Le Quotidien d'Oran, mercredi 7 novembre 2012
Akram Belkaïd, Paris
L’organisation à Alger d’une conférence-débat sur les gaz de schiste par le Collectif national pour les libertés nationales (CNLC), est une initiative à saluer tant ce sujet risque de peser sur l’avenir de la politique énergétique algérienne. On sait que cette ressource naturelle non-conventionnelle est très répandue dans le monde, y compris dans des pays habituellement importateurs d’hydrocarbures. On sait aussi que son exploitation a pour conséquence d’importants dégâts environnementaux puisqu’il faut notamment d’importantes quantités d’eau pour fracturer la roche emprisonnant le gaz.
ENVIRONNEMENT ET CHOIX DE DÉVELOPPEMENT ECONOMIQUE
La question qui se pose est donc très simple. Doit-on, au nom de l’addiction aux hydrocarbures, prendre le risque de mettre en péril les ressources hydrauliques qui se trouvent dans le sous-sol algérien ? Comme nombre de pays d’Afrique, l’Algérie ne peut se vanter de mener une politique environnementale ambitieuse. Le fait est que la pollution des sols et des eaux est déjà une réalité et il y aurait beaucoup à dire sur l’emploi intensif de pesticides dans l’agriculture. Du coup, l’exploitation des gaz de schistes ne ferait qu’aggraver une situation guère reluisante.
Mais la question des gaz de schistes ne relève pas uniquement de la question écologique. C’est aussi un choix de politique de développement. Dans le cas de l’Algérie, le consensus au cours de ces dernières années était de favoriser les énergies renouvelables dont le solaire. Si jamais l’Algérie opte pour les gaz de schiste, il est évident que le développement des énergies vertes sera ralenti pour ne pas dire remis en cause. Mais, il y a plus important car on est en présence d’un choix de civilisation. Faut-il, en effet, dépendre à tout prix la rente gazière ? Ne faut-il pas chercher autrement les moyens de la prospérité algérienne ?
Il est souvent admis que l’Algérie ne sortira des nombreux problèmes qui entravent son développement que le jour où elle sera moins dépendante des hydrocarbures. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’économie se diversifiera vraiment et que, peut-être, disparaîtront les phénomènes de corruption et de captation de la rente. Faire le pari des gaz de schiste, ce n’est donc pas simplement prendre le risque d’endommager l’environnement. C’est aussi, tel un toxicomane à la recherche d’une drogue de substitution, prolonger son addiction au carbonne. A titre d’exemple, la décision récente de l’Arabie saoudite d’exploiter les gaz de schiste en vue de répondre à sa demande énergétique intérieure peut être assimilée à un aveu d’échec. Cela signifie que le Royaume wahhabite admet qu’il n’est pas capable d’assurer son développement autrement que grâce aux hydrocarbures (le recours aux gaz de schiste permettra à l’Arabie saoudite de maintenir le niveau de ses exportations d’hydrocarbures conventionnels).
UNE DÉCISION DIFFICILE
Ceci étant précisé, il faut tout de même reconnaître que la question n’est pas simple. Renoncer aux gaz de schistes signifie effectivement que l’on se prive d’une manne que d’autres pays ne dédaigneront pas. C’est le cas des Etats-Unis qui, grâce à l’exploitation du gaz non conventionnel, ont réussi à réduire leur dépendance à l’égard des approvisionnements extérieurs. C’est le cas aussi du Canada et des pays du Golfe mais aussi de la Russie et d’autres pays d’Europe de l’Est. A terme, cela modifiera la géopolitique gazière et les questions de sécurité énergétique mondiale. Faire le choix de renoncer au gaz de schiste ne sera donc pas une décision simple. Et, en tout état de cause, cette question exige non seulement un débat national mais exigera aussi, en cas de renoncement (souhaitable) à l’exploitation des gaz de schiste, la mise en place d’une politique de développement alternative susceptible de compenser le manque à gagner
(*) Exploitation des gaz de schiste, enjeux et perspectives : thème d’une conférence-débat organisée le samedi 3 novembre par le Collectif national pour les libertés citoyennes (CNLC), à Alger. Avec la participation de Kacem Moussa, docteur en géologie, maître de conférences à l’université d’Oran, de Yacine Teguia, membre du conseil national du MDS et de Fares Kader Affak, porte parole du CNLC.
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