Le Quotidien d’Oran, jeudi 8 mars 2018
Akram Belkaïd, Paris
L’élimination du Paris Saint Germain (PSG) en huitièmes de finale
de la Ligue des champions (oui, c’est du football) illustre bien l’adage
populaire selon lequel l’argent n’achète pas tout. On peut dépenser tous les
euros de la terre et s’acheter des stars du ballon rond par paquets, cela ne
suffit pas à créer une vraie équipe, solidaire et motivée, et encore moins à
construire un club organisé avec ses règles de fonctionnement et ses
traditions. Rien ne remplace le temps et c’est ce que les dirigeants qataris du
PSG s’évertuent à ignorer. De cette déroute bien pitoyable, on retiendra donc
que les 417 millions d’euros déboursés l’été dernier en transferts de joueurs (Neymar,
Mbappé,…) n’auront servi à rien ou presque. Ce n’est pas cette année que le PSG
se hissera au niveau des plus grands clubs européens. Il peut bien semer la
terreur (quoique…) sur les terrains de France et de Navarre, cela ne fera pas
oublier qu’il demeure un tout petit parmi les cadors de l’Europe.
Comme c’est souvent le cas, le résultat de mardi soir
dépasse largement le cadre sportif. Une nouvelle fois, c’est la stratégie du
Qatar dans le football qui pose question. Depuis 2011, l’émirat a déversé
plusieurs centaines de millions d’euros dans le club parisien pour un résultat
des plus mitigés. A ce sujet, on ne peut éviter de faire le parallèle avec les
milliards de dollars dépensés parfois par Doha afin de complaire aux grandes
puissances occidentales. Ici, c’est le capital d’une banque qu’il faut
renflouer. Là, c’est un complexe immobilier à la rentabilité incertaine qu’il
s’agit de financer…
On sait que pour l’émirat gazier, le football est un outil
de « soft power », d’influence. Au Parc des Princes, la tribune des
VIP (very important person) est l’un des endroits parmi les plus courus de
France. On y croise des hommes politiques, des stars de la chanson ou du cinéma
mais aussi des chefs d’entreprise et des banquiers. Grâce aux gazodollars,
champagne, buffet Lenôtre bien garni et hôtesses aux petits soins permettent à
ce beau monde de parler sport, politique et affaires tout en échangeant cartes
de visites et tuyaux divers. Mais est-ce que tout cela sert vraiment Doha ?
Dans cette foule d’invités, combien de profiteurs et, disons-le directement,
d’arnaqueurs persuadés qu’il y a « du pognon à se faire », pour
reprendre une phrase prêtée à Gérard Depardieu lorsqu’il parlait de l’Algérie
au début des années 2000 ? En juin dernier, quand l’Arabie saoudite, les
Emirats arabes unis et leurs vassaux ont imposé un blocus à leur voisin, on n’a
pas entendu beaucoup de ces VIP défendre le Qatar…
La défaite face à Madrid a remis en lumière une réalité
gênante : l’acquisition du PSG par le Qatar n’est toujours pas totalement
digérée par nombre de Français. Des Arabes qui se paient l’un des plus grands
clubs de l’Hexagone, ça fait encore grincer des dents. Sentiment ambigu qui
naît de l’obligation de reconnaître que les qataris ont fait entrer le PSG dans
une nouvelle dimension. Des qataris dont on aurait aimé qu’ils soient autre
chose que ce qu’ils sont afin de pouvoir leur être sincèrement reconnaissants…
Il faut d’ailleurs passer en revue les analyses et commentaires d’après-match
pour prendre la mesure de cette répulsion persistante qui ne dit pas son nom.
L’une des critiques récurrentes est que le club, malgré son
budget, n’est pas une institution qui serait au-dessus de ses joueurs. Il y a
beaucoup de vrai dans cette affirmation. Le comportement de Neymar à Paris aurait
été impensable lorsqu’il jouait pour le FC Barcelone. On peut citer de nombreux
exemples édifiants où les exigences d’enfants gâtés, les manquements à la
discipline de groupe des uns, les états d’âmes des autres, témoignent d’un
problème profond de gestion du club. Pour la presse française, c’est d’abord et
surtout la faute à Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG. Trop proche des
joueurs, trop laxiste, pas assez organisé, voire incompétent, il serait
responsable du flottement général qui empêche l’émergence de cette rigueur à
tous les niveaux que l’on retrouve au Real de Madrid, au Barça ou au Bayern de
Munich pour ne citer que ces grandes formations où tout est planifié et codifié
afin d’assurer la victoire.
Mais derrière cela, il y un autre message. En rachetant le
PSG, le Qatar a commis une erreur stratégique qui l’empêche d’être pleinement
accepté : c’est celle de ne pas se contenter de jouer le rôle habituel de
l’investisseur du Golfe. Autrement dit celui qui injecte de l’argent, qui exige
des résultats mais qui sait rester à sa place en se gardant d’intervenir dans
la gestion au quotidien de son acquisition. Au lieu de cela, le
« président Nasser » ou « Nasser » tout court, comme
l’appellent nombre de journalistes français (étonnante familiarité…), occupe
tout le terrain, y compris celui de la communication. La défaite de son club
face à Madrid permet à tous ceux qui convoitent son poste de relancer leur
campagne de lobbying. Ils savent que la nomination d’un président français ou,
pour garder les apparences sauves, d’un vice-président (ou d’un directeur
général) ayant tous les pouvoirs, est une solution que Doha va certainement
envisager pour faire face aux turbulences provoquées par ce nouvel échec.
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