Le Quotidien d’Oran, jeudi 12 septembre 2019
Akram Belkaïd, Paris
Nombre de spécialistes des États-Unis
l’affirment : l’administration Trump est complètement imprévisible et il est
très difficile d’anticiper ses positions à venir. Pour bien étayer leur propos,
ces experts rappellent que, dans le passé, les locataires de la Maison-Blanche
tenaient compte des grandes orientations voulues par l’appareil
étatiquo-administratif américain, ce que certains désigneraient par
l’expression valise d’État profond. De Bush père à Barack Obama en passant par
Clinton, il y a eu certes des différences, notamment en matière de politique
sociale, mais tous ont respecté, entre autres, un grand principe : assurer
et conforter le leadership américain sur la planète tout en feignant de
respecter les formes de la diplomatie internationale et les règles d’un monde
censé être multipolaire.
Donald Trump, lui, s’affranchit de toute
contrainte y compris formelle. L’un de ses passe-temps préférés est d’ailleurs
de contourner le Département d’État (le ministère des Affaires étrangères) en
annonçant directement ses décisions par le biais du réseau social Twitter. Du
jamais-vu. C’est à l’aune de cette réflexion qu’il faut examiner le récent
limogeage de John Bolton de son poste de conseiller à la sécurité nationale du
président américain. Certes, Bolton, nommé en mars 2018, prétend avoir
démissionné de son propre chef mais là n’est pas le plus important. Ce qui
compte le plus, c’est que Trump finit toujours par se débarrasser de tout
possible contradicteur voire de tout contre-pouvoir. Et le « moustachu
belliciste » en était un au sens de sa volonté de croiser le fer avec tous
les « ennemis » des États-Unis : Afghanistan, Chine, Corée du
nord, Iran, Russie et Venezuela pour ne citer que le premier cercle des cibles
de l’Empire.
On sait que Bolton, soutenu par une grande
partie des néoconservateurs, est un partisan de la manière forte. Il n’y a qu’à
lire les lamentations des ultra-droitiers éditorialistes du Wall Street Journal après son départ
pour comprendre qu’il était l’homme de la guerre à venir, ou plutôt des guerres
à venir, au sein de l’administration Trump. Lui parti, la pression retombe un
peu, les risques de conflit diminuent et même les marchés financiers saluent
l’événement. Il est désormais possible, à moins d’un tweet rageur surprise, que
le dialogue reprenne avec la Corée du nord, la Russie ou l’Iran. Cela vaut aussi
pour l’Afghanistan même si, là aussi, Trump a surprit tout le monde en rompant
les négociations « secrètes » (la planète entière était au courant…)
avec les Talibans. Ouvrons ici une parenthèse pour relever que dix-huit ans
après les attentats du 11 septembre et l’intervention occidentale en
Afghanistan, rien n’est réglé dans ce pays où les armes et les explosifs
dictent toujours leur sanglante loi. Les soldats américains sont toujours sur
place et la seule perspective qui se dessine, c’est un retour au pouvoir des
Talibans chassés en 2001… Tout ça pour ça. Fin de la parenthèse.
Revenons à Trump. Le voici donc débarrassé de
tout avis divergent. Mais, au-delà de ses slogans chauvins et de ses tweets
égotiques, que veut-il exactement en matière d’affaires étrangères ?
La seule certitude concerne Israël. Le locataire de la Maison-Blanche
soutiendra tout ou presque de ce qui viendra de Tel Aviv y compris l’annexion
de la Cisjordanie que prépare Benjamin Netanyahou (les deux hommes auront
néanmoins une divergence concernant l’Iran). Pour le reste, c’est le flou le
plus total. La Corée du nord ? Beaucoup de blabla, une rencontre avec Kim
Jong-un, certes historique, mais surtout destinées aux caméras et aux
photographes mais dans le fond, rien n’est réglé. Au Venezuela, le régime de
Maduro n’est pas tombé et Washington se voit contraint de renouer tôt ou tard
le dialogue. L’Iran ? L’objectif de Trump est de rencontrer Hassan Rohani,
son homologue iranien mais Washington n’a émis aucune proposition concrète susceptible
de relancer les négociations sur le sujet du nucléaire et des sanctions
imposées à Téhéran.
On sait que les néoconservateurs et le lobby
pro-israélien veulent une guerre contre l’Iran. Trump, de son côté, pense
d’abord à sa réélection en 2020. A en croire la presse américaine, il serait
obsédé par ce rendez-vous où son orgueil démesuré lui dicte de faire aussi bien
que ses trois prédécesseurs. Or, une grande partie de son électorat l’a élu
pour qu’il mette fin aux interventions militaires américaines à l’étranger.
C’est ce qui explique les négociations avec les Talibans et les appels répétés
pour un dialogue direct avec Téhéran. Quelques heures après le départ de
Bolton, Donald Trump s’est ainsi dit prêt à une « rencontre sans
préalable » avec Hassan Rohani. Pour l’heure, les Iraniens ne sont guère
pressés et on les comprend puisque c’est ce même Trump qui a torpillé l’accord
sur le nucléaire conclu en juillet 2015.
Il y a un an, le tout Washington affirmait que
Donald Trump voulait « sa » guerre. Aujourd’hui, échéance électorale
oblige, la donne a changé. Pour autant, le monde est-il plus sûr ? Avec un
homme aussi imprévisible à la tête de l’armée la plus puissante du monde, ce
n’est guère certain.
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