Le Quotidien d'Oran, mercredi 11 janvier 2012
Akram Belkaïd, Paris
Atterrira - n’atterrira pas ? Cette interrogation à propos de l’économie chinoise est devenue un thème récurrent de la presse économique et financière. On sait que la croissance chinoise ne cesse d’impressionner la planète entière depuis déjà deux décennies. Or, de manière régulière, des prévisions alarmistes font état d’un début de sa surchauffe (hausse de l’inflation, revendications salariales, augmentation des stocks, baisse des exportations) avec, à la clé, des craintes sur les conséquences locales mais aussi mondiales d’une baisse d’activité qui finira bien par arriver puisque, comme le dit l’adage, les arbres ne poussent jamais jusqu’au ciel.
UN SIGNE DE RALENTISSEMENT ?
Il y a peu, la publication du solde annuel du commerce extérieur chinois de 2011 a relancé ces interrogations. En effet, l’excédent n’a atteint «que» 155 milliards de dollars, soit son niveau le plus bas depuis 2005. Pour nombre d’observateurs, c’est la preuve que le modèle chinois basé sur les exportations commence à s’essouffler, notamment en raison de la crise financière mondiale. Pour l’économiste Nouriel Roubini - désormais mondialement célèbre pour avoir prédit la crise financière de 2008 -, l’année qui débute, et plus encore celle de 2013, risquent d’être celles du dur retour à la réalité pour la Chine avec un effondrement de ses ventes à l’étranger et une chute brutale de sa croissance.
Une perspective que les autorités chinoises n’écartent pas totalement. Depuis plusieurs mois, Pékin fait ainsi entendre une nouvelle musique à propos de son modèle économique et du « développement harmonieux » du pays. Ainsi, pour le régime chinois, il est de plus en plus urgent de développer la consommation intérieure, seule levier capable de prendre le relais des exportations. Dans le même ordre d’idée, Pékin parle aussi de modernisation de son système financier : ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il y aura recul sur le dossier très controversé de la parité yuan-dollar (cela même si une partie des candidats américains à l’investiture du Parti républicain semble vouloir faire de ce point l’un des thèmes majeurs de la campagne électorale américaine pour la présidentielle de novembre prochain).
Cette relative contre-performance du commerce extérieur chinois conforte le discours de celles et ceux qui, essayant de défendre les vertus de la mondialisation, ont toujours expliqué que la Chine arriverait tôt ou tard à un tel niveau de développement que cela en fera un grand client des pays développés (des pays dont, en attendant, elle a aspiré une partie des emplois, mais aussi des technologies et du capital…). L’argument est connu. Une fois développé, l’ex-Empire du Milieu, en tant que marché à pouvoir d’achat croissant, offrira de nouvelles perspectives aux exportateurs des pays développés, lesquels, hausse du coût du travail chinois aidant, auront tout intérêt à relocaliser leurs emplois en Europe ou en Amérique du Nord.
LA CHINE INNOVE
Malheureusement, ce raisonnement ne tient guère la route car il est fondé sur une erreur fondamentale qui consiste à croire que la Chine mettra du temps à rattraper le reste du monde en matière d’innovation et de techniques de pointe. Or, selon un récent rapport du cabinet Thomson Reuters, ce pays vient de passer en tête devant les Etats-Unis et le Japon en matière de dépôt de brevets (314.000 en 2010). En 2015, la Chine devrait même avoir enregistré le dépôt de 500.000 brevets contre seulement 400.000 aux Etats-Unis. Si elle se réalise, une telle prévision démontrera une chose : la Chine n’est plus seulement «l’atelier du monde», car elle concurrence d’ores et déjà les pays développés dans les secteurs à forte valeur ajoutée.
L’hypothèse d’un rééquilibrage apparaît donc pour ce qu’elle est : un simple vœu pieu destiné à mieux faire passer la pilule amère des délocalisations et des conséquences de la libéralisation globale du commerce mondial.
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