Lignes quotidiennes

Lignes quotidiennes
Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

lundi 15 avril 2013

La chronique économique : Mondialisation et évasion fiscale

_
Le Quotidien d'Oran, mercredi 10 avril 2013
Akram Belkaïd, Paris
 
Les récentes péripéties politico-judiciaires en France avec l’affaire Cahuzac ainsi que les révélations de plusieurs journaux à propos des comptes détenus dans des paradis fiscaux par plusieurs milliers de personnalités à travers le monde appellent plusieurs commentaires. On peut d’abord s’étonner de la faiblesse des Etats dans leur incapacité à lutter contre l’évasion fiscale. Tant d’argent « gris » qui échappe à la vigilance du fisc mais aussi à celle des services de renseignement et des chancelleries diplomatiques, cela ne peut pas relever d’un simple défaut de fonctionnement ou de quelques incompétences. Non, visiblement, il s’agit de systèmes organisés, bien pensés, avec l’aval des pouvoirs politiques.
 
Des politiques impliqués
 
En clair, on est en droit de se demander si ces pouvoirs n’ont pas été engagés jusque-là vers une certaine tolérance pour ne pas dire une indulgence coupable à l’égard des fraudeurs. Bien sûr, il est clair que certains de ces dirigeants sont directement concernés puisque, eux aussi, dupent l’Etat et le pays qu’ils sont censés servir. La non-application des lois, le manque de zèle dans la lutte contre la fuite de capitaux, tout cela aurait donc d’abord servi des élus et des responsables indignes de la confiance mise en eux. Mais, bien sûr, il n’y a pas que cela. Les politiques ont aussi regardé ailleurs parce que cela avait pour but de ne pas effaroucher de riches contribuables dont on a accepté qu’ils fassent fuir une partie de leur argent dû à l’Etat au titre qu’ils payaient tout de même des impôts. Quoi qu’il en soit, cette indulgence est d’autant plus condamnable qu’elle oblige à s’interroger sur la manière dont de nombreux partis politiques se financent. En effet, rien ne dit que l’affaire Cahuzac ne cache pas non plus un sombre dossier de financement politique. La justice française le dira bien assez tôt…
 
Par ailleurs, il est temps d’admettre que la mondialisation est aussi synonyme d’évasion fiscale. Tous les circuits mis en place pour faciliter la circulation des capitaux dans le monde servent aussi (et surtout ?) les fraudeurs en tous genres et il n’est pas interdit de se demander si, finalement, la globalisation n’est pas âprement défendue pour cette raison. Partout dans le monde, des élites politiques et économiques ont compris tout le parti qu’elles pouvaient tirer de l’existence de lois plutôt souples en matière de contrôle des flux financiers. C’est pourquoi ces élites ne font rien pour interdire les paradis fiscaux. Sans exagérer, on est aussi en droit de se demander quel est ce monde où l’on peut envahir un pays souverain sur la base de renseignements infondés et prétendre dans le même temps qu’il est difficile de mettre au pas des micro-Etats dont le seul but est d’attirer de l’argent qui échappe au fisc ou, plus grave encore, qui provient des activités criminelles de plus en plus rentables des mafias (drogue, armes ou trafics d’êtres humains).
 
Une affaire de démocratie
 
La mondialisation financière a affaibli les Etats. Elle a sapé leur capacité à prélever l’impôt de manière équitable puisqu’aujourd’hui, les classes moyennes sont celles qui sont le plus affectées, car incapables de se payer les services d’aigrefins spécialisés dans les montages financiers. On peut citer aussi les classes populaires, pour la plupart soumises à la TVA, cet impôt des plus injustes puisqu’il est le même pour tous, quel que soit le niveau de revenus. Dès lors, on peut se dire que les politiques devraient désormais être jugés sur leur capacité à stopper l’évasion fiscale. Il y va, ni plus ni moins, de l’avenir de la démocratie.
_

1 commentaire:

pirate a dit…

Regard très juste, rien à voir avec les théories complotistes. Mais il est important de remarquer que non seulement les SR francais ont connu un net recul de qualité ces dernières années, que le niveau de la sécurité des entreprises par exemple est très bas et inconscient et qui plus est on sait que l'enquête menée contre Cahuzac en 2008 par un contrôleur des impots et alors que Woerth était ministre (faites sans autorisation) a valu une mise à pied au dit contrôleur. Bref les uns et les autres se protègent et la hiérarchie également.