par Akram Belkaïd, Paris
Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives mais il semble bien que l’économie américaine ait pris des couleurs comme le montrent deux récentes statistiques. D’abord, la croissance du produit intérieur brut (PIB) a atteint 3,6% en rythme annuel au troisième trimestre de cette année. C’est la première fois depuis sept trimestres que la progression du PIB dépasse la barre symbolique des 3%. Ensuite, le chômage au mois de novembre est tombé à 7% avec la création de 203.000 emplois. Le marché du travail revient donc à ses niveaux de septembre 2008, à la veille de la grande crise financière.
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QUELQUES RESERVES DE TAILLE
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Bien entendu, des éléments amènent à relativiser ces performances et à garder en tête qu’un retournement est toujours possible. Pour ce qui est de la croissance, il faut préciser qu’elle a été dopée par la constitution de stocks, pour un montant total de 116,5 milliards de dollars, en vue des achats pour les fêtes de fin d’année (dont le coup d’envoi traditionnel a été donné le 29 novembre dernier pour le fameux week-end du Black Friday). Il faudra donc attendre les résultats du quatrième trimestre pour vérifier si la reprise de la consommation s’est maintenue au même niveau.
Concernant le marché du travail, les statistiques de création d’emplois ont bénéficié du retour au bureau de plusieurs milliers de fonctionnaires qui s’étaient retrouvés sans emploi jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé au Congrès à propos du budget fédéral. De même, il faut noter que le nombre de chômeurs reste élevé car proche de 11 millions (10,9) ce qui est très loin de la moyenne de 6 millions qui prévalait au début des années 2000 quand la croissance de l’économie était vigoureuse. Voilà pourquoi de nombreux commentateurs continuent de parler de « jobless recovery », reprise sans emplois, et cela malgré les 2,8 millions d’emplois créés depuis septembre 2012.
On peut aussi s’interroger sur la manière dont évolueront les chiffres de la croissance et de l’emploi le jour où la Réserve fédérale (Fed) s’arrêtera d’injecter chaque mois 85 milliards de dollars dans l’économie. A ce sujet, les perspectives restent encore incertaines. D’une part, la Fed ne pourra pas continuer à créer de la monnaie de manière indéfinie (ses injections créent déjà des bulles sur les marchés financiers notamment dans le secteur des nouvelles technologies). De l’autre, la bataille parlementaire à propos du budget est loin d’être terminée au Congrès et un nouveau blocage de l’appareil fédéral n’est pas à exclure.
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LE PRAGMATISME AVANT TOUT
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Mais quoiqu’il en soit, ces derniers chiffres de conjoncture démontrent la capacité de l’économie des Etats-Unis à s’adapter et à déterminer les mesures susceptibles d’enrayer les menaces récessionnistes. Ainsi, l’action volontariste de la Réserve fédérale s’apparente à une méga-subvention publique de l’économie et du secteur privé qu’il soit bancaire ou pas. Dans ce genre de circonstances, l’idéologie cède donc la place à un keynésianisme des plus pragmatiques. C’est là une leçon américaine que l’Union européenne, agrippée à son dogme libéral, a encore du mal à comprendre…
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