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mardi 27 novembre 2012

Un escadron de la mort à Benghazi?

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SLATE AFRIQUE, 27 novembre 2012

Le chroniqueur Akram Belkaïd s'interroge sur la multiplication des assassinats dans la région de Benghazi. Il s'agirait de représailles contre des anciens collaborateurs du régime de Kadhafi.

Les funérailles du colonel Farag al-Dersi, chef de la sécurité libyenne, le 21 novembre 2012 à Benghazi. REUTERS/Esam Al-Fetori
L'AUTEUR
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Existe-t-il un escadron de la mort qui sévirait à Benghazi et dans l’est de la Libye? C’est la question que se posent de nombreux observateurs qui s’inquiètent de la multiplication des actes de violences dans la région. Une interrogation ravivée par l’assassinat, le 21 novembre dernier à Benghazi, du colonel Farag al-Dersi, chef de la sécurité libyenne. Abattu de plusieurs balles alors qu’il rentrait chez lui, ce responsable est la dernière victime en date d’une série d’attentats, notamment à la voiture piégée, contre d’anciennes figures du régime de Mouammar Kadhafi.
Une violence récurrente qui a visé plusieurs militaires et agents de police - mais aussi d’anciens gardiens de prison et des magistrats - et qui laisse penser qu’une organisation clandestine serait derrière ces tueries. Ancien responsable de la lutte contre la drogue sous Kadhafi, Farag al-Dersi avait pourtant rejoint la rébellion libyenne dès le mois de février 2011, alors que le soulèvement populaire restait cantonné dans l’est du pays. Cet engagement précoce ne l’a donc pas sauvé des représailles qui visent les collaborateurs, fussent-ils modestes, de l’ancien régime.
Pour mémoire, le défunt avait été nommé à son poste de chef de la sécurité libyenne après l’attentat, le 11 septembre dernier, contre le consulat des États-Unis à Benghazi. Une action spectaculaire qui avait coûté la vie à l’ambassadeur américain Chris Stevens et à trois de ses compatriotes.
À ce jour, la lumière n’a toujours pas été faite sur cet attentat et la piste d’une action terroriste effectuée grâce à des complicités intérieures est de plus en plus évoquée. En tout état de cause, la nomination de Farag al-Dersi avait été interprétée comme une volonté du gouvernement libyen de reprendre les choses en main et de veiller à ce que la situation ne lui échappe pas à Benghazi. On peut d’ailleurs se demander si l’assassinat d’al-Dersi n’est pas en relation avec l’enquête qu’il menait sur l’attaque du consulat américain.

Des représailles contre les complices de Kadhafi

Mais, de façon générale, comment expliquer de tels attentats alors que Benghazi est censée être la ville qui a le plus bénéficié de la chute de l’ancien régime? L’hypothèse la plus fréquente consiste à désigner des islamistes radicaux décidés à n’accepter aucun pardon à l’égard de ceux qui auraient servi Kadhafi et qui auraient donc été complices de la persécution subie durant les années 1990.
Qu’ils soient de hauts gradés ou de simples policiers, tous seraient donc visés par des règlements de compte qui ne disent pas leur nom. Il faut dire aussi que dans la «Libye nouvelle», les accusations de collaboration avec les forces de sécurité de l’ancien régime sont très fréquentes et sont un véritable obstacle dans la volonté du nouveau pouvoir de faciliter la réconciliation.
Mais ce dernier n’est pas exempt de reproches non plus. De nombreux Libyens se disent frustrés par le fait que l’ancien régime n’a toujours pas été jugé de façon symbolique. Aucun ancien grand responsable n’a comparu devant les magistrats à commencer par Saïf al-Islam, le fils du Guide défunt. Nombre de procès prévus ont été reportés et on peut effectivement se demander s’il n’existe pas une volonté à haut niveau de recouvrir le passé d’une chape de plomb.
De quoi inciter les groupes armés qui sévissent dans l’est du pays à poursuivre eux-mêmes leur «justice» expéditive. Et, surtout, de quoi ouvrir la voie à encore plus de désordres et de divisions.

Akram Belkaïd
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