Lignes quotidiennes

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dimanche 4 mars 2012

La chronique du blédard : Lettre à un ami français halalisé

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 1er mars 2012
Akram Belkaïd, Paris
Ami français qui vit dans la région parisienne, qui n'est ni musulman ni de culture musulmane, qui croit en Dieu (ou pas), qui est un défenseur acharné de la laïcité à la française (ou pas), qui aime bien les bêtes et ne veut surtout pas savoir par quels moyens et procédés, veaux, vaches et poulets atterrissent dans son assiette (ce qui suit ne concerne ni les cochons ni les poissons). Ami d'Ile-de-France, tu cours, sans le savoir, un grand danger. Non, ne souris pas. Ne prends pas cela à la légère. Cette chronique est sérieuse. Il te faut la lire pour éviter des problèmes. Beaucoup de problèmes.

Il paraît, je te l'écris comme si je le chuchotais, il paraît donc que tu manges de la viande halal à l'insu de ton plein gré. Avoue que cela te bouleverse. Comment ? Tu ne sais pas ce que halal veut dire ? Mais, bon sang (c'est le cas de le dire), regarde la télévision, dévore la presse écrite et les éditoriaux, navigue sur internet, attarde-toi sur les blogs ! Oublie la crise économique, le chômage qui frappe et qui guette, la situation catastrophique de la Grèce, la désindustrialisation de l'Europe, les attaques en règle contre les services publics de ton pays, les écarts sans cesse croissants entre les plus riches et la population à laquelle tu appartiens. Oublie la question des retraites, celle de la sécurité sociale. Non, sérieusement, oublie les choses que tu croyais importantes.

Ami, on est en train de te halaliser. Je te le dis car tu dois le savoir : manger de la viande abattue selon le rituel musulman (c'est du moins ce que prétendent les petits malins qui s'en mettent plein les poches en vendant le label halal…) n'est pas chose anodine. Ne sens-tu pas que cela te déconstruit ? N'es-tu pas en train de changer d'identité ? N'as-tu pas demandé que l'on ne t'appelle plus Nicolas mais Mouammar ? Ne te sens-tu pas happé par une envie pressante de te laisser pousser la barbe ? De prendre quatre femmes en t'engageant à les traiter de manière équitable ? N'as-tu pas senti une force te pousser à dérouler un tapis en pleine rue ?

Non ? Vraiment ? Tu ne sens rien ? Crois-moi, cela ne saurait tarder. Fais donc confiance à la classe politique de ton pays et aux éditorialistes vedettes qui s'interrogent à longueur de colonnes si la (pauvre) bête est étourdie ou non avant que la lame du couteau ne lui ôte la vie. Ecoute-les sonner l'hallali contre le halal. Es-tu bien certain que le fait de manger de la viande halal ne te change pas ? Il y a quelques semaines à ton travail, n'as-tu pas eu envie d'aller trouver ton supérieur pour lui demander, non pour exiger de lui, qu'il aménage une salle de prière au troisième étage de votre building ? N'as-tu pas eu envie, plusieurs fois par jour, d'enlever tes chaussures et tes chaussettes ? Puis de replier ton pantalon à mi-chevilles, d'enfiler des savates en caoutchouc et d'errer dans les couloirs de ta boîte, un broc d'eau à la main ? Ah, tu vois. Ça commence toujours ainsi. C'est l'une des premières manifestations de la halalisation insidieuse que des vigies très républicaines ont eu la sagacité cosmique de dénoncer.

Tu vas voir à quel point tu vas changer. Tu pourras même écrire un roman sur ta métamorphose. Le halal va te transformer physiquement et spirituellement. Un matin, en te réveillant, tu ne vas plus te reconnaître dans la glace. Dans la rue, on te prendra pour Ahmadinejad ou Bachar. Tu n'appelleras plus ta femme Cécilia mais Moza. Tu donneras ton avis sur tout et tu adoreras interdire ceci ou cela à tes enfants, à tes amis, à tes voisins et à tous les gens que tu ne connais pas. Est-ce cela que tu veux ? Non ? Alors, arrête de manger du halal sans le savoir. Réveille-toi et deviens végétarien (ou contente-toi du cochon ou de poissons le temps que le duo Marine-Guéant règle le problème).

Maintenant que tu es aware, ou plutôt hallal-awaré, il faut que je te mette en garde contre les objections que tu pourrais entendre ici ou là. D'abord, n'écoute pas celles et ceux qui vont t'expliquer que beaucoup de gens achètent de la viande halal parce qu'elle est moins chère qu'ailleurs mais aussi parce qu'elle a meilleur goût. N'écoute pas non plus les spécialistes qui vont t'affirmer qu'une viande provenant d'une bête égorgée est plus saine que les autres. Tout cela, c'est de la propagande halaliste !

Méfie-toi aussi de celles et ceux qui vont t'expliquer que le halal, c'est l'équivalent du casher. En fait, c'est juste une histoire de cousinage mais, toi, tu n'es pas concerné. Tu vas aussi entendre des voix indignées rappeler que dans les années Trente, on accusait déjà les bouchers casher d'empoisonner la population à son insu. Tu auras juste à dire que ce n'est pas la même chose et que le problème, ou si tu préfères le complot d'aujourd'hui, ce n'est pas le casher mais le halal ! Ne t'en fais pas, personne n'y trouvera à redire, bien au contraire !

Te voilà donc averti. Sois vigilant. Surtout, je compte sur toi pour signer toutes les pétitions qui circulent en France, en Navarre et au-delà pour exiger la création d'un label européen du «non-halal» pour toutes les viandes et autres produits alimentaires. A chaque fois que tu achèteras une viande dans un supermarché ou chez ton boucher, n'oublie donc pas de poser la question suivante : «Vous m'assurez que c'est bien du non-halal, n'est-ce pas ?». Je sais, c'est un peu contraignant mais c'est que l'affaire est sérieuse. Vraiment sérieuse. 
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1 commentaire:

TAXI Records a dit…

"...n'oublie donc pas de poser la question suivante : «Vous m'assurez que c'est bien du non-halal,.."

tres bon conseil!

Apres tout, il y en a bien certains qui veulent a tout prix du hallal...