Le Quotidien d’Oran, mercredi 25 octobre 2017
Akram Belkaïd, Paris
Le Parti communiste chinois (PCC) a donc tenu son
dix-neuvième congrès. A chaque fin de lustre, cet événement mobilise
l’attention des observateurs internationaux qui attendent les signes d’une
évolution politique ou, c’est plus souvent le cas sous la présidence de Xi
Jinping, une réaffirmation du dogme du « socialisme chinois spécifique ».
Autrement dit la poursuite d’une ouverture économique toujours d’inspiration
libérale mais un rejet hermétique de toute ouverture politique.
Expertise importée
Ce fut encore le cas cette fois-ci. La Chine, a expliqué XI
Jinping, entend continuer de jouer le jeu de la mondialisation et des échanges
commerciaux. Mieux, elle promet de mieux ouvrir son marché intérieur aux
entreprises étrangères. On le sait, Pékin est très critiqué pour son
protectionnisme notamment en matière de défense des intérêts de ses entreprises
publiques. Désormais, les autorités chinoises tiennent un discours économique à
l’opposé de celui du président américain Donald Trump qui prône un retour à une
plus grande régulation des échanges commerciaux.
Concernant la stratégie chinoise, on connaît le paradoxe qui
alimente nombre de controverses. Sur le long terme, peut-on demeurer libéral
sur le plan économique tout en cadenassant le champ politique avec une poigne
d’acier ? En juillet dernier, la mort en prison de Liu Xiabo, le prix
Nobel de la Paix 2010 a montré que le régime chinois n’entend rien céder aux
dissidents alors qu’il fait assaut de séduction à l’égard des investisseurs
étrangers. Même si le succès économique est au rendez-vous, on peut se dire que
ce genre de stratégie ne dure qu’un temps et que si, d’aventure, la conjoncture
se retourne, Pékin sera obligé de lâcher du lest pour assurer la pérennité du
PCC. Mais cela fait trois décennies que ce genre de raisonnement est rabâché.
Et rien ne change.
De fait, le verrouillage du champ politique sert même
d’argument vis-à-vis des investisseurs étrangers qui, par exemple, trouvent en
Chine un environnement où les syndicats officiels servent surtout à briser les
grèves… Mais il y a plus important. De nombreux cadres internationaux confirmés
n’hésitent plus à s’installer en Chine, attirés par le boom économique et les
perspectives de carrière. Cela vaut aussi pour des étudiants étrangers pour lesquels
un cursus en Chine est un avantage stratégique. Publié récemment, un rapport
met en exergue le fait que le pays réalise une double performance (*).
La première, c’est qu’il attire des étudiants et des
« talents » étrangers de tous les horizons, y compris des
ressortissants américains. A ce sujet, aucun pays, hormis la Chine, n’a réussi
la performance d’être à la fois un exportateur d’étudiants nationaux et un
importateur d’expertises étrangères (lesquelles acceptent de travailler pour
des entreprises locales). La seconde performance est la capacité à convaincre
les nationaux partis étudier à l’étranger de rentrer chez eux pour y faire
carrière. Là aussi, rares sont les pays
du Sud qui y arrivent.
Le prix du silence
Que penser de tout cela ? L’une des conclusions
premières est que le fameux environnement des affaires, que l’on agite à bout
de bras pour classer les pays selon leur attractivité, peut s’accommoder d’un
régime autoritaire, pour ne pas dire dictatorial, si le reste est assuré. Le
reste ? Des entreprises modernes ou en voie de modernisation, des
universités reconnues et capables de concurrencer des établissements occidentaux,
des marchés en croissance et, bien sûr, des rémunérations à la hauteur des
ambitions de ces élites économiques. Mais la règle implicite est connue de
tous. On travaille, on gagne (bien) sa vie mais on ne se mêle pas de politique.
Si l’on est étranger, on tient sa langue. En Chine, plus qu’ailleurs, le
silence et la soumission au pouvoir en place sont le prix du succès
professionnel.
(*) « Rapport 2018 sur la mobilité mondiale de talents
et la gestion de la richesse », Forbes et Wailan, Overseas Consulting
Group.
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