Le Quotidien d'Oran, jeudi 3 janvier 2013
Akram Belkaïd, Paris
Allez, un petit peu de musique pour bien commencer l'année et pour s'inscrire en droite ligne de ce grand événement artistico-planétaire que fut l'accueil de François Hollande par une chorale de Tlemcen : «Bienvenue dans la pèèrle dju Maghrèèb…... Votre éééé-minence...… Votre magnificence...… Notre rééé-vérence !» (Ah, les ravages de la rime, ne manquait que «votre rondouille prestance»…). Ouvrons donc une parenthèse à propos de ce moment de rigolade qui restera dans les annales franco-algériennes. J'avais prévu d'y consacrer une chronique entière et puis, par charité musulmane, j'y ai renoncé. Disons tout de même qu'en le visionnant, j'ai repensé à une amie diplômée de l'école des Beaux-Arts d'Alger qui m'a toujours expliqué que, selon elle, l'un des problèmes majeurs de l'Algérie et des Algériens était l'omniprésence du mauvais goût et du kitsch. Un kitsch non seulement grandiloquent mais âprement défendu par des esprits ultra-chauvins. Un peu comme si les feuilletons égyptiens et leurs décors rococo avaient irrémédiablement façonné notre conception des arts. Fermons la parenthèse (qui sera très certainement rouverte car je m'attends à recevoir beaucoup de courriers indignés prétendant que la chorale de Tlemcen était une grande performance artistique ayant impressionné les Français et prouvé que l'Algérie est au top en matière culturelle et cela grâce à plusieurs décennies de réalisations blablabla…).
L'objet de cette chronique est de vous parler de quelques vieilles chansons visionnées les unes après les autres une nuit d'insomnie totale. D'abord, Patrick Hernandez et son célèbre «born to be alive». C'était à la fin des années 1970, la folie du disco et ses paillettes. Un costume trois pièces rappelant vaguement John Travolta dans la Fièvre du Samedi Soir, une cravate scintillante, des chaussures blanches et, bien sûr, l'incontournable canne. Ce chanteur a été l'homme d'un seul tube qui, il faut le savoir, le fait (bien) vivre aujourd'hui encore. Selon plusieurs économistes, il paraît que ce type de phénomène va de plus en plus se répéter en raison de la démocratisation des moyens de diffusion des productions musicales. En ce moment, le Coréen Psy et son «Gangnam style» en sont le meilleur exemple.
Est venue ensuite le duo Didier Barbelivien et Felix Gray. «A toutes les filles» était, je le crois, le titre de la chanson avec ce passage qui prouve bien que la France est la patrie de la poésie et de l'écrit fulgurant. Jugez-en : «Elle pleurait comme on pleure quand on a trop aimé». Quelle puissance ! J'étais encore sous le choc de ce chant rimbaldien quand est apparue Sabrina et son mot d'ordre mystique «Boys ! Boys ! Boys !». Ah, Sabrina, la piscine, les lampions, les bouées, les et ses gros ballons sans oublier le haut du maillot qui glisse. Ya Salam ! C'était un peu ça, les années 1980. Des brushings, y compris dans la piscine, des épaulettes et des tonnes de vulgarité.
Retour au disco avec un groupe que l'Algérie des bouhis et autres grarettas (en gros, les ploucs et pacoulins) a adoré. Vous souvenez-vous d'Ottawan et de ses tubes «t'es ok» et «d-i-s-c-o» (vive le MCO, reprenaient ensuite les supporters oranais) ? Là aussi, quelle poésie : «la vie est plus facile quand on est à deux ! Le bonheur est moins fragile quand on est amoureux». Il faudrait décerner un prix rétroactif à ce groupe, le remercier d'avoir porté aussi haut et fort la langue française et d'avoir permis à la francophonie de rayonner de Mascara à Azazga. Et qui se souvient de Bernard Tapie chanteur ? «Réussir sa vie, c'est croire en l'instant, c'est d'avoir envie de tout devenir !». Ouais...Tout devenir…...
Nombre de clips des années 1980 ont été des sommets de vulgarité et de «kitscherie». L'un des meilleurs exemples est celui de la chanson du duo Pia Zadora - Jermaine Jackson (le frère du défunt iii-hi !). Cela s'appelait «When the rain begins to fall» - quand la pluie commence à tomber - et, comment dire, c'était censé réinventer «West side story» avec, là aussi, force brushings, paillettes et épaulettes. Bagarre à deux sous, blondes peroxydées, motos chromées et, au final, une Blanche qui s'en va avec un Blanc tandis que le Noir reste seul après avoir cru séduire la belle. A l'époque, les émeutes raciales de Los Angeles étaient encore à venir et personne ou presque n'avait entendu parler d'un jeune étudiant en droit nommé Barry Obama.
Passons à une autre chanson ce qui, du coup, va permettre d'en finir avec une contre-vérité qui fait encore des ravages dans la presse musicale. Le groupe s'appelait Partenaire Particulier et sa chanson éponyme reste ce qu'on a fait de pire dans le n'importe-quoi hexagonal façon New wave. Et c'est bien ce groupe, et non pas Indochine, que les Inconnus ont parodié avec leur fameux «Isabelle a les yeux bleus, bleus les yeux Isabelle a»… Pourtant, aujourd'hui encore, nombreux sont celles et ceux qui pensent que les Inconnus sont responsables, avec cette impayable chanson, de la traversée du désert du (grand) groupe de Nicola Sirkis.
Terminons par ce qui, à mon avis, constitue l'un des monuments du mauvais goût propre à la période qui va de la fin des années 1970 au milieu des années 1980. Il s'agit de la chanson Manureva» d'Alain Chamfort (paroles de Serge Gainsbourg) censée rendre hommage au navigateur Alain Colas disparu en novembre 1978 pendant la Route du Rhum. Plus de trente ans plus tard, je n'arrive toujours pas à comprendre, et à admettre, que l'on puisse faire du disco ultra-dansant sur ce thème tragique. J'en ai parlé un jour avec un confrère du magazine Rock & Folk. J'ai toujours en tête sa réponse : «Tu sais, il y a bien des gens qui ont dansé le slow sur 'Nuit et brouillard', alors...…». Oui, c'est bien cela le kitsch. Il n'a aucune limite et, le plus surprenant, c'est qu'il arrive toujours à plaire et à trottiner pendant longtemps dans nos têtes.
L'objet de cette chronique est de vous parler de quelques vieilles chansons visionnées les unes après les autres une nuit d'insomnie totale. D'abord, Patrick Hernandez et son célèbre «born to be alive». C'était à la fin des années 1970, la folie du disco et ses paillettes. Un costume trois pièces rappelant vaguement John Travolta dans la Fièvre du Samedi Soir, une cravate scintillante, des chaussures blanches et, bien sûr, l'incontournable canne. Ce chanteur a été l'homme d'un seul tube qui, il faut le savoir, le fait (bien) vivre aujourd'hui encore. Selon plusieurs économistes, il paraît que ce type de phénomène va de plus en plus se répéter en raison de la démocratisation des moyens de diffusion des productions musicales. En ce moment, le Coréen Psy et son «Gangnam style» en sont le meilleur exemple.
Est venue ensuite le duo Didier Barbelivien et Felix Gray. «A toutes les filles» était, je le crois, le titre de la chanson avec ce passage qui prouve bien que la France est la patrie de la poésie et de l'écrit fulgurant. Jugez-en : «Elle pleurait comme on pleure quand on a trop aimé». Quelle puissance ! J'étais encore sous le choc de ce chant rimbaldien quand est apparue Sabrina et son mot d'ordre mystique «Boys ! Boys ! Boys !». Ah, Sabrina, la piscine, les lampions, les bouées, les et ses gros ballons sans oublier le haut du maillot qui glisse. Ya Salam ! C'était un peu ça, les années 1980. Des brushings, y compris dans la piscine, des épaulettes et des tonnes de vulgarité.
Retour au disco avec un groupe que l'Algérie des bouhis et autres grarettas (en gros, les ploucs et pacoulins) a adoré. Vous souvenez-vous d'Ottawan et de ses tubes «t'es ok» et «d-i-s-c-o» (vive le MCO, reprenaient ensuite les supporters oranais) ? Là aussi, quelle poésie : «la vie est plus facile quand on est à deux ! Le bonheur est moins fragile quand on est amoureux». Il faudrait décerner un prix rétroactif à ce groupe, le remercier d'avoir porté aussi haut et fort la langue française et d'avoir permis à la francophonie de rayonner de Mascara à Azazga. Et qui se souvient de Bernard Tapie chanteur ? «Réussir sa vie, c'est croire en l'instant, c'est d'avoir envie de tout devenir !». Ouais...Tout devenir…...
Nombre de clips des années 1980 ont été des sommets de vulgarité et de «kitscherie». L'un des meilleurs exemples est celui de la chanson du duo Pia Zadora - Jermaine Jackson (le frère du défunt iii-hi !). Cela s'appelait «When the rain begins to fall» - quand la pluie commence à tomber - et, comment dire, c'était censé réinventer «West side story» avec, là aussi, force brushings, paillettes et épaulettes. Bagarre à deux sous, blondes peroxydées, motos chromées et, au final, une Blanche qui s'en va avec un Blanc tandis que le Noir reste seul après avoir cru séduire la belle. A l'époque, les émeutes raciales de Los Angeles étaient encore à venir et personne ou presque n'avait entendu parler d'un jeune étudiant en droit nommé Barry Obama.
Passons à une autre chanson ce qui, du coup, va permettre d'en finir avec une contre-vérité qui fait encore des ravages dans la presse musicale. Le groupe s'appelait Partenaire Particulier et sa chanson éponyme reste ce qu'on a fait de pire dans le n'importe-quoi hexagonal façon New wave. Et c'est bien ce groupe, et non pas Indochine, que les Inconnus ont parodié avec leur fameux «Isabelle a les yeux bleus, bleus les yeux Isabelle a»… Pourtant, aujourd'hui encore, nombreux sont celles et ceux qui pensent que les Inconnus sont responsables, avec cette impayable chanson, de la traversée du désert du (grand) groupe de Nicola Sirkis.
Terminons par ce qui, à mon avis, constitue l'un des monuments du mauvais goût propre à la période qui va de la fin des années 1970 au milieu des années 1980. Il s'agit de la chanson Manureva» d'Alain Chamfort (paroles de Serge Gainsbourg) censée rendre hommage au navigateur Alain Colas disparu en novembre 1978 pendant la Route du Rhum. Plus de trente ans plus tard, je n'arrive toujours pas à comprendre, et à admettre, que l'on puisse faire du disco ultra-dansant sur ce thème tragique. J'en ai parlé un jour avec un confrère du magazine Rock & Folk. J'ai toujours en tête sa réponse : «Tu sais, il y a bien des gens qui ont dansé le slow sur 'Nuit et brouillard', alors...…». Oui, c'est bien cela le kitsch. Il n'a aucune limite et, le plus surprenant, c'est qu'il arrive toujours à plaire et à trottiner pendant longtemps dans nos têtes.
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