Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

jeudi 28 mars 2013

La chronique du blédard : Ni haïk, ni hidjab ni seins à l’air

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 28 mars 2013
Akram Belkaïd, Paris
 
Il fut un temps où l’Algérie indépendante entendait dévoiler ses femmes. Bien sûr, la méthode n’était pas celle, brutale, qui fut utilisée, un temps et en vain, par le colonisateur à la fin des années cinquante. Non, il s’agissait de progressisme volontariste, l’objectif étant de donner aux Algériennes les mêmes droits que les hommes. Les deux premières décennies de l’Algérie indépendante furent donc, vaille que vaille, celles de la mixité, des têtes découvertes et des jupes plus ou moins courtes. Puis, vint la régression que nous connaissons aujourd’hui avec ses voiles imposés par des prédicateurs influencés par le Machrek et le Golfe.
 
Dernièrement, et pour dénoncer cela, des femmes ont défilé à Alger habillées du haïk traditionnel. Une petite vaguelette blanche qui a fait beaucoup parler d’elle et dont l’objectif était de revendiquer une authenticité bien algérienne face aux hidjabs, niqabs et autres djelbabs. On pourrait applaudir à cet acte de résistance contre la propagation dans le pays de ces accoutrements étrangers et d’un autre âge (à ce sujet, les hommes pourraient aussi se pavaner à leur tour en seroual-loubia pour dire tout le mal qu’ils pensent de la tenue kamiss-claquettes). Le problème, c’est qu’on ne lutte pas contre une régression par une autre régression. En clair, le haïk n’est pas la solution, bien au contraire. Il faut même se demander si le hidjab ne lui est pas préférable car, au moins, il ne cache pas le visage de la femme et la laisse plus libre de ses mouvements. Mais n’entrons pas dans ce genre de raisonnement, il ferait trop plaisir aux conservateurs qui savent servir à merveille ce genre d’arguments spécieux.
 
Non, le vrai objectif est de faire en sorte que les Algériennes aient les mêmes droits que les Algériens. Une égalité qui passe par l’abrogation du Code de la famille que plus personne ne semble réclamer. Il est vrai que certaines de ses anciennes contemptrices sont désormais tirées d’affaire, ayant accédé à de hautes fonctions ou sévissant au sein de l’Assemblée nationale. Oui, défendre l’égalité homme-femme, c’est dire haut et fort qu’il faut interdire la polygamie, qu’il faut légiférer sur l’égalité d’accès à l’emploi, qu’il faut criminaliser les violences conjugales et qu’il faut mettre fin au scandale honteux de la répudiation et des femmes mises à la porte de chez elle par la simple volonté masculine. C’est reprendre le combat de nos aînées, leur dire que ce qu’elles réclamaient n’était pas utopique car un peuple qui bride et brime une part de lui-même ne s’en sortira jamais.
 
C’est aussi commencer le combat à la maison, dans la cellule familiale, pour que les pères mais aussi les mères – qui sont trop souvent les outils de répression de leurs propres filles – fassent en sorte que les frères aient les mêmes devoirs que leurs sœurs, notamment en ce qui concerne les tâches ménagères, et que ces mêmes sœurs aient les mêmes libertés que leurs frères. Bien entendu, ce n’est pas facile, ce n’est pas évident dans une société à la fois patriarcale, méditerranéenne et musulmane. Mais là est le vrai combat. Il n’est pas dans l’exhumation d’un bout de tissu blanc aussi dentelé et fin soit-il…
 
Cette petite manifestation en faveur du haïk témoigne de cette confusion et de cette absence de discernement propres à nos sociétés. Le manque de culture politique, la volonté de frapper les esprits par le biais du buzz médiatique en sont responsables mais aussi l’égotisme, véritable maladie de ce début de siècle comme le montre l’explosion des réseaux sociaux sur internet où chacun raconte sa vie dans les moindres détails comme s’il s’agissait d’une aventure extraordinaire. Mais, ce genre d’actions fait rarement avancer les choses et seul compte le travail de fond et de proximité. Et, avec lui, l’explication, et l’argumentation. Cela vaut pour ces jeunes femmes arabes qui empruntent le sillage des Femen ukrainiennes en exhibant leurs poitrines nues pour revendiquer leurs droits et faire passer un message féministe et anti-intégriste. Sans surprise, ce mode d’action a les faveurs élogieuses des médias occidentaux et de leurs chroniqueurs en mal d’engagements (que feraient-ils d’ailleurs si le monde arabe n’existait pas ?).
 
Mais il faut vraiment être naïf – ou cynique - pour affirmer qu’une poitrine nue peut changer les choses. Bien sûr, cela offre une petite notoriété, un visa pour l’Europe, peut-être même un prix d’une quelconque fondation humaniste avec à la clé une rétribution bienvenue. Cela donne lieu à un moment de célébrité warholien et contribue à alimenter en sujets l’industrie française de l’indignation et des mobilisations sélectives. Car, il y a celle qui enlève le haut et celles et ceux qui s’inquiètent et tempêtent pour elle, ce qui leur offre aussi, le moment de célébrité… Mais, tout cela ne fera certainement pas disparaître le machisme et la misogynie en Algérie, Tunisie ou ailleurs dans le monde arabo-musulman. Une poitrine à l’air avec inscrit sur elle un message politique ? Les intégristes y trouvent matière à fulminer et à menacer, les imams une occasion pour donner de la fatwa rétrograde et la majorité silencieuse, celle qui, demain, pourrait enfin comprendre pourquoi l’égalité entre les hommes et les femmes est si vitale, va se demander si tout cela est bien sérieux.
 
Comme je l’ai déjà écrit dans un texte récent : n’est pas Lady Godiva qui veut (*). Et ces néo-militantes seraient mieux inspirées de s’en retourner vers des modes d’actions plus classiques, certes moins spectaculaires et moins susceptibles de les rendre célèbres, mais, à terme, bien plus efficaces à l’image du « Grassroots commitment » cher aux sociétés civiles anglo-saxonnes. La cause des femmes est une affaire trop sérieuse pour être réduite à ce genre d’actions, certes risquées et dangereuses, mais néanmoins guignolesques et narcissiques...
 
(*) Lignes quotidiennes, lundi 31 décembre 2012.
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7 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout d'abord ce pseudo-intellectuel a deux balles devrait apprendre le francais, on ne dit pas 'applaudir à cet acte' mais 'applaudir cet acte'... bernard henri levy devrait au moins former ses zbirs et ses soldats avant de les envoyer faire ce sale boulot!!!
et encore une nouvelle petite et minable attaque envers l'Islam... si au moins cette petite crotte de journaliste avait le mérite d'être original... ca me réjouit de plus en plus de voir ou de lire ses attaques d'une bassesse qui n'a d'égal que leur niveau intellectuel... cette religion a cette force de frustrer ses ennemis et de les faire se sentir impuissants, et quel beau spectacle que de les voir ainsi deverser leur haine et frustration devant tout ce qui vient de l'Islam!
alors akram machin, petit esclave de la franc-maconnerie (il ne s'en rend surement meme pas compte) ton combat est déja perdu... tu t'attaques a trop juste, trop saint, trop pur et trop grand! Je ne rentrerai même pas dans ce débat idiot sur le hayk je te dirais juste Allah yahdina we yahdik.

Akram Belkaïd a dit…

Quel délire... Et ça donne en plus des leçons de grammaire...

Extrait de la grammaire des grammaires :

Applaudir à une chose : c'est témoigner qu'on la trouve bonne, belle, juste, raisonnable, digne d'éloges; c'est témoigner qu'on l'approuve. Exemple : Il est bon d'applaudir à un acte de vertu, de dénouement et de grandeur d'âme.

Elli khatih, khatih...

Anonyme a dit…

Serieux Akram, franchement, quand on a rien à dire, mieux vaut s'abstenir. faut lire, par exemple. islam, niqab, fatwa rétrograde. je te dis ça parce que je me dis que tu pourrais faire mieux que ça, hélas tu te sens obligé d'écrire alors que t'as plus rien à dire...essaye de prendre quelques années pour toi, lis, voyage, discute avec ces gens que tu ne comprends pas, sors de ce délire de convictions simplificatrices, je te dis pour t'avoir rencontré, lu quelques uns de tes papiers qui semblaient prometteurs, mais là tu bloques, tu vis pas assez donc tu écris du cassé, tu mélanges tout, faut renouveler tes outils, à ton age, quand même, tu veux mesurer des grandes distances avec le même double décimètres de tes années fac, sérieux t'es plus au niveau où tu peux te contenter des compliments de 2 ou 3 has been que tu rencontres à Belleville ou ailleurs à Paris, non tu peux plus te contenter de ça, essayer de faire plaisir aux petits vieux jeunes qui applaudissent pour la nième fois des papiers pseudo féministes de ce genre, pseudo islamophobe, pseudo réfléchis, non Akram, akram allahou wadjhak (aller tiens, c'est la petite touche qui te facilitera la tache de me cataloguer, effacer ce commentaire de ta tête et dormir à l'aise en pensant à ton charme qui va opérer sur une midinette ou deux en science po ou histoire contemporaine option Algérie) aya, laisse tomber ce blog un moments, et c'est parti, tant de choses à découvrir, il n'est jamais trop tard, tu le mérites, vas-y, bon vent, j'espère te lire dans quelques années plus mûr, plus parfumé, plus coloré

Akram Belkaïd a dit…

Tant de fiel faussement moralisateur, tout cela pour un voile, un fichu et une incapacité, mais d'où vient-elle, à accepter l'égalité homme-femme. Meskine ya radjoul ennassiha ettafah... Merci du conseil, mais, visiblement, tu ne comprends rien, ni à l'écriture ni à ce qui la motive. Je n'effacerai pas ton commentaire de ma tête. J'y penserai de temps à autre, mais en rigolant bien...

Anonyme a dit…

bravo pour votre commentaire Akram Belkaid!!!!!!!!!!!!!!!!!!mais je désespère où ira l'avenir de la femme dans mon pays je suis si malheureuse sur le tsunami qui nous est tombé sur la tête!!!!!!!!!!et quelle hypocrisie pour les pseudo pratiquants hommes ou femmes!!!!!!!!sinon notre condition de la femme en régression hélas oui!!!!

Anonyme a dit…

Bonjour Monsieur Belkaid,
Je partage votre avis sur le caractère essentiel d’un changement pour les femmes. Comme le dit la féministe égypto-américaine, Mona Eltahawy dans son très beau texte "Pourquoi ils nous haïssent", "nos révolutions politiques ne réussiront pas si elles ne sont pas accompagnées de révolutions de la pensée —des révolutions sociales, sexuelles et culturelles qui renverseront les Moubarak dans nos esprits autant que dans nos chambres à coucher".
Ceci étant, je ne vous suis pas pour ce qui concerne les femen tunisiennes (il y en a eu deux jusqu'à maintenant, je pense). Je pense que le fait qu'elles aient osé poser nues ET à visage découvert, montre à quel point le monde arabo-musulman est effectivement en ébullition. Dans un contexte où les droits de la femme sont, on ne peut plus limités, discuter du mode d'action est donc peu important. Et je ne crois pas qu’il y ait de bonnes ou de mauvaises méthodes féministes. A la limite, à Londres ou à Bruxelles (où je suis née et où j’ai toujours vécu tout en ayant des origines marocaines), on peut se demander pourquoi les femen agissent de cette façon tellement elles ont de possibilités plus classiques et même plus efficaces de se faire entendre.
A Tunis ou au Caire, vous conviendrez avec moi que les choses sont plus compliquées. Les femmes peuvent, y compris dans les milieux associatifs, revendiquer leurs droits mais seulement jusqu’à un certain point et surtout, dans le respect de certaines balises. Dans les différents mouvements associatifs féministes du Maghreb, la question de la liberté sexuelle n’est d’ailleurs que peu voire pas abordée. Ne trouvez-vous pas que l’acte d’Amina est profondément révolutionnaire ? Et que cette jeune fille qui se dénude et qui écrit en arabe que son corps lui appartient, c’est le mur de la peur qui continue de tomber ?
Bien cordialement à vous,
Rajae Essefiani

Anonyme a dit…

Merci pour cet article ! je partage complètement votre point de vue; le problème est là: nous perdons de vue les vrais problèmes et la façon de les résoudre, ou en tous de faire avancer les débats et surtout les droits.
Je suis également, bien que féministe, très sceptique sur l'action des Femen et sur l'instrumentalisation qui est faite de ces jeunes femmes.
Merci en tous cas pour ces chroniques au regard décalé.
Bonne continuation !
TAfokt