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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

dimanche 14 juin 2015

La chronique du blédard : La mafifa…

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 4 juin 2015
Akram Belkaïd, Paris

Le méchant, très méchant, Joseph « Sepp » Blatter a donc démissionné de la présidence de la Fédération internationale de football association (Fifa)… Un départ en forme de fuite forcée quelques jours à peine après qu’il a été réélu pour un cinquième mandat. Autant le dire, la nouvelle a décontenancé la majorité des observateurs. On pensait que le haut-Valaisan (il est né à Viège ou Visp en suisse allemand) ne quitterait pas son poste et cela malgré les scandales à répétition qui secouent actuellement la multinationale du football. Cette « remise de mandat », selon le communiqué officiel de l’organisation, laisse donc entrevoir que les péripéties du feuilleton judiciaire sont loin d’être terminées. Selon la presse américaine, Blatter, ainsi que d’autres personnalités du football mondial, sont dans le collimateur du Federal bureau of investigation américain (FBI).

Que dire de cette piteuse affaire qui, toutes proportions gardées, rappelle les turpitudes ayant entouré une autre grande organisation sportive, à savoir le Comité international olympique (CI0) ? Le fait est que personne n’est vraiment surpris. Cela fait très longtemps que Fifa rime avec mafia. Rien de surprenant à cela. Plus il y a de l’argent, et plus les trafics sont nombreux. Sur le plan administratif, ce regroupement de fédérations internationales est une « association », c’est à dire qu’elle échappe à la majorité des contraintes en matière de transparence auxquelles sont soumises les grandes transnationales, notamment celles qui sont cotées en Bourse. Or, la Fifa, n’est pas une petite structure de quartiers avec ses bénévoles. Elle emploie 1400 personnes et dispose de près de 2 milliards de dollars de réserves avec un chiffre d’affaires annuel de 1,5 milliards de dollars. En clair, en l’absence d’un organisme de régulation et de contrôle, les dérives étaient impossibles à éviter. On notera d’ailleurs que les Platini et Cie, c’est-à-dire ceux qui ont exigé le départ de Blatter (et qui pensent déjà à le remplacer d’ici décembre ou janvier prochains) n’abordent jamais cette question du contrôle extérieur de la Fifa…

Il a donc fallu que la justice étasunienne se mêle de cette affaire pour que les choses s’accélèrent. Officiellement, la procédure est partie du redressement fiscal de Chuck Blazer, un ancien haut-cadre de la Fifa. C’est en tirant les fils du sac de nœuds que les très puissants et peu connus services de l’Internal Revenue Service (IRS, organisme américain qui collecte l’impôt) ainsi que ceux du FBI se seraient intéressés aux magouilles et combines au sein de la Fifa, notamment lors des processus d’attribution de l’organisation de la Coupe du monde. Bien entendu, on est en droit de se demander si la Fifa de Blatter n’a pas commis une erreur majeure en préférant attribuer les épreuves de 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar plutôt qu’aux Etats-Unis et à l’Angleterre…

On peut aussi se dire que Michael Garcia, l’ancien procureur fédéral américain qui a enquêté, à la demande de la Fifa ( !), sur les conditions d’octroi de ces deux compétitions, a peut-être rencardé ses amis de la justice. Faute de n’avoir pu pousser en avant ses investigations et ulcéré par la mise au tiroir de son rapport, l’homme a démissionné en décembre 2014 de son poste de président de la chambre d’enquête de la commission d’éthique de l’organisation. A ce sujet, on attend maintenant que les contempteurs de Blatter, parmi lesquels Michel Platini, s’engagent à ce que ce rapport soit publié au plus vite et dans son intégralité. S’il reste caché, alors cela signifiera que rien n’a changé et que l’opacité reste de règle au sein de la Fifa.

Mais, au-delà des véritables motivations de la justice américaine, ce qu’il y a d’important c’est de noter que cette dernière peut désormais agir n’importe où dans le monde. En effet, ce qui lui permet d’agir dans ce scandale c’est, entre autre, le fait que les « conjurés » ont utilisé des moyens informatiques – en gros, les messageries internet – mis à disposition par des entreprises américaines. Pour simplifier, le seul fait d’utiliser une adresse internet d’un fournisseur d’accès américain expose à des poursuites venues d’outre-Atlantique et cela même si l’on n’a jamais mis les pieds aux Etats-Unis. En ce sens, l’affaire de la Fifa risque de constituer un précédent important : personne n’est à l’abri de la justice de l’Empire…

Mais revenons à la Fifa. Cette organisation est à l’image de ce que sont devenus les sports populaires. De l’argent, encore de l’argent, toujours  plus d’argent. Le foot, celui que l’on aime, n’est plus qu’un prétexte pour que les milliards de dollars s’ajoutent aux milliards de dollars.  La Fifa, comme d’ailleurs l’Uefa (l’union des fédérations européennes), peuvent bien clamer qu’elles contribuent au développement ou qu’elles luttent contre la pauvreté ou le racisme. La réalité est qu’elles sont obnubilées par l’argent. Cela engendre un gigantisme croissant (à quoi rime vraiment une Coupe du monde avec 32 équipes ?) qui finira tôt ou tard par lasser les gens. Si cela continue ainsi, qui peut jurer que le football sera encore le sport-roi dans vingt ans ?

En attendant les prochaines révélations qui ne vont sûrement pas manquer de tomber (on guettera avec attention celles qui concerneront les fédérations africaines, véritables repères de canailles notoires…), on peut toujours réécouter « La vida es una tombola » (la vie est une tombola), une chanson de Manu Chao dédiée à Diego Maradona. Dans l’un des couplets, le chanteur au bonnet andin a ces paroles : « Si yo fuera Maradona saldría en mondovision para gritarle a la FIFA ¡Que ellos son el gran ladrón! » autrement dit (traduction simplifiée) : « si j’étais Maradona, j’affirmerais en mondovision que la Fifa est une grande voleuse ». Comme l’avait fait feu le grand joueur brésilien Socrates en 1986 avant d’être (fermement) rappelé à l’ordre et comme le dit aujourd’hui le brésilien Romario, devenu député. L’affaire est entendue : Fifa rime toujours avec mafia.
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