Le Quotidien d’Oran,
jeudi 3 juillet 2014
Akram Belkaïd,
Paris
On ne répètera
jamais assez que ce qui entoure le football est souvent plus important que le
football lui-même. Les réactions en France liées aux dernières rencontres de
l’équipe nationale (EN) algérienne en sont le parfait exemple. De fait, on a
beaucoup parlé des débordements de certains « supporteurs » et des multiples
incidents qui ont suivi chaque match des Verts. Tapages nocturnes,
affrontements avec les forces de l’ordre, voitures et poubelles brûlées,
commerces saccagés : une minorité de voyous et de casseurs a souvent réussi à
gâcher la (belle) fête.
Comme on le
sait, ces comportements inacceptables ont été du pain béni pour
l’extrême-droite qui s’est emparée de l’affaire pour dénoncer l’existence d’une
cinquième colonne algérienne en France et pour exiger la suppression de la
double nationalité franco-algérienne. Dans certaines villes de l’Hexagone, des
groupuscules extrémistes ont cherché l’affrontement avec les jeunes issus de
l’émigration maghrébine et sub-saharienne. A Bourges, des abrutis ont ainsi
brûlé le drapeau algérien en chantant la Marseillaise (l’un d’eux a été
identifié par les internautes et son nom circule sur internet. Le pauvre…). A
Carcassonne, des parachutistes ont défilé dans la ville avec un drapeau
allemand – (un acte nostalgique ?) – après la (très honorable) défaite de l’EN
face à la Mannschaft et il semble bien que certains d’entre eux aient mené une
ratonade dans un quartier populaire. Enfin, à Nice, le député-maire Christian
Estrosi, alias le « motocrate » ou « motodidacte », a décidé
d’interdire par arrêté municipal la présence « ostentatoire » de drapeaux
étrangers, une mesure, on l’aura compris, qui visait essentiellement l’étendard
vert et blanc aux croissant et étoile rouges.
Bien entendu,
les médias ont largement relayé ces excès de part et d’autre. Cela a contribué
à créer un climat plutôt détestable, pesant. On pense notamment à ce sondage
mis en ligne, le dimanche 29 juin, sur le site de l’hebdomadaire Le Point avec cette interrogation : «
Faut-il supprimer aux Français d’origine algérienne leur double nationalité ?
». La question, raciste, a fini par être retirée après les protestations de
nombreux internautes (elle avait eu le temps d’enregistrer 81% de « oui »…)
mais elle mérite un commentaire. Retirer la double nationalité ne veut rien
dire sur le plan administratif, légal ou technique. En réalité, Le Point n’a pas osé aller jusqu’au bout
de sa pensée en demandant simplement à ses lecteurs s’ils sont d’accord pour
retirer ou non leur nationalité française aux binationaux franco-algériens. Car
c’est là la vraie revendication de l’extrême-droite et des mouvements
facho-identitaires.
Mais il faut se
garder de sombrer dans le catastrophisme et en conclure que les temps sont durs
pour les Algériens de France, qu’ils aient ou non la double nationalité. Par
facilité, par ce pessimisme structurel propre aux journalistes mais aussi par
refus d’accepter la réalité, on pourrait s’épancher durant des heures sur cette
ambiance frelatée qui offre la possibilité à certains de continuer à revêtir
l’habit de la victime persécutée ou celui de leur porte-parole auto-désigné.
Oui, il y a des racistes. Oui, il y a des Français qui ne supportent pas la vue
du drapeau algérien. Oui, il y a des allumés qui rêvent d’un grand nettoyage
ethnique qui, plusieurs siècles après, ferait écho à l’expulsion des morisques
d’Andalousie.
Mais combien
sont-ils ? Et quelle est la réalité au quotidien ? Le fait est que de nombreux
Français, dits de souche, étaient heureux du parcours de l’équipe algérienne
dans ce mondial. La joie de nos supporters leur faisait plaisir à voir et a
même constitué un élément positif dans un contexte politico-économique des plus
maussades. Au fil des jours, exception faite de deux ou trois allusions aux
excès de fêtards trop bruyants (relevant aussi de la détestation du football),
le présent chroniqueur n’a entendu et reçu que des messages de sympathie et de
soutien. Et il ne s’agit pas d’un cas isolé, loin de là. Autrement dit, et
contrairement à ce que l’extrême-droite veut imposer comme idée, notamment en
donnant l’impression du nombre sur internet grâce à de vraies campagnes
organisées, il y a beaucoup de Français qui se sentent proches de l’Algérie.
Des Français qui aiment l’Algérie ou, tout du moins, qui ne lui sont pas
hostiles. Des Français qui sentent, parfois sans pouvoir l’expliquer, que ce
pays de l’autre côté de la Méditerranée leur « parle ».
Ce serait être
malhonnête et injuste que de passer cela sous silence. Ce serait continuer
d’entretenir de mauvais feux que d’insister uniquement sur la tentation
frontiste d’une partie de la classe politique française. Car le vrai problème
est là. Ce n’est pas de l’Algérie et des Algériens qu’il s’agit mais de
l’incapacité d’une bonne partie des politiciens et médias français – ah ces
maudits talk-shows- d’assumer publiquement le fait que la France et l’Algérie
sont de plus en plus liées et que leurs peuples respectifs ont une part commune
bien plus importante qu’il n’y paraît.
« En France, l’Algérie est presque partout »
m’a dit un jour un confrère parisien. C’est vrai. Mais ce qu’il faut préciser,
c’est que contrairement à ce que peuvent laisser entendre les médias et
certains politiciens, l’acceptation de cette situation fait son chemin à
l’ombre des indignations et des polémiques stériles. Certes, il y a des jours
où ces dernières sont difficiles à supporter mais il suffit alors de s’en
remettre au réel, à la vie quotidienne, et de débrancher télés et ordinateurs.
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1 commentaire:
Merci pour cette belle analyse. Deux points doivent être soulignés : le principe même du sondage répond à une préoccupation discriminatoire. En effet la question n'est pas posée aux Françaises et aux Français, mais aux lectrices et lecteurs du "Point", soit à quelques dizaines de milliers de personnes, parmi lesquel(le)s, ne sont comptés que celles et ceux qui ont répondu à la question; soit certainement deux ou trois milliers. De là à induire que 81% des Françaises et des Français seraient hostiles à la double nationalité des seuls Franco-Algériens, il n'y a qu'un pas. S'agissant d'un magazine de la droite "franche", il n'est pas étonnant que la réponse soit radicalement hostile aux Algériennes et Algériens. Plus malhonnêtement que cela, le contexte même du sondage ne peut pas donner une réponse inverse : Les media ont très largement "tartiné" sur les casseurs et les incendiaires dont il est dit, qu'il se trouvait parmi eux des provocateurs du FN. la relation inductive est vite construite entre les casseurs, la forêt de drapeaux algériens et la casse. Ce sont les Franco-Algériens qui "sont" les casseurs — et non les Algériens qui le seraient. Estrosi a rajouté une louche : il a interdit le déploiement de drapeaux algériens.Ce ne sont pas les performance de l'équipe d'Algérie qui intéressent "Le Point", mais la question récurrente de la double nationalité. La réponse est dans la question. Elle est celle de Marine La Peine qui, la première, a vomit sa haine et son venin habituels ! Le point est un magazine indigne dans lequel sévit aussi un certain gnome : BHL.
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