Le Quotidien d'Oran, mercredi 4 janvier 2015
Akram Belkaïd, Paris
Qui prime ? Le choix électoral d’un peuple ou un
traité transformé en totem ? C’est la question que pose, une nouvelle
fois, l’actualité grecque. De fait, l’arrivée au pouvoir du mouvement Syriza
est susceptible de rebattre les cartes d’une situation que l’on croyait figée
depuis que le Traité constitutionnel européen a été adopté sans grandes modification.
Et cela malgré les (vaines) promesses d’amendements faites par quelques
gouvernements velléitaires ou vite rappelés à l’ordre par Bruxelles (on pense
notamment au président français François Hollande qui, à l’entendre pendant la
campagne de 2012, devait imposer une nouvelle mouture de ce texte).
La Troïka a échoué
La situation est connue. D’un côté, un pays qui a été mis
sous tutelle par la désormais tristement célèbre troïka (Banque centrale
européenne ou BCE, Fonds monétaire international ou FMI et Commission
européenne). De l’autre, des créanciers qui ne veulent pas de l’idée d’une
annulation partielle ou encore moins totale d’une dette qui fait près de 320
milliards d’euros. Or, depuis 2009, la Grèce ne cesse de s’enfoncer et les
mesures d’austérité mises en place par la troïka n’ont pas donné de résultats.
Le déficit grec s’est aggravé, la dette n’a jamais cessé d’augmenter alors que,
dans le même temps, la situation sociale de la population s’est détériorée.
Aujourd’hui, et alors qu’un vent de changement souffle sur Athènes, les langues
commencent à se délier. Les critiques contre la troïka se multiplient, y
compris en provenance du Parlement européen. Autoritarisme, mépris affiché pour
les souffrances des Grecs, morgue des tenants du pouvoir financier : on
s’accorde enfin à dire que les émissaires du trio sont les premiers responsables
de l’échec de la thérapie de choc qui a failli tuer la Grèce et les Grecs.
Le nouveau pouvoir à Athènes a remporté une première
manche, celle de se faire élire. Il est aussi en passe d’en gagner une
deuxième, celle de démontrer qu’il appliquera les mesures promises pendant la
campagne électorale. En Europe occidentale, les petits soldats du
néo-libéralisme poussent des cris d’orfraie. Ils ne comprennent pas que Syriza
ne se range pas au principe de réalité qui, selon eux, consisterait à continuer
gaiement dans une voie sans issue. Cela met en exergue le fait que le débat sur
l’inutilité des politiques d’austérité en temps de crise n’est toujours pas
clôt. Pourtant, la Grèce est la preuve directe que rogner dans les dépenses
publiques, mettre à la rue des milliers de fonctionnaires, démanteler un
système de protection sociale sont autant de mesures douloureuses, pour ne pas
dire criminelles, qui ne relancent pas la machine économique, bien au contraire.
Le FMI a beau dire, la BCE a beau faire, et la Commission européenne a beau
intriguer : la croissance n’est pas au rendez-vous. Que faut-il de plus
pour que le cap soit changé ? Même Barack Obama, le président américain, y
est allé de son couplet pour souhaiter que la Grèce cesse d’être pressurée. Il
reste maintenant à savoir si les appels au bon sens vont être entendus.
L’exigence du
changement de cap
La démocratie a parlé. Les Grecs ne veulent plus être
humiliés. L’Europe, de son côté, tergiverse. Elle ne veut pas d’annulation de
dette mais fait mine d’oublier que si l’Allemagne est ce qu’elle est
aujourd’hui c’est parce que, entre autre, sa dette en matière de dommages de
guerre a été annulée en 1953. Mais ce que l’Union européenne (UE) a de plus en
plus de mal à cacher, c’est qu’elle sait que bouter la Grèce hors de la zone
euro signifiera certainement la fin de la monnaie unique et une onde de choc
d’une brutalité extrême dans tout le vieux continent. Les politiques
économiques suivies au cours des vingt dernières années, faites de dérégulation
et de réformes au profit du capital et de la finance, se paient cash aujourd’hui.
La Grèce est la première à en souffrir mais d’autres pays suivront si l’UE ne
réalise pas qu’il est temps pour elle de changer de cap.
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