Le Quotidien d'Oran, jeudi 22 novembre 2012
Akram Belkaïd, Paris
Il arrive, et c’est rare, que le sujet de la chronique s’impose de lui-même. C’est le cas cette semaine où il est impossible de ne pas évoquer la situation dramatique de Gaza. Mais écrire pour dire quoi ? Et pourquoi faire ? Pour se sentir mieux ? Pour établir les sempiternels constats à propos des traitements médiatiques spécieux, à l’image de cette radio française qui met sur le même pied d’égalité – en termes de capacité de destruction - les bombardements des F16 israéliens et les roquettes du Hamas (*) ? Pour dénoncer, en vain, la sournoise propagande anti-palestinienne de BHL ? Pour clamer une indignation partagée par des millions de gens écœurés par des massacres quotidiens ? La vérité, c’est qu’écrire sur le sort des Palestiniens, qu’ils soient de Gaza, de Cisjordanie ou de la diaspora, c’est traduire et composer avec une colère impuissante. Une colère que tout être qui respecte la dignité et les droits de la personne humaine ne peut que partager.
J’ai relu plusieurs textes publiés fin 2008 et début 2009, lors de la précédente attaque israélienne. Rien n’a changé depuis et l’on se rend compte que ni l’élection d’Obama ni le Printemps arabe n’ont modifié la donne. Les Palestiniens de Gaza restent à la merci des agissements israéliens et toutes les protestations du monde ne peuvent rien contre. On connaît les raisons de cette situation. Les grands de ce monde, qu’il s’agisse des Etats-Unis ou de l’Europe, ne veulent pas forcer la main d’Israël et l’obliger à respecter les droits d’un peuple qui est sur sa terre. Un peuple martyr que l’Etat hébreu parque et violente comme du vulgaire bétail. Bien sûr, il y a aussi les dirigeants arabes, tous plus ou moins tenus par l’Oncle Sam, qui s’avèrent incapables d’instaurer le moindre rapport de force avec le protecteur d’Israël. Et dire que les fonds souverains du Golfe et leurs milliards de pétrodollars sont au chevet des économies occidentales…
Quant aux opinions publiques arabes, le fait est qu’elles se sont endormies. Qu’on le veuille ou non, elles ont fini par oublier les Palestiniens d’autant que nombre de leurs propres élites se sont précipitées dans la normalisation avec Israël. Or, le fond du problème est toujours le même. Un peuple attend toujours son Etat et le respect des résolutions de l’ONU qui fixent ses frontières avec Israël. Gaza, contrairement à ce que laissent entendre une partie des médias occidentaux – et notamment français – n’est pas un Etat indépendant (pas plus, d’ailleurs, que ce qui reste de la Cisjordanie palestinienne). Ce n’est même pas un bantoustan et ceux qui y vivent n’ont pas le droit de le quitter librement. C’est une bande de terre qui n’a aucune souveraineté, y compris maritime ou aérienne. Comme le montre l’actualité de ces derniers jours, les Israéliens peuvent y faire ce qu’ils veulent et quand ils le veulent. Pourquoi se gêneraient-ils ? La normalisation avec nombre de pays arabes a conforté les dirigeants israéliens dans leur conviction que tout peut être infligé aux Palestiniens.
Il y a quelques jours des amis français m’ont demandé ce que je pensais des nombreuses visites de personnalités arabes en Israël. Ecrivains, imams, hommes politiques : nombreux sont celles et ceux qui ont pris le chemin de Tel-Aviv et cela ne date pas d’hier puisque le mouvement s’est enclenché, certes dans une plus grande discrétion, au milieu des années 1990 (au moins à l’époque, l’euphorie des accords d’Oslo pouvait-elle expliquer ce genre d’initiative). Contrairement à certains de mes confrères (et amis) qui n’ont pas eu de mots assez durs pour fustiger ce genre de déplacement, je pense que cela peut être une bonne chose que de se rendre en Israël mais il y a une obligation majeure que tous ces visiteurs se sont bien gardés de respecter.
On peut aller là-bas, mais à la condition d’avoir le courage de dire sur place qu’il ne pourra jamais y avoir de normalisation entre les peuples arabes (ne parlons pas des gouvernements) et les Israéliens tant que les Palestiniens n’auront pas d’Etat. Et tant que ces derniers n’auront pas signifié au reste du monde que la page de plusieurs décennies de conflit peut être enfin tournée. Ceux qui se sont rendus en Israël ces derniers temps sans oser la moindre critique à l’égard du gouvernement Netanyahou et de la manière dont sont traités les Palestiniens sont à mettre dans le même sac que les minables intrigants qui – pour diverses raisons matérialistes et autres stratégies médiatiques personnelles - ont applaudi à la guerre de janvier 2009 au prétexte qu’elle était menée contre les islamistes du Hamas. Aujourd’hui, ces adeptes d’une normalisation prématurée ont eux aussi du sang gazaoui sur les mains. La fermeté et le refus de la compromission avec Israël peuvent-ils servir à quelque chose quand on sait que ce pays – et une grande partie de sa population – sont saisis par le vertige de la puissance ? Oui, car Israël, malgré les discours grandiloquents qui le présentent comme une tête de pont occidentale au Proche-Orient, reste obsédé par son acceptation par le monde arabe.
Terminons ce texte en déplorant le cynisme avec lequel nombre d’Algériens commentent le sort des Palestiniens. On peut ainsi les entendre dire que ce qui se passe à Gaza (ou en Syrie) ne les intéresse guère dans la mesure où eux mêmes appartiennent à un peuple qui a été oublié de tous pendant les années 1990. C’est une vision fallacieuse de l’histoire. De Naplouse à Gaza mais aussi de Bagdad à Bassorah, le sort des Algériens n’a jamais laissé indifférent le reste du monde arabe. Et quand bien même cela aurait été le cas, ce n’est pas une raison pour hausser les épaules en considérant que ce qui arrive aux Palestiniens ne nous concerne pas. Plus que jamais, ce peuple a besoin d’aide, de soutien et d’engagements. Ce n’est, ni plus ni moins, qu’une question d’honneur et de justice.
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J’ai relu plusieurs textes publiés fin 2008 et début 2009, lors de la précédente attaque israélienne. Rien n’a changé depuis et l’on se rend compte que ni l’élection d’Obama ni le Printemps arabe n’ont modifié la donne. Les Palestiniens de Gaza restent à la merci des agissements israéliens et toutes les protestations du monde ne peuvent rien contre. On connaît les raisons de cette situation. Les grands de ce monde, qu’il s’agisse des Etats-Unis ou de l’Europe, ne veulent pas forcer la main d’Israël et l’obliger à respecter les droits d’un peuple qui est sur sa terre. Un peuple martyr que l’Etat hébreu parque et violente comme du vulgaire bétail. Bien sûr, il y a aussi les dirigeants arabes, tous plus ou moins tenus par l’Oncle Sam, qui s’avèrent incapables d’instaurer le moindre rapport de force avec le protecteur d’Israël. Et dire que les fonds souverains du Golfe et leurs milliards de pétrodollars sont au chevet des économies occidentales…
Quant aux opinions publiques arabes, le fait est qu’elles se sont endormies. Qu’on le veuille ou non, elles ont fini par oublier les Palestiniens d’autant que nombre de leurs propres élites se sont précipitées dans la normalisation avec Israël. Or, le fond du problème est toujours le même. Un peuple attend toujours son Etat et le respect des résolutions de l’ONU qui fixent ses frontières avec Israël. Gaza, contrairement à ce que laissent entendre une partie des médias occidentaux – et notamment français – n’est pas un Etat indépendant (pas plus, d’ailleurs, que ce qui reste de la Cisjordanie palestinienne). Ce n’est même pas un bantoustan et ceux qui y vivent n’ont pas le droit de le quitter librement. C’est une bande de terre qui n’a aucune souveraineté, y compris maritime ou aérienne. Comme le montre l’actualité de ces derniers jours, les Israéliens peuvent y faire ce qu’ils veulent et quand ils le veulent. Pourquoi se gêneraient-ils ? La normalisation avec nombre de pays arabes a conforté les dirigeants israéliens dans leur conviction que tout peut être infligé aux Palestiniens.
Il y a quelques jours des amis français m’ont demandé ce que je pensais des nombreuses visites de personnalités arabes en Israël. Ecrivains, imams, hommes politiques : nombreux sont celles et ceux qui ont pris le chemin de Tel-Aviv et cela ne date pas d’hier puisque le mouvement s’est enclenché, certes dans une plus grande discrétion, au milieu des années 1990 (au moins à l’époque, l’euphorie des accords d’Oslo pouvait-elle expliquer ce genre d’initiative). Contrairement à certains de mes confrères (et amis) qui n’ont pas eu de mots assez durs pour fustiger ce genre de déplacement, je pense que cela peut être une bonne chose que de se rendre en Israël mais il y a une obligation majeure que tous ces visiteurs se sont bien gardés de respecter.
On peut aller là-bas, mais à la condition d’avoir le courage de dire sur place qu’il ne pourra jamais y avoir de normalisation entre les peuples arabes (ne parlons pas des gouvernements) et les Israéliens tant que les Palestiniens n’auront pas d’Etat. Et tant que ces derniers n’auront pas signifié au reste du monde que la page de plusieurs décennies de conflit peut être enfin tournée. Ceux qui se sont rendus en Israël ces derniers temps sans oser la moindre critique à l’égard du gouvernement Netanyahou et de la manière dont sont traités les Palestiniens sont à mettre dans le même sac que les minables intrigants qui – pour diverses raisons matérialistes et autres stratégies médiatiques personnelles - ont applaudi à la guerre de janvier 2009 au prétexte qu’elle était menée contre les islamistes du Hamas. Aujourd’hui, ces adeptes d’une normalisation prématurée ont eux aussi du sang gazaoui sur les mains. La fermeté et le refus de la compromission avec Israël peuvent-ils servir à quelque chose quand on sait que ce pays – et une grande partie de sa population – sont saisis par le vertige de la puissance ? Oui, car Israël, malgré les discours grandiloquents qui le présentent comme une tête de pont occidentale au Proche-Orient, reste obsédé par son acceptation par le monde arabe.
Terminons ce texte en déplorant le cynisme avec lequel nombre d’Algériens commentent le sort des Palestiniens. On peut ainsi les entendre dire que ce qui se passe à Gaza (ou en Syrie) ne les intéresse guère dans la mesure où eux mêmes appartiennent à un peuple qui a été oublié de tous pendant les années 1990. C’est une vision fallacieuse de l’histoire. De Naplouse à Gaza mais aussi de Bagdad à Bassorah, le sort des Algériens n’a jamais laissé indifférent le reste du monde arabe. Et quand bien même cela aurait été le cas, ce n’est pas une raison pour hausser les épaules en considérant que ce qui arrive aux Palestiniens ne nous concerne pas. Plus que jamais, ce peuple a besoin d’aide, de soutien et d’engagements. Ce n’est, ni plus ni moins, qu’une question d’honneur et de justice.
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