Le Quotidien d'Oran, jeudi 18 avril 2013
Akram Belkaïd, Paris
« Les services secrets avaient autre chose à faire plutôt que d’enquêter sur l’existence d’un compte à l’étranger de monsieur Cahuzac. Nous avons laissé la justice faire la lumière sur ce dossier ». Ces propos, répétés à l’envi par Manuel Valls, le ministre de l’intérieur français méritent que l’on s’y attarde. On le sait, ce responsable a été interpellé à plusieurs reprises par la presse mais aussi par l’opposition à propos de ce qu’il savait ou pas concernant les agissements de l’ex-ministre du budget. Car, nombreux sont ceux qui se sont demandés si, dès l’annonce de l’existence du fameux compte par le site Mediapart, le gouvernement français n’avait pas diligenté une enquête parallèle à celle de la justice. Une enquête qui, efficacité supposée des « services », aurait pu livrer ses enseignements bien plus tôt que les investigations judiciaires. En clair, la question était de savoir si le ministre de l’intérieur mais aussi le président Hollande auraient pu être au courant de la culpabilité de Cahuzac avant qu’elle ne soit officiellement établie.
« Les services secrets avaient autre chose à faire plutôt que d’enquêter sur l’existence d’un compte à l’étranger de monsieur Cahuzac. Nous avons laissé la justice faire la lumière sur ce dossier ». Ces propos, répétés à l’envi par Manuel Valls, le ministre de l’intérieur français méritent que l’on s’y attarde. On le sait, ce responsable a été interpellé à plusieurs reprises par la presse mais aussi par l’opposition à propos de ce qu’il savait ou pas concernant les agissements de l’ex-ministre du budget. Car, nombreux sont ceux qui se sont demandés si, dès l’annonce de l’existence du fameux compte par le site Mediapart, le gouvernement français n’avait pas diligenté une enquête parallèle à celle de la justice. Une enquête qui, efficacité supposée des « services », aurait pu livrer ses enseignements bien plus tôt que les investigations judiciaires. En clair, la question était de savoir si le ministre de l’intérieur mais aussi le président Hollande auraient pu être au courant de la culpabilité de Cahuzac avant qu’elle ne soit officiellement établie.
Mais, prenons les déclarations de Manuel Vals pour argent comptant et admettons qu’il n’y a pas eu d’enquête des services au nom du respect de l’indépendance et de la primauté de la justice. Nombre de journaux mais aussi de personnalités politiques ont trouvé l’argument recevable ce qui est pour le moins étonnant.
En effet, un ministre du budget qui possède un compte non déclaré à l’étranger ne représente rien de moins qu’un véritable problème de sécurité nationale pour son pays ce qui aurait donc justifié une enquête des services secrets. Comment, en effet, ne pas se demander si d’autres pays, y compris occidentaux, n’étaient pas au courant de l’existence de ce compte ce qui, par conséquent, leur aurait permis d’exercer des pressions sur ce ministre ? Théorie du complot, diront certains. Et, c’est là où l’on touche du doigt les dégâts occasionnés à la fois par une naïveté confondante quant à la réalité des relations internationales et par la généralisation d’un certain scepticisme qui réfute n’importe quelle analyse mettant en exergue l’existence de mécanismes peu orthodoxes et très éloignés de ce qui serait la marche normale, et morale, du monde.
C’est un fait, les grandes nations ne se font plus la guerre comme jadis. Mais, il est un autre conflit, violent et implacable, qui les oppose puisqu’il s’inscrit dans cette gigantesque bataille économique engendrée par plusieurs décennies de dérégulation et de mondialisation. Et, dans cette affaire, les victimes sont les emplois, les entreprises mais aussi les contribuables.
Résumons. Un ministre du budget qui cache un secret (des secrets ?) comme l’a fait Cahuzac est une victime potentielle de chantage de la part de n’importe quel service secret étranger mais aussi de n’importe laquelle de ces officines de renseignement économique qui travaillent pour de grandes multinationales, parfois bien plus puissantes et influentes que les Etats. Un chantage pour quoi faire ? Tout simplement, parce qu’un ministre du budget peut, d’une signature ou par un arbitrage, décider de la mort de telle ou telle activité économique. Il peut aussi protéger tel ou tel secteur des appétits fiscaux du gouvernement auquel il appartient. Il peut peser de son poids politique pour orienter des choix majeurs en termes de politique économique et même convaincre les autorités de fermer l’œil sur le comportement fiscal inconvenant de tel grand homme d’affaires ou de telle entreprise transnationale. L’intérêt de contrôler ou de manipuler un tel responsable paraît donc évident. Du coup, on est en droit de penser que ses décisions passées mériteraient d’être examinées à l’aune de cette problématique.
L’argument de Manuel Valls a été d’autant plus facile à faire accepter en France qu’il y est aujourd’hui ringard et suspect de parler de sécurité nationale ou d’intérêt de l’Etat. Cela contrairement aux Etats-Unis où cette thématique est abordée en permanence dans les séries télévisées ou le cinéma, sans oublier la littérature, et bien sûr le discours politique. La France, elle, préfère éviter d’aborder ce sujet qui peut, il est vrai, facilement dériver sur des considérations nationalistes et xénophobes. Pourtant, la mondialisation impose ce genre de questionnement. En faisant tomber les frontières, en permettant la circulation sans entrave ou presque des capitaux, elle fragilise les Etats et, par conséquent, ce que ces Etats sont censés protéger.
Cela vaut aussi pour les paradis fiscaux. En effet, il est étonnant que ces pays dont l’objectif est de voler, car c’est bien de cela qu’il s’agit, des recettes fiscales aux autres ou d’attirer de l’argent sale ne soient pas considérés comme des Etats voyous au même titre que n’importe quel pays accusé de soutenir le terrorisme. Simple question. Qui fait le plus de mal à la France ? L’Iran des mollahs ou les Iles Caïman ou encore, soyons encore plus directs, le Luxembourg et l’Autriche ? Un pays qui « pique » des ressources financières à l’autre, l’empêche de moderniser ses infrastructures, pénalise ses services publics et l’oblige à s’endetter pour compenser ses pertes fiscales, peut-il vraiment être considéré comme un allié ou un partenaire au sein de l’Union européenne ?
L’une des grandes réussites de la finance internationale et de l’industrie de l’évasion fiscale a été de faire oublier le caractère belliciste et antipatriotique de son activité. C’est ce que l’affaire Cahuzac devrait faire prendre conscience plutôt que d’engendrer ces clowneries pitoyables à propos du patrimoine de tel ou tel ministre ou élu de la République…
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