Le Quotidien d’Oran, jeudi 19
octobre 2017
Akram Belkaïd, Paris
Ce n’est pas
une nouveauté. La situation internationale est marquée du sceau de
l’incertitude ce qui n’est pas sans générer de l’inquiétude. Les problèmes
globaux qui existaient il y a un an, c’est-à-dire avant l’élection de Donald
Trump à la présidence des Etats-Unis, sont, non seulement persistants mais ils
ont été aggravés par l’arrivée du milliardaire à la Maison-Blanche. Cela a pour
conséquence d’empêcher que les grands de ce monde adoptent enfin une approche
commune, fut-elle à minima. Nombre de politistes ont une formule pour désigner
cet état de fait : il s’agit d’un « désordre stratégique » à
grande échelle. Face à des problèmes récurrents, qu’ils ont parfois eux-mêmes
créés, ces grandes puissances sont incapables de trouver une solution. Elles
n’arrivent pas à mettre en place des stratégies efficaces.
La question
de la prolifération nucléaire en est la bonne illustration. Au début des années
2010, les autorités iraniennes de l’époque ont fait le constat suivant :
l’Irak de Saddam Hussein n’a pu être envahi en 2003 par les Etats Unis et leurs
alliés que parce qu’il ne possédait pas d’armes de destruction massive (qu’on
lui reprochait de dissimuler…). A l’inverse, la Corée du nord, a su poser un
défi insurmontable à Washington mais aussi à ses voisins chinois, japonais et
coréens du sud, en n’abandonnant jamais son programme nucléaire. On pensait que
l’accord conclu en juillet 2015 entre les grandes puissances et Téhéran pour la
suspension du programme civil iranien sonnerait le début d’une nouvelle phase. Cela
devait montrer que les grands de ce monde pouvaient œuvrer pour la mise en
place d’une solution pacifique et négociée susceptible d’empêcher que la
tentation du nucléaire militaire se diffuse dans le monde. C’était sans compter
avec la récente volonté américaine, mais aussi israélienne (permanente quant à
elle), de torpiller cet accord.
Si les
choses restent en l’état (Trump refuse de certifier l’accord) et que les
Etats-Unis décident d’aller plus loin dans la dénonciation de ce qui a été
conclu en 2015, il est évident que Téhéran relancera son programme, lequel, rappelons-le,
demeure officiellement cantonné au nucléaire civil. Face à l’incertitude engendrée
par le comportement erratique du président américain et l’attentisme électoral
du Congrès (les élections de mi-mandat ont lieu dans un an, c’est-à-dire
demain), le régime iranien peut décider que sa seule protection est d’imiter la
Corée du nord. Un Iran avec la bombe ou sur le point de l’avoir sera plus
difficilement attaquable. Et cela aura des conséquences pour toute la région. L’Egypte,
La Turquie ou même les pays du Golfe, Arabie saoudite en tête, seront tentés
eux aussi d’entrer dans le cercle fermé des pays détenteurs de l’arme atomique.
Certes, jusque-là, leur parrain américain les en dissuade. Mais avec Trump aux
manettes, rien ne peut être exclu.
Il y a autre
chose d’inquiétant en ce qui concerne l’arme nucléaire. Jusqu’à présent, le
grand mot pour ses détenteurs (officiels et officieux) était la dissuasion. En
gros, il s’agirait de ne l’utiliser qu’en cas de légitime défense face à une attaque
atomique. Or, on assiste depuis plusieurs mois à des dérapages verbaux aux
Etats-Unis comme en Russie mais aussi en Inde et au Pakistan. A chaque fois,
des officiels laissent entendre que bombes ou missiles nucléaires sont
susceptibles d’être utilisés lors de conflits conventionnels. On reparle ainsi
de plus en plus de « frappes tactiques » et cela renvoie à un passé
(la guerre froide) que l’on croyait définitivement révolu. La grande peur
aujourd’hui est le dérapage ou l’incident armé qui créera un précédent. La
situation est d’une telle gravité qu’elle exige que l’ONU s’empare de la
question mais que peut faire cette organisation quand on sait que les cinq
membres permanents du Conseil de sécurité (tous détenteurs de l’arme atomique)
ont des approches différentes vis-à-vis de cette question.
La question
du réchauffement climatique et de ses conséquences est un autre exemple du
désarroi stratégique global. En août dernier, Donald Trump a adressé à l’ONU la
notification du désengagement de son pays du traité international de lutte
contre le réchauffement scellé lors de la COP21 (« Conferences of the
Parties ») qui a eu lieu en décembre 2015 à Paris. Contrairement à ce que
l’on peut lire ici et là, ce désengagement est un fait d’une grande gravité.
Qu’est-ce qu’une stratégie de lutte globale contre le réchauffement climatique
sans la présence du second pollueur mondial derrière la Chine ? Qui va
convaincre d’autres pays récalcitrants (Brésil, Inde, monarchies du Golfe) de
tenir leurs promesses en matière de réduction des gaz à effet de serre ?
On est en train de découvrir que le réchauffement climatique n’est pas
simplement la perspective d’événements météorologiques extrêmes (sécheresses,
inondations, tempêtes) c’est aussi un facteur de guerre et de désordres qui
appelle une réponse coordonnée laquelle semble désormais impossible à mettre en
place.
On terminera
par ce qui occupe l’attention de nombre d’entre-nous. La situation au
Proche-Orient est une succession ininterrompue de conflits. Après la guerre
civile syrienne marquée par l’intervention russo-iranienne sans oublier la
guerre menée par la coalition internationale contre l’Organisation de l’Etat
islamique (OEI), on se dirige vers une nouvelle phase. Les risques de conflit
sont multiples : gouvernement irakien contre le Kurdistan autonome,
Turquie contre le « Kurdistan » syrien (appelé aussi Rojava) sans
oublier la persistance de la guerre entre Ankarra et le PKK. A cela s’ajoute la
perspective d’une attaque militaire israélienne contre le Hezbollah voire,
directement contre l’Iran. En un mot, l’incendie en cours peut se transformer en
brasier encore plus violent. Mais les jours passent et tout laisse à penser
qu’il existe un consensus général pour lâcher la bride aux événements.
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