers n’étaient
pas prêts à lui accorder les meilleures conditions pour emprunter.
Un répit pour les petits producteurs
L’Opep vient ainsi d’accorder un
répit à plusieurs petites compagnies pétrolières, notamment nord-américaines.
Durement touchées par le reflux des prix et très endettées, ces sociétés qui se
sont illustrées dans le boom de la production d’hydrocarbures
non-conventionnels (huiles et gaz de schiste, sables bitumineux) bénéficient de
la reprise à la hausse des prix et en tirent une marge de manœuvre pour
négocier avec leurs banques. Enfin, en Amérique latine comme en Afrique, les
défenseurs de l’environnement qui espéraient que les projets controversés d’exploitation
soient abandonnés faute de rentabilité ne cachent pas leur inquiétude.
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