Le Quotidien d’Oran,
mercredi 4 octobre 2017
Akram Belkaïd, Paris
A bien y regarder de
près, la réforme de l’économie algérienne relève de la quadrature du cercle.
Tout le monde est d’accord pour dire que sortir de la dépendance au pétrole est
le premier objectif. Un défi structurel que le recours à l’exploitation des gaz
et pétrole de schiste – que l’on nomme aussi hydrocarbures non-conventionnels –
ne fera pas disparaître. L’or noir est une rente dont il faut absolument s’émanciper.
Il n’y a pas d’autre solution durable. Mais comment le faire ? Par quel
moyen politique ? Par quelles réformes ?
Etat et secteur privé défaillants
Poser ces questions,
c’est se pencher sur la doctrine politique que doit suivre l’Algérie. Et cette
question n’est toujours pas réglée depuis la fin, en catimini, de la période
socialiste. Qui peut dire quelle est la nature de la politique économique
algérienne suivie au cours de ces deux dernières décennies ? Certains, et
ils n’ont pas tort, affirment qu’il n’y a pas lieu de trop réfléchir à cette
dénomination, le résultat final étant un échec total sur toute la ligne.
D’autres, relèveront, et à raison aussi, que de politique, il n’y en a eu
point, l’Algérie, ayant baigné dans un désordre idéologique patent, alternant,
au gré des circonstances, entre des politiques d’ouverture d’inspiration
libérale et des inclinaisons dirigistes manifestes.
Dans les mois et les
années qui viennent, les dirigeants devront répondre à deux questions majeures
et complémentaires. La première est la suivante : En matière d’économie,
quel est le rôle de l’Etat et des entreprises étatiques ? Quant à la
seconde, elle doit interroger le rôle dédié au secteur privé algérien. On
pourra objecter qu’il manque une troisième question relative aux investisseurs
étrangers. Mais commençons par répondre aux deux premières et un grand pas sera
accompli.
La situation actuelle
est celle d’un Etat qui n’arrive plus à remplir ses obligations notamment en ce
qui concerne le bien-être social de sa population. C’est aussi une machine
bureaucratique décriée par les entrepreneurs privés qui ne cessent de dénoncer
le rôle néfaste de l’administration. Dans le même temps, nous avons affaire à
un secteur privé d’une envergure modeste et dont on est en droit de se demander
s’il est capable d’emmener l’Algérie vers la route d’une vraie diversification.
Quand on bénéficie d’un monopole de fait, et qu’on ne fait que profiter des
commandes d’Etat, obtenues par copinage, ou que l’on se spécialise dans
l’import-import, quelle que soit sa déclinaison ou variante, on ne peut
s’affubler du titre ronflant d’oligarque.
Tout cela pour en
revenir à cette fameuse quadrature du cercle. Une thérapie libérale pour sauver
l’Algérie ? Autrement dit, la suppression des subventions, la
privatisation des entreprises publiques, l’allègement des barrières administratives
et une refonte de la fiscalité (baisse des impôts pour les entreprises et les
plus riches). On entend et on lit des voix réclamer cela. Mais au-delà de la
casse sociale que cela provoquera fatalement, rien ne dit qu’une telle méthode
marchera. De fait, l’Algérie est dans une situation où ni l’Etat ni le secteur
privé n’ont la capacité de transformer l’économie.
« Fine Tuning »
La solution résidera
peut-être dans un « fine tuning », un réglage délicat, qui alliera
mesures de renforcement des capacités étatiques (cela signifie notamment une
« vraie » réforme administrative) et ouverture progressive au privé
avec encouragement des initiatives individuelles. Autrement dit, la nécessité
de mettre fin aux monopoles, qu’ils soient publics ou, et surtout, privés. Cela
signifie que l’on peut adopter le marché mais que l’on prenne le temps en ce
qui concerne le capitalisme. Le défi est énorme. Il nécessite une paix sociale
et, plus encore, une stabilité politique née, non pas de la mainmise
autoritariste du régime mais d’un consensus né de la
négociation. Pour l’heure, il n’est pas trop tard pour le faire. Du moins, pas
encore.
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