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vendredi 22 février 2013

La chronique du blédard : François Hollande oublie la lutte contre les discriminations

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 23 février 2013
Akram Belkaïd, Paris
 
Les socialistes français seraient-ils d'indécrottables menteurs pour ce qui concerne la lutte contre les discriminations dont souffrent les populations d'origine étrangères ? Depuis le début des années 1980, l'histoire ne cesse de se répéter. D'abord, des promesses, de beaux discours et une volonté proclamée d'être différent de la droite en ce qu'elle peut véhiculer comme discours xénophobe et excluant. Ensuite, une fois l'élection, présidentielle ou législative, remportée, vient le renoncement, le discours dit réaliste et l'agacement à l'égard de celles est ceux qui espéraient que les promesses seraient tenues (*). Des promesses et de la déception, c'est aussi cela la gauche socialiste (de retour) au pouvoir.

Depuis le mois de mai dernier, les choses ont-elles changé pour ceux que l'on désigne par l'expression Français d'origine étrangère, comprendre les Noirs et les Arabes ? La réponse est évidemment non. Si le gouvernement s'est pleinement engagé dans certaines batailles clivantes, à commencer par celle du mariage pour tous, il a repoussé aux calendes grecques l'urgence d'une politique de lutte contre les discriminations. Oubliées donc les belles promesses électorales d'une France pour tous, sans aucune exclusive. Oublié le constat selon lequel l'égalité des chances est une urgence nationale au nom d'une cohésion sociale en lambeaux. Et, comme toujours, ce renoncement est présenté comme une nécessité tactique du fait d'un contexte politique difficile. On connaît les arguments avancés : ne pas donner raison à l'extrême-droite ou, tout simplement, à la droite. Attendre des jours meilleurs et la reprise de l'économie. Espérer des circonstances particulières qui, comme la Coupe du monde de football 1998, pourraient permettre au gouvernement de convaincre la population française qu'il est temps d'honorer ce terme d'«égalité» dont on finit par se demander pourquoi il est inscrit au fronton des mairies.

Pour l'étranger, pour le fils ou la fille de l'étranger, pour celui qui a la peau noire ou qui porte un prénom inhabituel, pour l'arabe ou le musulman, les temps sont loin d'être faciles et il flotte comme un air de «sarkozie» dans la France de François Hollande. Au ministère de l'intérieur, est désormais installé Manuel Valls, héritier direct, pour ne pas dire clône, de l'ancien président français. On n'y parle pas d'égalité, d'accueil ou de lutte contre les discriminations à l'emploi et au logement – les deux maux les plus insidieux de la société française. Non, on continue de jouer au matamore, on clame que l'on va continuer à cogner les uns et à expulser les autres. Dans le métro parisien, dans les gares, sur les routes, le contrôle au faciès n'a pas disparu, loin de là.

Pour dire les choses de manière simple, l'étranger continue d'être brutalisé. Quant au Français d'origine étrangère, il ne cesse d'attendre qu'on l'aide à crever ce plafond de verre qui empêche son ascension sociale. On pensait que les émeutes de 2005 et de 2007 avaient provoqué une prise de conscience salutaire. C'était une erreur. La crise de 2008 est passée par là et, avec elle, une provincialisation de la classe politique française, incapable d'imaginer son travail et son engagement uniquement que par le biais de la frénésie sondagière et de l'usage d'expédients concoctés par de savants communicants. Droite ou gauche, c'est kif-kif…

Prenons la question du droit de vote aux élections locales pour les étrangers. Un pas en avant, trois en arrière. Un matin, c'est à l'ordre du jour, le lendemain ce n'est plus d'actualité. Quelle désinvolture, quel mépris ! Pour donner le change, on parle de faciliter les naturalisations. Comme si cela pouvait être possible. Comme si cela pouvait constituer une sorte de compensation au fait de ne pas considérer comme égaux un étranger européen (qui a le droit de vote) et un étranger non-européen. On peut estimer que cette affaire du droit de vote pour les étrangers n'est pas prioritaire. Il n'en demeure pas moins qu'elle reste symbolique des tergiversations des socialistes pour ne pas parler de leurs ambiguïtés.

Il est temps de dénier ouvertement à la gauche socialiste sa qualité de courant politique intrinsèquement progressiste. Car, c'est cela qui crée le malentendu. «Nous sommes socialistes, nous ne pouvons être racistes ou indifférents aux souffrances des Français d'origine étrangère voire des étrangers eux-mêmes» :c'est le discours que tiennent souvent les responsables de la rue Solferino et leurs ouailles. Et c'est ce propos qu'il ne faut plus prendre pour argent comptant. Les socialistes au pouvoir et leur ministre de l'intérieur néoconservateur, n'ont rien à envier à Nicolas Sarkozy. Et il leur faudra désormais faire leurs preuves pour démontrer le contraire.

A ce sujet, les élections municipales prévues en 2014 seront un grand test. Outre la question du vote des étrangers, on regardera avec attention la composition des listes électorales. Mais, le pari peut d'ores et déjà être pris. La «discipline du parti» et les exigences du «principe de réalité» vont, encore une fois, décevoir nombre d'attentes car, en l'état actuel, on voit mal le parti socialiste se transformer soudainement, en héraut de l'égalité des chances. Et, d'ici là, on peut toujours rêver de voir la question des discriminations être posée en tant que priorité des priorités nationales.

(*) Lire à ce sujet, «La lutte antidiscrimination ou la promesse oubliée», tribune publiée dans Le Monde daté du 15 février 2013 par Amirouche Laïdi (président du Club Averroes), Charles Aznavour (artiste), Saïd Taghmaoui (acteur) et Fadila Mehal (présidente des Marianne de la diversité).
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