Le Quotidien d’Oran, mercredi 11 octobre 2017
Akram Belkaïd, Paris
Concernant l’Afrique, les clichés changent d’une époque à l’autre.
Après le pessimisme, l’afro-optimisme a désormais le vent en poupe. Et le secteur
numérique n’échappe pas à la règle. Un récent rapport de la Conférence des
Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced) affirme ainsi que le
Continent est le marché d’avenir pour tout ce qui a trait au digital. Il est
vrai que les progrès sont importants. Des pays comme l’Afrique du sud, le
Kenya, la Tunisie ou l’Egypte voient des pans entiers de leurs économies être
gagnés par le numérique. Mais est-ce suffisant pour être aussi confiant ?
Des progrès à faire
De fait, la Cnuced met néanmoins en garde les pays africains
sur le retard qu’ils prennent. S’ils veulent profiter des gisements de
croissance qui existent dans le « big data » (traitement des données
à grande échelle), l’intelligence artificielle ou les impressions en 3D (qui
offrent des alternatives intéressantes au manque d’infrastructures
industrielles), ces pays doivent rattraper le temps perdu. Outre
l’investissement dans les nouvelles générations d’internet mobile et dans les
réseaux de fibre optique, l’une des urgences est le commerce électronique. La
règle est simple : sans possibilités de paiement via internet, pas de
développement des échanges. De nombreux pays, à commencer par l’Algérie, sont
encore à la traîne. Le paiement électronique, le paiement sécurisé via carte
bancaire ou, tout simplement, le porte-monnaie électronique, ne sont pas
disponibles pas plus que les transactions via téléphone mobile. C’est la
conséquence directe de la faiblesse des secteurs bancaires qui n’ont guère
investi pour le développement de la monétique.
L’autre grand enjeu est la logistique. Dans le monde, le
numérique tire profit des grands bouleversements logistiques des années 1990
(et il les renforce aussi). Production en « juste à temps »,
« lean management » (gestion au plus près des ressources disponibles),
optimisation des stocks, voilà les grands axes auxquels s’adosse l’économie
numérique avec, en prime, l’optimisation des entrepôts. Cette économie repose aussi
sur la capacité d’un pays à garantir le bon état des circuits de livraison.
Même si Amazon rêve de généraliser les envois par drones, la route, le chemin
de fer et l’avion demeurent encore incontournables. Et il s’agit là de domaines
où le continent africain doit absolument faire des progrès et éviter de
privilégier les solutions de « débrouille » qui le maintiendront en
marge des grands échanges internationaux.
L’enjeu de la
sécurité
Enfin, la sécurité des données est un enjeu primordial. Le
Continent s’est fait une petite réputation en matière de piratage et de
développement de compétences en matière de programmation (Nigeria, Tunisie,…).
Mais de trop nombreuses entreprises demeurent vulnérables aux attaques
malveillantes et au piratage. On voit mal le commerce électronique se
développer si une industrie de la protection informatique ne se développe pas
en étant encouragée par les Etats. Comme pour les deux domaines cités
ci-dessus, cela passe par d’importants efforts de formation à l’université ou
en-dehors. Et dans ce cadre, l’Afrique anglophone, notamment le Kenya et
l’Afrique du sud, a pris une sérieuse avance. En tout état de cause, la bataille pour le leadership continental a commencé depuis
longtemps car le digital n’attend pas.
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