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- Allô ? Comment-allez vous ?
- Bien, merci, et vous ?
- Oh, ça va... Quel temps à Alger ?
- On sort doucement de l'été. Et chez vous ?
- On a encore quelques beaux jours. Dites-moi, vous savez comment vont les choses chez nous...
- Ah ça, oui, on regarde Le Petit Journal... Les primaires et tout le reste...
- C'est bien pour ça que je vous appelle. On est obligés de vous cogner un peu. Ne le prenez pas mal. Comme toujours, c'est pour une consommation interne. On va parler des choses qui sont censées vous fâcher... On changera de ton après les élections. D'ici là, il faut que ça tangue... Il y a des voix qu'on est obligés d'aller chercher...
- Pas de problèmes mon ami ! On a l'habitude. D'ailleurs, ça nous arrange. On sera obligés de répondre mais, comme toujours, ce sera pour la consommation interne. Il faut bien que ça s'anime un peu...
- Bien, à très bientôt alors.
- Oui, à très vite. Il faudra qu'on parle de vive voix des projets en cours.
- Absolument !
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Blog au fil des jours, quand la chose et l'écriture sont possibles.
Lignes quotidiennes
lundi 26 septembre 2016
dimanche 25 septembre 2016
Edgar Morin par Leonardo Jardim
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Dans L'Equipe magazine, Leonardo Jardin, entraîneur de l'AS Monaco (football), explique ce qu'est sa "méthodologie écologique" en matière d'entraînement. Il évoque aussi l'influence qu'exerce sur lui la pensée d'Edgar Morin.
Extrait :
"Edgar Morin a une vision globale du monde, de la complexité des facteurs qui interagissent. Face à l'échec, il ne va pas chercher à simplifier et à pointer du doigt un manquement. Il a une perception symphonique de la vie. Eh bien, transposé au football, c'est la même chose (...) Une équipe qui marche bien, c'est un orchestre où tous les instruments jouent sur le même tempo. Quand il ne marche pas, c'est une succession d'erreurs : les interprètes, la qualité des instruments, le chef d'orchestre, et tant d'autres facteurs imperceptibles de l'extérieur. Le foot est complexe. Ill faut l'analyser ainsi et éviter la simplification."
Pour mémoire, Leonardo Jardim, c'est l'entraîneur longtemps moqué par les polyglottes (warf...) du Petit Journal de Canal+ et de la beaufosphère parce qu'il parle français avec un fort accent portugais.
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Dans L'Equipe magazine, Leonardo Jardin, entraîneur de l'AS Monaco (football), explique ce qu'est sa "méthodologie écologique" en matière d'entraînement. Il évoque aussi l'influence qu'exerce sur lui la pensée d'Edgar Morin.
Extrait :
"Edgar Morin a une vision globale du monde, de la complexité des facteurs qui interagissent. Face à l'échec, il ne va pas chercher à simplifier et à pointer du doigt un manquement. Il a une perception symphonique de la vie. Eh bien, transposé au football, c'est la même chose (...) Une équipe qui marche bien, c'est un orchestre où tous les instruments jouent sur le même tempo. Quand il ne marche pas, c'est une succession d'erreurs : les interprètes, la qualité des instruments, le chef d'orchestre, et tant d'autres facteurs imperceptibles de l'extérieur. Le foot est complexe. Ill faut l'analyser ainsi et éviter la simplification."
Pour mémoire, Leonardo Jardim, c'est l'entraîneur longtemps moqué par les polyglottes (warf...) du Petit Journal de Canal+ et de la beaufosphère parce qu'il parle français avec un fort accent portugais.
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La chronique économique : Orthodoxes contre hétérodoxes
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Le Quotidien d’Oran, mercredi 21 septembre
2016
Akram Belkaïd, Paris
C’est la grande polémique de la rentrée. Elle
secoue le petit monde des économistes français où les oppositions, même les
plus vives, sont généralement plus feutrées. A l’origine de l’affaire, la
publication d’un livre par deux économistes, Pierre Cahuc et André Zylberberg,
qui s’en prend avec une rare violence aux « hétérodoxes », comprendre
celles et ceux qui ne partagent pas les idées dominantes en matière de
libéralisme et de culte du marché (1). Pour résumer le propos – outrancier -
des deux auteurs, on dira qu’ils affirment que les économistes orthodoxes sont
les seuls que l’on doit prendre au sérieux puisqu’ils usent de méthodes
scientifiques et expérimentales pour asseoir leurs travaux. Quant aux autres,
c’est-à-dire les hétérodoxes, ceux qui alimentent en idées le mouvement
altermondialiste ou bien encore, les adeptes d’une approche de l’économie plus
en adéquation avec les sciences sociales – voire plus littéraire – ils sont
voués aux gémonies et qualifiés de « négationnistes ». Autrement dit,
ils seraient comparables à ceux qui nient la réalité de la Shoah… On appréciera
la comparaison à sa juste valeur. Et les deux compères de souhaiter, parfois
noms à l’appui, que leurs damnés confrères ne soient plus sollicités par la
presse et que l’accès à l’enseignement leur soit interdit. Rien que ça…
Une véritable inquisition
Dans un premier temps, ce brûlot a reçu
l’accueil favorable de nombre de publications toujours promptes à défendre et à
relayer la pensée unique. Du quotidien Les
Echos à l’hebdomadaire Challenges,
l’ouvrage a été présenté comme une salutaire mise au point. Problème, de
nombreux économistes, y compris des « orthodoxes » ont démoli ses
arguments et pris leur distance avec ses thèses. On lira à ce sujet la réponse
du mensuel Alternatives économiques,
lui aussi étrillé par les deux inquisiteurs (2). Face à la vigueur des
réactions, ces derniers, outranciers mais couards, ont tenté de faire machine
arrière, expliquant que leur livre se voulait d’abord un plaidoyer pour la
diversité des idées et des approches (amusant quand on sait à quel point la
pensée hétérodoxe a du mal à se faire entendre…). De même, ont-ils affirmé que
la recherche économique se devait d’être neutre sur le plan politique. On
signalera juste au passage que l’un des deux auteurs, en l’occurrence Pierre
Cahuc, a été un fervent soutien de la récente et très décriée loi sur le
travail et qu’il n’a de cesse de vouloir prouver l’inefficacité de la réduction
du temps de travail dans la lutte contre le chômage.
Un culot rare
A bien y réfléchir, la publication de ce
livre n’est pas étonnante. Elle fait partie d’une stratégie de reconquête après
quelques années de désarroi provoqué par la crise financière de 2008. Qu’on le
veuille ou non, cette dernière a démontré à quel point l’économie dite orthodoxe
s’est trompée en sacralisant, entre autre, les marchés financiers et leur
fonctionnement prétendument efficient. Nombre d’économistes qui n’ont eu de
cesse de vanter les mérites de l’ultralibéralisme auraient mérité de changer de
métier et de se taire. Aujourd’hui, et alors que même le Fonds monétaire
international (FMI) reconnaît qu’il s’est trompé sur plusieurs sujets (sur la
convertibilité totale des monnaies ou sur les politiques d’austérité), ces
charlatans qui veulent absolument faire croire que l’économie est une science
exacte redressent la tête. Avec un culot rare, ils développent un bien curieux
discours : certes, ils reconnaissent (parfois) s’être trompés mais jurent
que, dans le fond, ils sont les seuls à posséder le savoir et les connaissances
et qu’il faut donc continuer à leur faire confiance et n’écouter qu’eux. Les
« médecins » du XVIII siècle qui tuaient leurs patients en leur
infligeant des saignées à répétition ne disaient pas autre chose…
(1) « Le négationnisme économique et
comment s’en débarrasser », Pierre Cahuc et André Zylberberg, Flammarion.
(2) «
Négationnisme économique » : l’affaire Cahuc, Christian Chavagneux, http://www.alterecoplus.fr, 12 septembre 2016
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La chronique du blédard : Les quêtes de Jason
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Le Quotidien d’Oran, jeudi 22 septembre 2016
Akram Belkaïd, Paris
C’est l’histoire du soldat Ryan, tu sais ce gars de la 101ème aéroportée. Un fois sauvé par Forest Gump et ses hommes, il devient capitaine de l’équipe des Springboks. Il prend le thé chez Mandela qui lui récite un beau poème que tout le monde a fait semblant de connaître quand Madiba s’en est allé rejoindre le grand Veld. Ensuite, le type a été recruté par la CIA. On le retrouve flottant dans la Méditerranée, à moitié mort, une puce dans la peau. Il est finalement sauvé par des pêcheurs et il comprend qu’il doit aller à Zurich, histoire de récupérer un peu de cash comme Cahuzac et de comprendre qui il est. Tu vois, Jason Bourne, sa toison d’or, c’est la mémoire. Tout le reste, les bagarres, les poursuites, les fusillades, c’est pour enrober. Le vrai thème, c’est l’amnésie.
Bref, il va à Zurich et là, dans un parc, il tabasse deux policiers suisses qui ne lui ont rien fait. Tu te rends compte ! Ça se fait trop pas, ou bien ? Ensuite, il met le souk dans le consulat américain. Ça, on peut comprendre. Et pour finir, il va à Paris, toujours pour deviner qui il est. Il n’aura aucune réponse mais il rencontre Marie, l’amour de sa vie. Il y a plein de gens qui veulent le tuer et on devine peu à peu que ces méchants sont de la CIA. En fait, depuis les Trois jours du Condor, c’est toujours la même histoire. Il y a une division clandestine à l’intérieur de l’Agence qui n’arrête pas de comploter et quand elle est démasquée, elle tue les gentils et honorables espions. Comment ça, six ? Les six jours du Condor ? Ah oui, le roman. Mais dans le film, ils ont ramené ça à trois. Une histoire de budget, sûrement. Bon, je termine avec la première partie. Jason devine peu à peu qu’il faisait partie d’un programme secret d’assassinat et que ça c’est mal passé pour lui quand il a dû tuer Wombosi, un dictateur africain. Comme si la CIA tuait les potentats… Tiens, à propos, tout le monde dit du bien d’Elise Lucet, la journaliste d’investigation. C’est mérité mais j’ai eu du mal à m’y faire. En 2003, elle a reçu dans son journal un ancien de la CIA qui a justifié l’attaque de l’Irak en disant que l’Amérique rendait souvent service au monde en le débarrassant des dictateurs. Il a cité pour l’exemple Lumumba et elle a sourit sans rien dire…
La deuxième partie est la moins réussie de la série mais on a des images superbes de Berlin. Au début, Jason est en Inde, je crois. Un tueur flingue Marie et il va donc devoir la venger. Dans cet épisode, les vrais héros sont les villes. D’abord Berlin, ensuite Moscou. On a droit à des courses-poursuites, à des fusillades et Jason montre à chaque fois qu’il sait tout faire : parler allemand ou russe, se soigner et piéger ses ennemis. Pour le reste… Le méchant de la CIA se suicide et on comprend qu’il va y avoir une suite parce que Bourne n’a toujours pas retrouvé la mémoire même s’il a quelques flashbacks. A propos de suicide, c’est un grand classique de ce genre de films. J’imagine que l’Agence impose ça aux scénaristes et aux réalisateurs. Une obligation du genre, on veut bien que vous disiez qu’il y a des fruits pourris chez nous mais arrangez-vous pour que l’honneur soit sauf à la fin.
Mon préféré, c’est le troisième épisode. Bon, là encore, on ne comprend pas tout sauf qu’il y a une série de programmes clandestins à la CIA et que plein de chefs sont mouillés. Et on voyage toujours autant avec Jason. D’abord, à Londres où un pauvre journaliste du Guardian se fait butter. Ensuite, à Tanger. Et là, c’est un grand moment de cinéma. Il y a une course-poursuite sur les toits de la ville. La police locale court après Jason lequel course un tueur professionnel envoyé par la CIA pour le zigouiller. C’est assez spectaculaire on a jamais vu Tanger filmée comme ça. Ce qui est amusant, c’est d’entendre les phrases en marocain. Le tueur, qu’on appelle « l’asset » ou l’atout ( !), c’est un arabe nommé Desh. A une voyelle près, hein... Il se bat bien mais Jason l’éclate dans des toilettes turques. Juste avant ça, il lui explose le visage en lui collant dessus un livre de cuisine marocaine et en le cognant comme un sourd. J’aime bien ce genre de clins d’œil. Au cinéma, tu ne peux pas t’en rendre compte, ça va trop vite. Mais avec un dvd, tu fais défiler les images au ralenti et tu peux lire le titre en arabe. Je reviens à la poursuite. J’aimerais bien savoir comment tout ça s’organise avec les autorités du coin. Est-ce qu’il s’agit de vrais flics ou de figurants ?
Après Tanger, Jason va à New York et il y retrouve un peu de son passé. C’est un soldat qui a été enrôlé dans un programme d’assassinats clandestins et qui a été traité sur le plan médical pour devenir une super machine à tuer. L’agent qui le traque mais qui l’aide aussi est la même que dans le deuxième épisode. Prénom, Paméla… La dernière fois à Alger, j’ai traité un type mal garé de Pamela, il m’a regardé avec de gros yeux. Trop jeune pour avoir vu Dallas… Bon, pour finir avec cet épisode, Jason se fait tirer dessus et il plonge dans l’East river. On se dit que la boucle est bouclée, que la saga a commencé avec un corps dans la Méditerranée et qu’elle va finir avec le même corps coulant dans des eaux bien plus noires. Et là, tu as cette scène culte où l’une de ses amies entend à la radio qu’on n’a pas retrouvé son corps. Elle sourit. Et, juste après, c’est « Extrême ways » de Moby qui démarre avec Jason qui remonte vers la surface… Du beau cinoch !
Je te raconte tout ça parce que je viens de voir le quatrième. Mouais… Bôf. Jason tire la tête comme pas possible et il est pisté par un gars échappé du film La Haine. On a droit à quelques scènes bien ficelées d’émeutes à Athènes, autrement dit la crise grecque revue et corrigée par Hollywood. Ensuite, on va à Berlin où Bourne démolit un lanceur d’alertes français qui s’appelle Christian Dassault... Je ne sais pas si c’est un message subliminal mais tu comprends vite que la série est en train de devenir docile. Le Dassault est un personnage antipathique et le message pour le spectateur ricain est clair : les lanceurs d’alerte comme Snowden et Manning sont des traîtres et même un outsider comme Bourne ne peut être de leur côté. On a tout de même droit à une belle poursuite sur le strip de Las Vegas (Poker d’As, Tobias, Beladas, Pôf…) et, cette fois, une casserole en cuivre collée contre la sale gueule de l’atout remplace le livre de cuisine marocaine. Bref, les choses se normalisent pour Jason qui sait enfin, ou presque, qui il est et d’où il vient. Il ne rentre pas dans le rang mais on se dit que la prochaine fois, il travaillera sûrement main dans la main avec l’Agence et qu’il ira faire un tour du côté de Bagdad ou de Damas…
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mardi 20 septembre 2016
La chronique du blédard : Le mystère Ben Laden
Le Quotidien d’Oran, jeudi 8 septembre 2016
Akram Belkaïd, Paris
Ce dimanche, cela fera quinze ans depuis les attentats du 11
septembre à New York et à Washington. Il est à peine nécessaire de rappeler
quel impact ces attaques ont eu sur la marche du monde. La situation chaotique
que l’on connaît aujourd’hui au Proche-Orient, notamment en Irak, est la
conséquence d’une suite d’événements qui ont pour point de départ la
destruction des tours jumelles. On sait que le 11 septembre 2001 fait partie
des principaux thèmes dont se sont emparés les « complotistes » de
tous genres. Certains doutent de la thèse officielle selon laquelle c’est
l’organisation Al Qaeda qui est l’auteure de ces actes criminels. D’autres,
jurent que le World Trade Center n’a jamais été percuté par des avions et tout
ce monde est très actif sur la toile.
Depuis le printemps 2011, les conspirationnistes ont de
nouveau arguments pour affirmer que « la vérité est ailleurs » comme
l’affirmait la devise de la série X-Files laquelle s’est beaucoup nourrie des
théories du complot et de la défiance du grand public à l’égard des
gouvernements et de leurs services secrets. De fait, l’exécution
extrajudiciaire, dans la nuit du 1er au 2 mai 2011, d’Oussama Ben
Laden à Abbottabad au Pakistan, par un commando militaire américain demeure un
événement entouré de zones d’ombres, d’interrogations et de manipulations.
Certes, personne, ou presque, ne nie la disparition de celui dont la tête fut
mise à prix par l’Amérique pour un montant de 25 millions de dollars. Il y a
bien quelques farfelus qui jurent que l’homme coule des jours heureux à Dubaï
ou en Malaisie mais Al Qaeda a elle-même reconnu le décès de son fondateur.
Rappelons la version officielle concernant cet « acte
de justice » tel que l’a qualifié Barack Obama lors de la convention du
parti démocrate en juillet dernier. C’est en recherchant l’un des messagers de
Ben Laden que la CIA aurait réussi à localiser ce dernier. Une fois
l’identification confirmée, il ne restait plus qu’à monter une opération
clandestine menée par les commandos des forces navales américaines, les fameux
SEAL’s (SEa, Air and Land Teams). Cette histoire, cette
« légende » disent ses contempteurs, est d’ailleurs reprise sans
nuances par le film Zero Dark Thirty
de Kathryn Bigelow qui restera dans l’histoire comme le parfait exemple des
liens incestueux entre Hollywood et la CIA (on y reviendra).
En réalité, et comme l’a prouvé un long
article du journaliste d’investigation Seymour Hersh, ce récit est hautement
improbable ou, du moins, il ne répond pas à des questions fondamentales (*). Cela
concerne, entre autre, l’endroit où se trouvait la propriété abritant Ben
Laden. Abbottabad est un lieu de villégiature au Pakistan où vivent de nombreux
officiers supérieurs, d’active ou à la retraite, et où se trouve la principale
académie militaire du pays, une sorte de « West Point » pakistanais. On
a peine à croire que les autorités pakistanaises pas plus que l’ISI, les
services secrets, ne savaient pas que l’homme le plus recherché du monde vivait
tranquillement à moins de trois kilomètres de cette académie ( !).
On a aussi du mal à croire que deux
hélicoptères transportant les SEAL’s aient pu pénétrer l’espace aérien
pakistanais sans être repérés. Le doute s’accentue quand on sait qu’une fois
l’opération (très bruyante) terminée, un seul hélicoptère (l’autre s’étant
écrasé sur le lieu de l’intervention) a pu repartir sans jamais être inquiété et
avec à son bord tous les commandos, la dépouille de Ben Laden et ses documents
qui ont été récupérés durant l’opération). Les questions qui suivent restent
donc sans réponse : Ben Laden était-il à Abbottabad sous la protection ou
sous la surveillance (ou les deux à fois) des Pakistanais ? Et, quelle que
soit la réponse, comment se fait-il que ce grand allié des Etats Unis ait pu prendre
un tel risque vis-à-vis d’un partenaire qui lui fournit des aides militaire et
diplomatique conséquentes ? De plus, comment se fait-il que le chef d’Al
Qaeda vivait sans garde rapprochée ? Enfin, que savaient les autorités
saoudiennes quand on connaît les liens forts qui existent entre le royaume
wahhabite et le Pakistan ?
Il y a d’autres questions comme celles qui
concernent l’étrange inhumation de Ben Laden dans l’océan indien après que sa
dépouille a été transférée sur le porte-avion USS Carl Vinson (une cérémonie
dont on attend encore les photos malgré les promesses de la Maison Blanche en
2011). Mais, la plus importante concerne la manière dont le chef d’Al Qaeda a
été localisé. Seymour Hersh affirme, sans le prouver, qu’il a été dénoncé par
un gradé pakistanais qui aurait touché une partie de la rançon avant de
s’installer à Washington. La version officielle explique, comme indiqué plus
haut, que c’est en repérant son « courrier » que la CIA a pu le
repérer. Une explication bien commode qui présente notamment l’avantage de
légitimer les actes de torture, dont les sordides simulations de noyade (waterboarding),
pratiquées par l’agence américaine sur des milliers de suspects. En effet, et
c’est le message que reprend à son compte le très docile Zero Dark Thirty : sans la torture, personne n’aurait livré le
nom de ce messager et, sans ce nom, l’exécution de Ben Laden n’aurait pas eu
lieu.
Sans oublier l’aspect moral mais aussi légal,
le programme de torture mené dès 2011 contre les personnes suspectées
d’appartenir à Al Qaeda, a été beaucoup critiqué aux Etats Unis pour son manque
« d’efficacité », les renseignements récoltés étant, de l’aveu de
nombreux cadres de la CIA, peu exploitables. Le récit officiel de la liquidation
de Ben Laden a balayé ces critiques tandis que le film Zero Dark Thirty s’est chargé de populariser ce qui apparaît
désormais comme étant « la » vérité » auprès du grand public.
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La chronique du blédard : Voile, évolution et paternalisme colonial
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Le Quotidien d’Oran, jeudi
1er septembre
Akram Belkaïd, Paris
Deux femmes en hidjab sont
chassées d’un restaurant de la région parisienne par un chef étoilé qui les
traite de « terroristes » et qui menace de les empoisonner si
elles persistent à vouloir être servies. Comme il fallait s’y attendre,
l’histoire a embrasé les réseaux sociaux et la vidéo de l’incident a tourné en
boucle. A l’inverse, les médias traditionnels, notamment les télévisions, sont
restés plutôt discrets et n’ont pas insisté. On pourrait se réjouir de cette
retenue car, après tout, il ne s’agit que d’un simple fait divers même si la
violence des propos du toqué est inadmissible. De nombreux internautes ont
d’ailleurs appelé au calme et demandé à ce que cette affaire ne prenne pas une
dimension exagérée. Le problème, c’est que l’histoire intervient juste après
l’hystérie à propos du burkini et il n’est pas faux d’estimer que télévisions,
presse écrite et radios, n’ont soudain retrouvé leurs esprits et l’éthique du
métier que parce qu’il s’agissait de deux femmes voilées… Car, après tout,
pourquoi ne pas consacrer des dizaines d’émissions à cet acte raciste et
islamophobe quand tant d’autres ont eu pour sujet principal le désormais
« maillot islamique » (appellation erronée mais sur laquelle on
reviendra en fin de texte) ?
Restons encore sur cette
affaire de restaurant – lequel a subi une avalanche de représailles sur
internet, étant notamment présenté dans certains guides en ligne comme un
élevage de porcs ou un lieu infesté de cafards. L’une des réactions de la
fachosphère à cette affaire mérite d’être relevée. Quel argument ont trouvé les
petits nazillons qui activent en force et en meutes sur la toile ?
« De toutes les façons, votre religion [comprendre l’islam] vous interdit
de sortir seules sans être accompagnées par un homme et de fréquenter des lieux
où l’on sert de l’alcool » a ainsi écrit l’un d’eux à l’adresse des deux
femmes. D’autres, aussi intelligents que lui, ont ironisé sur le fait qu’elles
entendaient manger dans un restaurant sans produit hallal. Restez à votre
place, restez archaïques, ne quittez pas la (supposée) case intégriste, tel est
le message.
Ces réactions ne sont pas
anecdotiques. J’en en retrouvé l’écho, plus ou moins dissimulé, dans les écrits
d’éditorialistes longtemps dits de gauche mais qui basculent de plus en plus
dans le camp vert de-gris en donnant du crédit à la théorie de
« l’islamisation de la France » ou à celle du « grand
remplacement » [celui des Français de souche par les immigrés musulmans]. Etrange
conception des choses, n’est-ce pas ? Si une femme porte le hidjab, c’est
donc qu’elle n’a pas le droit d’aller où bon lui semble. C’est ce que pensent les
fondamentalistes et les rétrogrades. Mais dans le cas présent, il s’agit de
l’avis de personnes qui ne cessent de se lamenter sur le triste sort des musulmanes. En réalité, ce qui leur est
insupportable, c’est le brouillage du schéma binaire habituel. C’est l’idée
que, voile ou pas, il y a qu’on le veuille ou non, une évolution moderniste
chez celles qui le portent. Ces dernières veulent participer à la vie de la
cité, ni plus ni moins : sortir, travailler, avoir des loisirs. Et il est
vrai, qu’en cela, elles transgressent la vision intégriste de l’islam. Au lieu
de s’en réjouir et de se dire que cette évolution mènera tôt ou tard à encore
plus de sécularisation des populations concernées, nombreux et nombreuses sont
celles qui refusent la réflexion et se contentent de faire de l’abandon du
voile une exigence et un préalable absolus.
Cette « évolution »,
certes discutable car elle est pleine de contradictions, concerne aussi le
burkini (on ne parle pas ici de ces femmes qui vont à la plage en burqa comme
le présent chroniqueur l’a raconté dans l’un de ses textes à propos du littoral
maghrébin). Si l’on s’en tient à une lecture fondamentaliste de l’islam, le
burkini n’est pas absolument pas halal (licite). Durant la polémique, peu de
personnes ont relevé le fait que son port allait même à l’encontre des
prescriptions de nombre de serial-fatwayeurs cela sans parler des groupes armés
radicaux dont la réaction serait d’exécuter les femmes qui le portent.
Question : est-il préférable qu’une femme reste à la maison ou qu’elle
puisse aller à la plage en portant ce maillot conçu par une designer australienne ?
Bien entendu, il ne s’agit pas de faire l’ingénu et de garder en tête que ce
qui pose problème avec le burkini ce n’est pas qu’il est parfois le seul moyen
pour que des femmes puissent aller à la plage mais qu’il devienne surtout le
vêtement de bain obligé (et imposé) de celles qui, jusque-là, n’avaient aucun
problème pour se baigner en maillot classique.
Terminons cette chronique
en évoquant la naissance annoncée de la « Fondation de l’islam de France ».
Il faudra revenir sur ce concept fumeux « d’islam de France » mais,
pour l’instant, relevons que sa présidence va échoir à l’ancien ministre de
l’intérieur Jean-Pierre Chevènement. L’homme est respecté et respectable mais
sa nomination pose tout de même un problème de fond. Pourquoi pas un musulman à
la tête de cette structure ? Est-ce pour rassurer l’électeur qui se dit
ainsi que les musulmans de France seront « bien tenus » ? Ou
alors, est-ce que parce que le gouvernement français estime qu’il n’existe pas
de personnalité à la fois laïque et de culture musulmane susceptible de faire
l’affaire (et de ne pas affoler l’opinion publique) ? Si tel est le cas,
on se dit que le bilan de cinquante ans de politique d’intégration doit être
bien maigre si un tel profil est impossible à trouver. En réalité, on retombe
dans ce qui est le mal profond de la relation de l’Etat français à
l’islam : la matrice coloniale et sa vision paternaliste sont toujours là
et ce n’est pas la présence au conseil d’administration de la Fondation de l'écrivain
Tahar Benjelloun, béni-oui-oui multidirectionnel, qui prouve
le contraire…
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La chronique économique : Le serpent de mer de la dépense publique
Akram Belkaïd, Pari
Le Quotidien d'Oran, mercredi 7 septembre 2016
Il y a bientôt huit ans, c’était à la fin de l’été 2008, la
planète encaissait une grave crise financière qui allait mettre au tapis nombre
d’établissements bancaires et enrayer durablement la croissance mondiale.
Aujourd’hui, la situation reste incertaine. Rares sont les indicateurs
macro-économiques globaux qui sont revenus à leurs niveaux d’avant la tempête.
L’activité reste atone dans de nombreuses zones à commencer par l’Europe. De
nombreux pays émergents sont en panne tandis que le chômage et les inégalités
continuent de progresser un peu partout. Face à cette situation, les économistes
et les décideurs politiques ne savent plus quel chemin prendre. Longtemps
présentée comme « la » solution devant mener à la reprise, la
politique monétaire plus qu’accommodante a montré ses limites. Certes, en
baissant leurs taux et en injectant de l’argent en permanence dans les
économies, tout en rachetant aux Etats leurs créances, les Banques centrales
ont certainement empêché un vrai cataclysme. Mais, aujourd’hui, le remède ne
fait guère plus d’effet et le patient, autrement dit l’économie mondiale, reste
très faible.
L’Etat appelé à
l’aide
C’est dans cette situation inquiétante pour l’avenir que de
nombreuses voix se font entendre pour réclamer des politiques étatiques plus
ambitieuses. Qu’il s’agisse du Fonds monétaire international (FMI) ou de
l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le
message est le même : il faut d’urgence une augmentation des dépenses
publiques. Autrement dit, c’est le retour en grâce de la doctrine keynésienne.
L’Etat se voit de nouveau confier le statut de dernier recours, celui de l’acteur
de la dernière chance qui investit pour relancer la machine économique et
engendrer un cercle vertueux où chaque dollar dépensé serait caractérisé par un
haut coefficient multiplicateur (c’est-à-dire qu’il provoquerait des
investissements en cascade tous profitables à la croissance du Produit
intérieur brut). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les deux principaux
candidats à la présidentielle américaine, Hillary Clinton et Donald Trump,
évoquent dans leurs programmes la nécessité de lancer de grands travaux
d’infrastructures pour relancer l’économie et augmenter les impôts.
Et les
entreprises ?
Ce n’est pas la première fois que le recours à la dépense
publique est présenté comme la solution idéale. Pour autant, cela intervient
dans un contexte où la règle résidait dans le respect du dogme de
l’assainissement des comptes et de l’application de politiques d’austérité. La
question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment augmenter la dépense
publique quand les Etats ont perdu une bonne partie de leurs moyens
budgétaires. Doivent-ils s’endetter ? Et, si oui, auprès de qui ? Du
marché ? Des épargnants ? Doivent-ils augmenter les impôts ? Et,
si oui, de quelles catégories ? Les ménages ou les entreprises ? Les
réponses ne sont pas neutres et obligent à aller plus loin que la simple
exigence d’augmentation des dépenses publiques. Cela d’autant plus que l’argent
ne manque pas. De nombreuses entreprises, notamment les multinationales, ont
amassé des tonnes de cash dont elles se servent pour mieux rémunérer leurs
actionnaires, pour racheter leurs propres actions (ce qui fait augmenter
mécaniquement leurs valeurs boursières) ou pour racheter des concurrents. A
l’inverse, ces entreprises investissent peu au prétexte que la confiance n’est
pas au rendez-vous. Les grandes institutions internationales le savent mais
l’idée que les Etats puissent légiférer pour obliger (ou encourager) le secteur
privé à investir quand il a autant de moyens financiers ne fait pas (encore)
partie de leurs propositions.
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