Le Quotidien d'Oran, mercredi 26 avril 2017
Akram Belkaïd, Paris
Ces dernières années, et plus encore depuis l’élection de
Donald Trump à la présidence des Etats Unis d’Amérique, il est de bon ton de
décréter la fin de la mondialisation, du moins son entrée dans une nouvelle
phase de repli. Les commentateurs en veulent pour preuve la volonté de l’hôte
de la Maison-Blanche de redessiner le commerce de son pays dans un sens plus
protectionniste. « America first »,
son slogan désormais célèbre, le pousse, par exemple, à réviser les termes de l'Accord
de libre-échange nord-américain (Alena ou, en anglais, North American Free
Trade Agreement – NAFTA) qui unissent son pays au Canada et au Mexique.
Il ne faut pas croire que la démarche de Trump est isolée.
Certes, de manière traditionnelle, le parti républicain est favorable au
libre-échange et fustige les lois protectionnistes. Mais, ces dernières années
et face à la désindustrialisation continue des Etats Unis, des voix se font
entendre pour réclamer une dose de protectionnisme afin de protéger les
« bons » emplois américains. Le débat est loin d’être clôt et les
initiatives de Trump sont mentionnées par ses adversaires et contempteurs pour
prouver qu’il est un danger pour la paix.
L’esprit de
Montesquieu…
En effet, ce qui fonde cette croyance fondamentale en faveur
du libre commerce est que ce dernier est le premier facteur de stabilité entre pays.
Autrement dit, des pays unis par les échanges de marchandises et de services ne
se font pas la guerre. Le principe a été formalisé en son temps par Montesquieu
dont les lignes qui suivent sont très souvent citées par les ouvrages et essais
pro-mondialisation : « L’effet
naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient
ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter,
l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur les besoins
mutuels. » (*)
Il est vrai que la Seconde Guerre mondiale puise une partie
de ses causes dans le protectionnisme auquel se livrèrent les grandes nations
industrialisées après la fin du premier conflit mondial. Il est vrai aussi que
des frontières qui se ferment, des productions qui ne trouvent pas preneur sont
des facteurs de tension. Mais il faut lire la suite de ce qu’écrit Montesquieu
pour se rendre compte que le commerce libre n’est pas toujours la garantie d’un
ordre tranquille. « Mais, si
l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même les particuliers.
Nous voyons que dans les pays où l’on n’est affecté que de l’esprit de
commerce, on trafique [au sens ancien de commercer légalement] de toutes les actions humaines, et de
toutes les vertus morales : les plus petites choses, celles que l’humanité
demande, s’y font ou s’y donnent pour de l’argent. »
… Et l’égoïsme
En clair, le commerce n’est pas vertueux par essence. Sa
contribution positive vient du fait qu’il répond à des égoïsmes particuliers et
qu’on ne saurait donc lui attribuer une quelconque contribution morale. Cela
veut donc dire que lorsque ces égoïsmes entrent en confrontation, le commerce
n’arrange rien. C’est la situation que la planète vit actuellement. Les
productions n’étant plus nationales mais pouvant être facilement délocalisées,
on se retrouve dans une situation de compétition féroce du fait de la
multiplicité des fournisseurs et, dans une certaine mesure, de la réduction du
nombre de débouchés. Si les vendeurs sont bien plus nombreux que les acheteurs,
la crise est inévitable. Cela demande donc de réfléchir à une vraie régulation
des échanges. Il faudrait pour cela que l’Organisation mondiale du commerce
(OMC) refonde sa doctrine libre-échangiste. Ce qui est loin d’être assuré.
(*) Montesquieu, « De
l’esprit des lois », (1748), livre XX, chapitre 2.
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