Le Quotidien d'Oran, mercredi 26 mars 2014
Akram Belkaïd, Paris
C’est une information qui est presque passée inaperçue en
raison de la focalisation générale à propos de la tension provoquée par la
crise ukrainienne. Jeudi 13 mars, le Parlement européen a adopté à une large
majorité (448 voix pour, 140 contre et 27 abstentions) un rapport critiquant
avec sévérité l’action de la troïka face à la crise financière qui a affecté
l’Europe en 2009 et durant les années qui ont suivi. Pour mémoire, la troïka
est composée du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque centrale
européenne (BCE) et de l’Union européenne (UE). Et les pays où elle a été
obligée d’intervenir sont Chypre, la Grèce, l’Irlande et le Portugal.
Manque de légitimité
démocratique
Que dit ce rapport ? Il insiste d’abord sur un fait qui,
de manière générale, empoisonne le fonctionnement des institutions européennes
mais qu’aucun gouvernement du vieux continent ne semble vouloir ou pouvoir
résoudre. Il s’agit du manque de transparence dans le fonctionnement de la
troïka. En effet, cette dernière ne répondait devant personne de son action et
de ses décisions, dont certaines sont à ce jour très contestées à l’image des
mesures d’austérité imposées à la Grèce. Dans le même ordre d’idée, le document
met en exergue, en la déplorant, le manque de légitimité démocratique du trio
BCE-UE-FMI. « La plupart des décisions furent prises sans contrôle
parlementaire, à l’Eurogroupe, instance formelle où la voix de l’Allemagne
prime » a commenté Liêm Hoang-Ngoc, député socialiste et rapporteur de la
commission d’enquête mise en place par le Parlement européen pour juger du
travail de la troïka (rappelons que l’Eurogroupe est la réunion mensuelle des
ministres des Finances de la zone euro). Pour résumer, la troïka a agit seule
tout en étant sous influence de l’Allemagne (opposée à toute indulgence à l’égard
de la Grèce) et sans rendre compte de ses décisions auprès du Parlement.
Mais c’est surtout à propos du fond que les conclusions du
Parlement méritent d’être connues. En effet, le rapport reproche à la troïka sa
persistance à ne vouloir imposer qu’un seul point de vue dans les remèdes
qu’elle a imposé aux pays concernés. Sans tenir compte des disparités entre
chacun, elle a systématiquement privilégié l’approche orthodoxe qui passe par
des cures d’austérité et des diminutions drastiques de dépenses publiques.
Cette thérapie de choc a eu, on le sait aujourd’hui, des conséquences sociales
dramatiques en Grèce et, à ce jour, seul le Fonds monétaire international a
fait son mea-culpa, reconnaissant que l’austérité n’était pas la solution
unique pour faire face à la crise. A l’inverse, ni la Commission européenne ni
la BCE n’ont esquissé la moindre autocritique. Rien d’étonnant à cela pour qui
connaît un tant soit peu la morgue idéologique qui caractérise le personnel de
ces institutions…
Un fonds monétaire
européen : oui mais pour quoi faire ?
Tirant les conclusions de l’action de la troïka, le rapport
suggère donc que la BCE n’en soit plus un membre actif et qu’elle se contente
d’un rôle de consultant. Les parlementaires estiment aussi que l’idéal serait
que l’Europe dispose demain de son propre fonds monétaire. Une option qui
réduirait l’influence du FMI mais aussi de la BCE. Mais rien ne dit que cela
changera les choses quant au fond. On le sait, dans toutes ces organisations,
le personnel est formaté selon la pensée unique de l’orthodoxie monétaire et
l’on voit mal un Fonds monétaire européen se comportant différemment de la
troïka. Malgré ce qui se passe aujourd’hui encore en Grèce, nombre de
fonctionnaires et d’experts internationaux continuent d’ailleurs de défendre
les mesures d’austérité et de réduction des dépenses publiques. En Europe,
comme dans le reste du globe, le renouvellement des idées et approches
économiques n’est toujours pas à l’ordre du jour.
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