Le Quotidien d'Oran, mercredi 25 juin 2014
Akram Belkaïd, Paris
Début juin, l’Arabie Saoudite a annoncé son intention de créer un Fonds souverain (Sovereign wealth fund, SWF, en anglais). Une information qui a mis en émoi le monde de la finance internationale et notamment l’industrie de gestion de fonds. En effet, cela fait plusieurs années que le géant pétrolier réfléchit à une telle structure afin d’investir au profit des générations futures. Jusque-là, le royaume ne disposait pas d’un vrai fonds souverain comparable à ce qui existe, par exemple, à Abou Dhabi ou au Qatar, deux émirats qui placent une partie de leurs surplus financiers dans des SWF à l’image de ce que font aussi la Norvège, la Chine ou Singapour. A ce jour, c’est la Banque centrale saoudienne ou Saudi Arabian Monetary Agency (SAMA) qui est en charge de la gestion des réserves de change et ses placements extérieurs – à l’image de la Banque centrale algérienne – se font essentiellement en obligations du Trésor étasunien.
Une diversification plus active
Selon les informations fournies par Ryadh, la nouvelle entité devrait recevoir 30% des surplus budgétaires, soit une moyenne annuelle de 15 à 20 milliards de dollars avec un fonds de départ de 70 milliards de dollars. Contrairement à la SAMA, ce fonds pourra effectuer des investissements sur d’autres segments que les obligations américaines. On pense notamment aux marchés d’actions, à l’immobilier mais aussi aux devises. Cette option de diversification active, adoptée par les autres monarchies du Golfe depuis déjà trente ans, est une bonne nouvelle pour les intermédiaires financiers et autres gérants de fonds qui vont essayer d’obtenir des mandats pour placer une partie des avoirs de ce qui devrait être appelé le Fonds de réserves nationales.
Mais il reste encore à savoir désormais comment va fonctionner ce SWF. Va-t-il opérer comme n’importe quel fonds souverain, en privilégiant d’abord la rentabilité de ses placements quel que soit l’actif dans lequel il aura investi ? Ou bien alors sera-t-il soumis à une « chariâ compliance », c'est-à-dire l’obligation de respecter la charia ce qui exclut de nombreux secteurs d’activités (armes, alcools et spiritueux,…) ? Surtout, il sera intéressant de voir si ce Fonds de réserves nationales va pouvoir se doter de la même indépendance à l’égard de la monarchie que celle dont dispose la SAMA. Forte de son statut de Banque centrale, cette dernière a toujours évité les interférences politiques et la rigueur de sa gestion est reconnue mondialement. Qu’en sera-t-il avec un fonds souverain plus exposé et plus actifs sur les marchés internationaux ? La question mérite d’être posée tout comme celle de l’indépendance à l’égard des partenaires internationaux de l’Arabie saoudite. On le sait, certains fonds souverains du Golfe ont servi récemment à amortir les effets de la crise de 2008 et ont été plus ou moins « encouragés » à se porter au secours de certaines grandes banques occidentales (le secret de leurs pertes est à ce jour difficile à percer…).
Le débat perdure en Algérie
En tout état de cause, cette décision saoudienne devrait relancer le débat sur la question de la création d’un fonds souverain algérien et cela pendant qu’il est encore temps. Pourquoi l’Algérie ne dispose-t-elle pas d’un SWF dédié à préparer l’après-pétrole ? Cette question n’a pas de réponse officielle si ce n’est qu’elle serait à l’étude. Jusqu’à quand ? Les réserves de change dont dispose le pays ne sont pas éternelles. A moins qu’il ne s’agisse d’un problème de compétences ou, c’est plus probable, de volonté politique de garder la haute main sur les ressources financières du pays et de ne pas permettre l’émergence d’une structure de gestion plus autonome que la Banque centrale algérienne. Le débat reste donc ouvert.
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