Le Quotidien d’Oran, mercredi 7 juin 2017
Akram Belkaïd, Paris
La décision du président Donald Trump de retirer son pays de
l’accord de Paris sur le climat n’est pas une surprise. Cela faisait partie de
son projet électoral et nombre de ses déboires depuis son investiture
(plusieurs de ses projets de loi ont été rejetés ou bloqués) expliquent qu’il
veuille à tout prix garder un semblant d’initiative politique. Il est encore
trop tôt pour évaluer les conséquences de ce retrait par rapport à un texte qui
n’entrera en vigueur qu’en 2020, c’est-à-dire l’année électorale où Trump
remettra en jeu son mandat. Pour autant, l’un des grands enseignements de cette
affaire est la position en pointe de la Chine.
Engagement chinois
Outre le fait que ses dirigeants ont fait part de leur
déception et de leur préoccupation face au retrait annoncé des Américains, la
Chine fait partie de ces pays qui ont l’intention de soutenir l’accord de Paris.
Il y a plusieurs raisons à cela. La première est d’ordre institutionnel. Depuis
des décennies, Pékin est un fervent défenseur du multilatéralisme. Un accord
signé par plusieurs pays au sein d’une instance internationale vaut plus pour
les dirigeants chinois que des engagements bilatéraux qui excluraient les plus
faibles ou les moins influents.
La seconde raison est d’ordre environnemental. Pour qui a
voyagé en Chine, notamment dans les villes du littoral, il est évident que ce
pays bat des records de pollution. De manière récurrente, des scandales
éclatent, liés à la qualité de l’air ou de l’eau, à l’alimentation ou au
respect de la nature. Cela fait plusieurs années que le problème a été
identifié par le PC chinois et assimilé à une vraie menace interne ne serait-ce
que parce qu’elle peut aggraver les tensions sociales et amplifier le phénomène
des migrations intra-régionales.
La troisième raison est économique. Talonnant les Etats Unis
en termes de leadership économique mondial, la Chine entend être le numéro des
énergies renouvelables et des technologies propres. Il suffit de voir quel
impact a ce pays sur le marché des panneaux et composants solaires pour prendre
la mesure de cette ambition. Pour les dirigeants chinois il ne s’agit pas
simplement d’une compétition avec le rival américain. C’est un enseignement
qu’ils tirent du passé et qui conditionne les projets de leur pays.
Tournant stratégique
On dit souvent que la Chine s’éveille depuis le début des
années 1980 comme si ce pays n’avait jamais connu de période faste. Or, depuis
la fin de l’Antiquité, et la chose est peu souvent relevée, l’ex-Empire du
milieu a presque toujours été la première économie mondiale, loin devant
l’Europe ou le monde méditerranéen. Et c’est parce que la Chine a raté, pour
diverses raisons, le grand tournant de la révolution industrielle, qu’elle a
connu le déclin durant le dix-neuvième siècle et une bonne partie du vingtième
siècle. Autrement dit, Pékin ne veut pas cette fois rater le grand tournant
stratégique du vingtième siècle. Ses dirigeants savent que les pays qui
maîtriseront les nouvelles technologies, les énergies renouvelables et les
industries qui les accompagnent seront à la pointe de l’économie planétaire.
L’Histoire dira peut-être un jour si Donald Trump n’a pas entériné le déclin de
l’Amérique en décidant de se retirer de l’accord de Paris.
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