Le Quotidien d'Oran, mercredi 28 décembre 2011
Pour guérir, le malade doit encore plus s’affaiblir. C’est, en forçant un peu le trait, la teneur des dernières déclarations de Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), à propos de l’Europe et, à un degré moindre, des Etats-Unis. En effet, la grande argentière multiplie actuellement les déclarations à propos de réformes structurelles qui n’avanceraient pas dans ces deux zones. Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche de cette semaine, elle a même estimé que le plan européen de sortie de crise est peu clair et que les investisseurs attendent plus de précisions et de mesures concrètes, notamment sur la question de l’intégration budgétaire.
UN PORTE-PAROLE DES MARCHES
Il n’y a rien de choquant à entendre Christine Lagarde demander plus de cohésion et de clarté aux Européens. Il est vrai qu’il est bien difficile de comprendre quel est le plan de marche du couple franco-allemand. Quelles sont les intentions de Paris et de Berlin ? Va-t-on vers une nouvelle Union européenne ? Va-t-on redéfinir les relations qui existent entre les pays membres de la zone euro et ceux qui n’en font pas encore partie ou qui risquent d’en être exclus ? Et, pour ce dernier cas, que va-t-il se passer pour la Grèce ? Autre question, comment les pays européens comptent-ils refinancer les quelque 500 milliards d’euros de crédits dont les échéances vont tomber au cours du premier semestre 2012 ?
A l’inverse, on peut se demander si la directrice générale du FMI ne se fait pas un peu trop le porte-parole des marchés en mettant en garde contre tout ce qui pourrait gêner leur fonctionnement. Ainsi, critique-t-elle les dispositions prises par de nombreux Etats afin de contrer la libre-circulation des capitaux. Un propos qui, au passage, rappelle la position du Fonds lorsqu’il avait dénoncé la décision de la Malaisie de réinstaurer le contrôle des changes à ses frontières au milieu des années 1990. Depuis, le FMI a admis du bout des lèvres que la décision malaisienne était la bonne.
«Aujourd’hui, nous voyons certains États relever leurs barrières tarifaires, inventer des obstacles non tarifaires et parfois faire obstacle aux flux de capitaux», a ainsi déploré Christine Lagarde. Or, c’est bien ce qu’il s’agit de faire pour éviter de nouvelles crises. On sait aujourd’hui que c’est la dérégulation, notamment en matière de circulation des capitaux, qui a provoqué nombre de crises financières. Il ne faut pas non plus oublier que le FMI n’a eu de cesse de convaincre des pays, à la situation économique pourtant fragile, de toujours aller plus loin en matière d’ouverture des frontières et de convertibilité de monnaie. Dans quel état seraient aujourd’hui les pays du Maghreb s’ils avaient accepté que leurs devises soient totalement convertibles ? Cette question, le FMI feint de ne pas se la poser tout comme il refuse de tirer des enseignements de ce qui se passe depuis le début des années 2000 en matière de bulles financières et d’effets de la mondialisation sur la baisse des salaires.
A QUAND L’AGGIORNAMENTO DU FMI ?
Le passage de témoin entre Dominique Strauss-Kahn et Dominique Lagarde ne débouchera donc pas sur une remise en cause de la doctrine chère au FMI. On disait que le consensus de Washington était mort et enterré du fait de la crise. C’est évidemment le contraire qui se passe. Continuer à défendre coûte que coûte le libre-échange, quand tant d’emplois ont été détruits et que personne ne sait comment les remplacer, est une position qui ne sert que les multinationales toujours à la recherche du moindre coût horaire. De même, faire croire que la libre circulation des capitaux est bénéfique aux économies, notamment émergentes, relève-t-il d’un dogme auquel des pays comme le Brésil ou la Malaisie ont tordu le cou depuis longtemps. Il serait temps que le FMI et Madame Lagarde le comprennent enfin.
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