Le Quotidien d’Oran,
mercredi 28 septembre 2016
Akram Belkaïd, Paris
Il fut un temps où
l’élection présidentielle américaine se gagnait grâce à l’économie. En 1992
comme en 1996, c’est ce thème qui a permis à William (Bill) Clinton de
l’emporter. On se souvient d’ailleurs du fameux slogan « it’s the économy,
stupid ! » - c’est l’économie [qui compte], idiot ! » lequel
pesa lourd dans la bataille entre le « kid » (et gouverneur) de
l’Arkansas et le président sortant Bush-père. Mais depuis le début des années
2000, l’économie ne fait plus la différence. Si l’on met de côté le scrutin
controversé de 2000 (victoire litigieuse de Bush-fils grâce au micmac électoral
en Floride), on se rend compte que d’autres thèmes ont pesé en 2004 en 2008.
« The economy is doing
well »
En 2004, Bush l’a emporté
parce qu’une majorité d’électeurs estimait que le pays ne devait pas changer de
cap alors qu’il était en guerre (en Afghanistan et en Irak). En 2008, Obama
s’est imposé en promettant « le changement » et un rôle plus apaisé
des Etats Unis sur la scène mondiale. Certes, la crise financière de septembre
2008 lui a permis de récolter des voix supplémentaires, celles de nombreux
électeurs écœurés par les dérives de Wall Street. En 2012, sa réélection s’est
jouée, en partie, sur le terrain social avec sa promesse de mettre (enfin) en
œuvre une réforme de la protection sociale.
Qu’en sera-t-il cette
année alors que la campagne électorale américaine entre dans la ligne
droite ? Sur le papier et à regarder les indicateurs macroéconomiques, « the
economy is doing well ». L’économie étasunienne va bien et Hillary Clinton
pourrait s’en prévaloir. Décidé à la soutenir activement pour empêcher Trump de
l’emporter (ce que Bill Clinton n’avait pas fait en 2000 en faveur d’Al Gore…),
Barack Obama a brandi cet argument à plusieurs reprises. Un taux de chômage
compris entre 4% et 5%, ce qui est assimilé aux Etats Unis à une situation de
plein-emploi, des banques qui recommencent à prêter aux ménages et des prix de
l’immobilier qui repartent à la hausse (ce qui augmente la richesse supposée
des ménages) confirment que la conjoncture s’est améliorée depuis la fin de la
récession en 2010. Obama évoque aussi les 15 millions d’emplois créés depuis
2010, un chiffre impressionnant comparé à la stagnation européenne.
L’Amérique malmenée par le libre-échange
Pour autant, la candidate
Clinton ne s’aventure guère sur ce terrain. Elle promet « une meilleure
éducation », de « meilleurs emplois » mais ne fanfaronne pas sur
l’état de l’économie. Cela s’explique par le fait que le retour à la croissance
masque mal la persistance des inégalités. Les Américains les plus pauvres le
restent et parmi eux la grande majorité des Afro-Américains. Ces derniers ont
voté en masse pour Obama, il n’est pas sûr qu’ils en fassent autant pour
Hillary Clinton même si son mari demeure très populaire au sein de cette
catégorie de la population. Plus important encore, de nombreux Blancs vivent
mal la perte de leurs emplois industriels et leur remplacement par des postes
dans des services bien moins payés et peu avantageux en terme de protection
sociale.
Alors que Trump est un pur
produit du système capitaliste américain, le paradoxe est que sa rivale est vue
comme l’amie de Wall Street et des grandes fortunes du pays. Et même si elle se
dit contre les accords de libre-échange, elle a du mal à faire oublier qu’elle
fut une fervente partisante de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena)
que son mari a pu imposer au Congrès en s’appuyant sur le vote d’élus républicains.
Cette ambiguïté n’a pas échappé à Trump qui se pose en défenseur de l’Amérique
malmenée par la mondialisation et le libre-échangisme responsable de la
destruction de plus de 5 millions d’emplois industriels en 15 ans. Voilà
pourquoi les thèmes économiques ne sauraient constituer un argument électoral
majeur pour la candidate démocrate.
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