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Scène une : Tunis, l'aéroport, zone sous-douane, salle 51. L'embarquement du vol 720 pour Orly-sud va bientôt commencer. Un petit garçon ne cesse de courir entre les rangées de sièges en métal. Parfois, sans pourtant se lever, sa mère, téléphone à l'oreille, lui demande de se calmer et de revenir s'asseoir à côté d'elle. Mais l'entend-il ? Il continue de plus belle, se met parfois à hurler sans raison apparente avant de reprendre ses slaloms. Le voilà qui se jette à terre, se roulant sur le dos, se tenant la cheville à l'image d'un footballeur italien qui cherche à perdre du temps à quelques minutes avant la fin du match. Une femme, européenne, la trentaine, tenue et hâle de "trekkeuse" l'aide à se relever. Le bambin est tout étonné. Elle plaque son index sur sa joue et lui dit "tu me fais un bisou ?". Il crie et lui met une claque aussi soudaine que sonore. Les spectateurs qui n'ont rien raté de la scène éclatent de rire. La mère, elle, continue de téléphone tandis que le morveux reprend sa course.
Scène deux : Dans l'avion, quelques minutes avant l'atterrissage. Une hôtesse fait les dernières vérifications. Elle s'arrête au niveau de l'une des issues de secours. "Monsieur, je vous ai dit qu'il ne fallait pas mettre votre bagage par terre. C'est une consigne de sécurité. Il faut dégager le passage". Le mis en cause lui jette un regard noir et grommelle un "chnouwa dégage ?" menaçant. Son voisin lui explique que ça n'a rien à voir avec le 14 janvier...
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Blog au fil des jours, quand la chose et l'écriture sont possibles.
Lignes quotidiennes
lundi 31 octobre 2011
dimanche 30 octobre 2011
Pluies à Tunis
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Pluies sur Tunis. Ininterrompues depuis la nuit.
De quoi, peut-être ramener un peu plus de sérénité.
En attendant les prochaines joutes politiciennes.
Quant aux journalistes qui couvrent encore la situation politique, et dont je fais partie, ils sont tout simplement épuisés...
Il va falloir se refaire une santé et repartir à l'assaut des news, des interviews, des analyses et des micros-trottoir...
Quel métier...
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Pluies sur Tunis. Ininterrompues depuis la nuit.
De quoi, peut-être ramener un peu plus de sérénité.
En attendant les prochaines joutes politiciennes.
Quant aux journalistes qui couvrent encore la situation politique, et dont je fais partie, ils sont tout simplement épuisés...
Il va falloir se refaire une santé et repartir à l'assaut des news, des interviews, des analyses et des micros-trottoir...
Quel métier...
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samedi 29 octobre 2011
Tunisie : l'enjeu vital de l'éducation
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Temps gris et incertain sur Tunis et sa banlieue. Parfois, la météo fait écho à la réalité politique. Depuis la proclamation du "résultat final provisoire", il n'est plus question que des alliances possibles entre Ennahda et les autres formations dont Le Congrès pour la république (CPR) et Ettakatol.
Les analyses et hypothèses semblent aussi nombreuses que les électrices et les électeurs. Les uns espèrent que la future Constitution sera un texte neutre et non partisan. Les autres craignent que les islamistes ne pèsent pour que ce texte fondamental ne soit fortement imprégné par la religion.
En attendant, Ennahda commence à avancer ses pions. Sa revendication sur le futur gouvernement concerne notamment l'éducation et la culture, deux secteurs qui font la spécificité - on dira aussi la singularité - de la Tunisie. Il est étonnant à ce sujet de ne pas entendre les protestations de la "société civile" porter sur ces points. Au lieu de continuer à pleurer sur le résultat des élections, à évoquer les hypothèses d'un départ ou encore d'oser émettre des souhaits, plus ou moins assumés d'un retour à l'ordre musclé, ces démocrates de la vingt-cinquième heure, feraient mieux de défendre l'école tunisienne, c'est à dire défendre l'avenir de leur pays et de leurs enfants.
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Temps gris et incertain sur Tunis et sa banlieue. Parfois, la météo fait écho à la réalité politique. Depuis la proclamation du "résultat final provisoire", il n'est plus question que des alliances possibles entre Ennahda et les autres formations dont Le Congrès pour la république (CPR) et Ettakatol.
Les analyses et hypothèses semblent aussi nombreuses que les électrices et les électeurs. Les uns espèrent que la future Constitution sera un texte neutre et non partisan. Les autres craignent que les islamistes ne pèsent pour que ce texte fondamental ne soit fortement imprégné par la religion.
En attendant, Ennahda commence à avancer ses pions. Sa revendication sur le futur gouvernement concerne notamment l'éducation et la culture, deux secteurs qui font la spécificité - on dira aussi la singularité - de la Tunisie. Il est étonnant à ce sujet de ne pas entendre les protestations de la "société civile" porter sur ces points. Au lieu de continuer à pleurer sur le résultat des élections, à évoquer les hypothèses d'un départ ou encore d'oser émettre des souhaits, plus ou moins assumés d'un retour à l'ordre musclé, ces démocrates de la vingt-cinquième heure, feraient mieux de défendre l'école tunisienne, c'est à dire défendre l'avenir de leur pays et de leurs enfants.
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vendredi 28 octobre 2011
Affaire Hachmi El Hamdi : Entendu sur la radio tunisienne
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Entendu sur une radio tunisienne ce dialogue suivant entre une journaliste et l'un des élus de la désormais fameuse liste de H. Hamdi
"- Monsieur, votre leader Hamdi a dit qu'il retirait ses listes. Allez vous le suivre et ne pas siéger à la constituante ?
- Heu.. Ecoutez, lui c'est lui, moi c'est moi. Donc, je sus libre et il n'est pas question pour moi de me retirer. Son appel au retrait est une incitation à la fitna. Moi, je suis un élu du peuple donc je reste."
On ne saurait être plus clair...
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Entendu sur une radio tunisienne ce dialogue suivant entre une journaliste et l'un des élus de la désormais fameuse liste de H. Hamdi
"- Monsieur, votre leader Hamdi a dit qu'il retirait ses listes. Allez vous le suivre et ne pas siéger à la constituante ?
- Heu.. Ecoutez, lui c'est lui, moi c'est moi. Donc, je sus libre et il n'est pas question pour moi de me retirer. Son appel au retrait est une incitation à la fitna. Moi, je suis un élu du peuple donc je reste."
On ne saurait être plus clair...
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jeudi 27 octobre 2011
La chronique du blédard : Un Aïd tunisien
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J'écris ces lignes le lundi 24 octobre alors que la nuit, et avec elle une fraîcheur soudaine, tombent sur l'avenue Bourguiba de Tunis. Comme toujours, je suis surpris par la rapidité avec laquelle l'obscurité enveloppe la ville. Le phénomène est le même à Alger, Rabat ou Le Caire. Peut-être est-ce dû à la faiblesse de l'éclairage public. Rien à voir avec celui des villes d'Europe ou d'Amérique du nord dont la vigueur permet de mieux lutter contre cet inévitable, et parfois oppressant, coup de blues propre à ces minutes entre chien et loup.
J'écris donc ces lignes alors que le concert, ou plutôt le vacarme, des étourneaux ne semble pas vouloir s'arrêter. Il paraît qu'ils socialisent, se racontent leur journée et échangent des informations, tout comme ces hommes et ces femmes qui, tout autour de moi, évoquent leur journée de la veille, leur vote, leur joie et, désormais, leur inquiétude. Moi aussi, je repense à ce dimanche 23 octobre, jour de fête en Tunisie et, n'ayons pas peur de le dire, pour le Maghreb et le monde arabe.
C'est beau et magique un peuple qui se déplace en masse pour voter surtout quand on sait que sa voix n'a jamais compté durant cette période de fer et d'humiliation où les urnes étaient pleines et le résultat électoral stalinien fixé avant même l'ouverture du scrutin. Prends ça dans la gueule Ben Ali. Prenez ça dans la gueule dictateurs arabes, présidents à vie et monarques absolus, pour qui vos peuples ne sont rien d'autre qu'une foule de sujets, sans droits ni dignité. Prenez ça dans la gueule vous tous qui, en Europe ou ailleurs, ne cessaient d'expliquer, pour mieux excuser Ben Ali, que le peuple tunisien n'était pas mûr pour des élections libres.
Je fais une pause et je relis mes notes, cherchant à revivre un peu le sentiment d'allégresse ressenti à la vue de ces longues files devant les bureaux de vote. Au nord comme au centre ou au sud de la capitale, le même spectacle impressionnant. Des heures d'attente, parfois sous un soleil de plomb, pour aller cocher une simple case dans un bulletin destiné à désigner la future Assemblée constituante. Certes, la démocratie est loin d'être installée dans ce pays mais ces heures passées à arpenter les bureaux de vote, à ne rencontrer que sourires et satisfaction resteront à jamais gravées dans ma mémoire. Dans ces instants, le journalisme, cette couverture de l'histoire immédiate qui permet d'aller à la rencontre des autres, est certainement le plus beau métier du monde. Et quel bonheur que de pouvoir interviewer n'importe quel Tunisien sans lire la crainte dans ses yeux et sans peur de se faire embarquer.
Bien sûr, l'actualité n'attend pas. Le vote est terminé, l'encre sur les index gauches est en train de disparaître et voilà que l'on parle déjà des incertitudes du lendemain, de la victoire des islamo-conservateurs d'Ennahda, des irrégularités constatées ici et là et de la proclamation des résultats définitifs qui risquent fort de tarder. La ville n'est que rumeurs et informations contradictoires. Les confrères courent après l'info, cherchent à savoir qui va faire alliance avec qui mais moi, en cette heure de pointe où les phares des automobiles donnent une allure inquiétante aux passants, je préfère me cramponner à mes impressions de la veille.
Voici décrite une scène qui résume à elle seule ce que fut cette journée historique. Cela se passe dans un bureau de vote de Hay Ettadhamoun, un quartier populeux, au sud de la capitale. Un homme, la trentaine, se présente sans sa carte d'identité. Il exhibe son passeport et la photocopie de la dite carte. «Je l'ai perdue ce matin» explique-t-il au responsable du bureau qui refuse de le laisser voter. «La loi est claire, pas de carte d'identité, pas de vote». Le ton monte, le chef du bureau menace d'appeler les hommes de la garde nationale ainsi que les militaires postés à proximité. L'autre cède, les larmes aux yeux. Je lui demande pour qui il aurait voté. «Ettakatol. Un jour historique comme celui-ci et moi on m'empêche de voter» souffle-t-il la gorge nouée.
Le serveur dépose une limonade locale sur ma table. Je souris en lisant le message publicitaire qui orne le soda. « Think tounsi». Pense tunisien. Il est évident que cela devra être le cas durant les prochaines semaines. Depuis la fuite de Ben Ali, les Tunisiens ont accompli un quasi-sans fautes mais, désormais, les défis sont encore plus grands. Il leur faudra préserver la paix civile et faire mentir ces médias français qui font monter la tension avec leurs commentaires à deux sous à l'image de ce « Après Ben Ali, le Coran», entendu sur une radio parisienne. De la stupidité à l'état pur. De l'irresponsabilité aussi. Les médias français, France 24 en tête, jouent à «barbus, faites nous peur». Ils ignorent, ou feignent d'ignorer, que leurs analyses et commentaires ont un impact direct sur le moral des millions de Tunisiens très attentifs à ce qui se dit sur eux au nord de la Méditerranée.
Mais, je m'emporte. Je m'en retourne donc à la veille. Dimanche 23 octobre a été une belle journée. Un Aïd tunisien où, comme c'est souvent le cas lorsque j'aborde les questions du Printemps arabe, j'ai pensé à plusieurs reprises à ce pauvre vendeur ambulant de Sidi Bouzid dont l'immolation par le feu a provoqué maints bouleversements. De là où il est, je suis sûr que Mohamed Bouazizi a contemplé, heureux, son peuple aller pour la première fois librement vers les urnes. En cela, lui aussi a partagé ce grand moment tunisien qui restera dans les mémoires et cela quelle que soit la suite des évènements.
Le Quotidien d'Oran, jeudi 27 octobre 2011
Akram Belkaïd, Tunis
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J'écris ces lignes le lundi 24 octobre alors que la nuit, et avec elle une fraîcheur soudaine, tombent sur l'avenue Bourguiba de Tunis. Comme toujours, je suis surpris par la rapidité avec laquelle l'obscurité enveloppe la ville. Le phénomène est le même à Alger, Rabat ou Le Caire. Peut-être est-ce dû à la faiblesse de l'éclairage public. Rien à voir avec celui des villes d'Europe ou d'Amérique du nord dont la vigueur permet de mieux lutter contre cet inévitable, et parfois oppressant, coup de blues propre à ces minutes entre chien et loup.
J'écris donc ces lignes alors que le concert, ou plutôt le vacarme, des étourneaux ne semble pas vouloir s'arrêter. Il paraît qu'ils socialisent, se racontent leur journée et échangent des informations, tout comme ces hommes et ces femmes qui, tout autour de moi, évoquent leur journée de la veille, leur vote, leur joie et, désormais, leur inquiétude. Moi aussi, je repense à ce dimanche 23 octobre, jour de fête en Tunisie et, n'ayons pas peur de le dire, pour le Maghreb et le monde arabe.
C'est beau et magique un peuple qui se déplace en masse pour voter surtout quand on sait que sa voix n'a jamais compté durant cette période de fer et d'humiliation où les urnes étaient pleines et le résultat électoral stalinien fixé avant même l'ouverture du scrutin. Prends ça dans la gueule Ben Ali. Prenez ça dans la gueule dictateurs arabes, présidents à vie et monarques absolus, pour qui vos peuples ne sont rien d'autre qu'une foule de sujets, sans droits ni dignité. Prenez ça dans la gueule vous tous qui, en Europe ou ailleurs, ne cessaient d'expliquer, pour mieux excuser Ben Ali, que le peuple tunisien n'était pas mûr pour des élections libres.
Je fais une pause et je relis mes notes, cherchant à revivre un peu le sentiment d'allégresse ressenti à la vue de ces longues files devant les bureaux de vote. Au nord comme au centre ou au sud de la capitale, le même spectacle impressionnant. Des heures d'attente, parfois sous un soleil de plomb, pour aller cocher une simple case dans un bulletin destiné à désigner la future Assemblée constituante. Certes, la démocratie est loin d'être installée dans ce pays mais ces heures passées à arpenter les bureaux de vote, à ne rencontrer que sourires et satisfaction resteront à jamais gravées dans ma mémoire. Dans ces instants, le journalisme, cette couverture de l'histoire immédiate qui permet d'aller à la rencontre des autres, est certainement le plus beau métier du monde. Et quel bonheur que de pouvoir interviewer n'importe quel Tunisien sans lire la crainte dans ses yeux et sans peur de se faire embarquer.
Bien sûr, l'actualité n'attend pas. Le vote est terminé, l'encre sur les index gauches est en train de disparaître et voilà que l'on parle déjà des incertitudes du lendemain, de la victoire des islamo-conservateurs d'Ennahda, des irrégularités constatées ici et là et de la proclamation des résultats définitifs qui risquent fort de tarder. La ville n'est que rumeurs et informations contradictoires. Les confrères courent après l'info, cherchent à savoir qui va faire alliance avec qui mais moi, en cette heure de pointe où les phares des automobiles donnent une allure inquiétante aux passants, je préfère me cramponner à mes impressions de la veille.
Voici décrite une scène qui résume à elle seule ce que fut cette journée historique. Cela se passe dans un bureau de vote de Hay Ettadhamoun, un quartier populeux, au sud de la capitale. Un homme, la trentaine, se présente sans sa carte d'identité. Il exhibe son passeport et la photocopie de la dite carte. «Je l'ai perdue ce matin» explique-t-il au responsable du bureau qui refuse de le laisser voter. «La loi est claire, pas de carte d'identité, pas de vote». Le ton monte, le chef du bureau menace d'appeler les hommes de la garde nationale ainsi que les militaires postés à proximité. L'autre cède, les larmes aux yeux. Je lui demande pour qui il aurait voté. «Ettakatol. Un jour historique comme celui-ci et moi on m'empêche de voter» souffle-t-il la gorge nouée.
Le serveur dépose une limonade locale sur ma table. Je souris en lisant le message publicitaire qui orne le soda. « Think tounsi». Pense tunisien. Il est évident que cela devra être le cas durant les prochaines semaines. Depuis la fuite de Ben Ali, les Tunisiens ont accompli un quasi-sans fautes mais, désormais, les défis sont encore plus grands. Il leur faudra préserver la paix civile et faire mentir ces médias français qui font monter la tension avec leurs commentaires à deux sous à l'image de ce « Après Ben Ali, le Coran», entendu sur une radio parisienne. De la stupidité à l'état pur. De l'irresponsabilité aussi. Les médias français, France 24 en tête, jouent à «barbus, faites nous peur». Ils ignorent, ou feignent d'ignorer, que leurs analyses et commentaires ont un impact direct sur le moral des millions de Tunisiens très attentifs à ce qui se dit sur eux au nord de la Méditerranée.
Mais, je m'emporte. Je m'en retourne donc à la veille. Dimanche 23 octobre a été une belle journée. Un Aïd tunisien où, comme c'est souvent le cas lorsque j'aborde les questions du Printemps arabe, j'ai pensé à plusieurs reprises à ce pauvre vendeur ambulant de Sidi Bouzid dont l'immolation par le feu a provoqué maints bouleversements. De là où il est, je suis sûr que Mohamed Bouazizi a contemplé, heureux, son peuple aller pour la première fois librement vers les urnes. En cela, lui aussi a partagé ce grand moment tunisien qui restera dans les mémoires et cela quelle que soit la suite des évènements.
Le Quotidien d'Oran, jeudi 27 octobre 2011
Akram Belkaïd, Tunis
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La chronique du blédard : L'euromed, la démocratie et la troisième voie
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Il y avait bien longtemps, c'est-à-dire plusieurs mois, ce qui est beaucoup pour un journaliste, que je n'avais assisté à une conférence sur les relations euro-méditerranéennes. C'est chose faite depuis la semaine dernière après deux jours passés à Marseille pour assister au Forum éponyme (organisé notamment par le think-tank euro-arabe Capmena qui a eu la bonne idée d'élargir les débats aux pays du Golfe). L'occasion m'a été donnée de vérifier si les choses avaient changé sous le ciel des rencontres entre gens d'affaires des deux rives de la Méditerranée à l'aune des bouleversements que l'on sait.
Commençons d'ailleurs par cela. Banquiers, consultants, chefs d'entreprises, ministres ou parlementaires avaient tous le « Printemps arabe » à la bouche. C'est devenu une réalité incontournable qui structure les discours et les raisonnements y compris lorsqu'il s'agit de gens de la péninsule arabique venus vanter « the vision éclairée » de leurs monarques respectifs. L'aspiration au changement démocratique que ressentent les peuples du sud et de l'est de la Méditerranée n'est plus un tabou, c'est même devenu un élément de langage. En l'évoquant, aucun intervenant n'a usé des habituelles précautions oratoires dues à la peur d'éprouver quelques ennuis lors du retour au pays (signalons au passage qu'il n'y avait pas de Syriens présents à Marseille…).
Le discours a donc changé, du moins en partie. Il suffit que je m'en retourne à mes notes prises durant l'année 2010, y compris en décembre de cette même année, pour le vérifier. De quoi nous parlait-on alors ? Surtout, de quoi ne nous parlait-on pas ? La démocratie, le « droit des peuples à tous les droits » à commencer par celui du droit à la dignité – et sans oublier les autres (liberté, propriété, liberté d'expression, santé, éducation,…) – tout cela était interdit de cité. Les enjeux étaient présentés autrement : d'abord, expliquait-on avec une belle hypocrisie, il fallait faire confiance à l'économie. C'est elle qui, permettant l'émergence de classes moyennes, devait permettre à terme (plutôt long que court) l'émergence de la démocratie. Ensuite, on nous martelait que les pays du Sud devaient s'engager dans toujours plus de réformes libérales afin d'attirer les investisseurs étrangers, indispensables créateurs d'emplois. Tout cela pour, but final, contenir la grande menace islamiste chère à Ben Ali et Moubarak.
A Marseille, heureuse surprise, ce genre de discours n'a pas été tenu. Mieux, les interlocuteurs ont tous convenu de l'importance du défi social. Le propos a été clair : L'emploi, l'emploi et l'emploi afin de mieux aider la précieuse transition démocratique et empêcher toute régression. Les temps ont changé et la capacité d'adaptation des milieux d'affaires quels qu'ils soient, du nord comme du sud, est toujours aussi impressionnante... A les entendre parler du Printemps arabe, de ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte, ou ailleurs, on peut même avoir l'impression qu'ils en sont les géniteurs ou, tout du moins, qu'ils ont contribué de manière décisive à ce que chutent les régimes dictatoriaux…
Mais on continue tout de même de subir d'autres vieux discours. Voici un premier exemple en rappelant d'abord la situation mondiale. L'Europe, on le sait, est en pleine déconfiture, ses économies étant à la recherche désespérée de relais de croissance quand, au même moment, les pays émergents font des étincelles. C'est pourquoi il est toujours aussi surprenant, pour ne pas dire ahurissant, d'entendre des gens du sud et de l'est de la Méditerranée s'échiner à convaincre leurs homologues du nord que leurs pays sont la solution pour une Europe menacée par le déclin économique. « Prêtez-nous attention. Ne cherchez pas uniquement à nous vendre vos breloques. Venez investir chez nous dans la durée, créez des emplois, vous ne le regretterez pas, cela vous donnera une assise mondiale pour faire face à la Chine et aux Etats-Unis » répètent les premiers.
«Ouais, ouais, faudrait voir. Faites encore plus d'efforts. On veut bien venir chez vous mais on veut être sûrs de ne pas avoir de mauvaises surprises. Mais en attendant, n'oubliez pas que nos produits sont bien meilleurs que ceux des Chinois » chicanent les seconds en oubliant que leur pantalon élimé menace de laisser leur arrière-train à l'air libre...
Etrange situation où le poids du rapport de force en vigueur au cours des deux siècles derniers continue encore à peser. Il est pourtant une règle que les pays du Sud devraient méditer : on ne fait jamais le bonheur de quelqu'un, d'un pays ou d'un continent, contre son gré. Si l'Europe continue de faire la mijaurée, si elle continue à croire que les termes de l'échange ne doivent reposer que sur le commerce et le statu quo, alors il y a urgence pour que les pays du Sud commencent à regarder ailleurs à commencer par une meilleure intégration régionale. N'ayez crainte, je ne vais pas aborder de nouveau la question de ce désespérant non-Maghreb qui « n'en finit pas de ne pas se faire » pour reprendre une expression entendue dans le Palais de l'ancienne Bourse de Marseille.
Pourtant, une partie de la solution est bien là, n'en déplaise aux pouvoirs algérien et marocain qui sont persuadés que leurs pays peuvent s'en sortir seuls. Deuxième exemple de discours persistant. Nombreux sont ceux qui, du Nord comme (hélas) du Sud, continuent à expliquer que la solution, pour les pays du sud et de l'est de la Méditerranée, consiste à bien appliquer les bonnes vieilles recettes libérales. Moins d'Etat, moins d'impôts, moins de régulation… Nombreux sont ceux qui persistent aussi à expliquer qu'hors les partenariats publics-privés (PPP), il n'y aura point d'emplois oubliant au passage de préciser que quand l'Etat et ses institutions de contrôle et de régulation sont faibles ou même inexistants (cas le plus répandu au sud de la Méditerranée), ces PPP équivalent, au mieux, à des privatisations bradées.
La crise financière internationale, les dégâts mondiaux occasionnés par trois décennies de dérégulation inconsidérée, la faillite des potions monétaristes et des politiques basées sur l'incitation à l'endettement au détriment des salaires, tout cela oblige à penser d'autres solutions et à refuser de reproduire bêtement toutes celles qui ont mené à des impasses, dirigisme compris. Cela s'appelle la troisième voie, toujours difficile à trouver mais pas impossible à imaginer surtout quand l'urgence du moment le commande.
Le Quotidien d'Oran, jeudi 20 octobre 2011
Akram Belkaïd, Paris
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Il y avait bien longtemps, c'est-à-dire plusieurs mois, ce qui est beaucoup pour un journaliste, que je n'avais assisté à une conférence sur les relations euro-méditerranéennes. C'est chose faite depuis la semaine dernière après deux jours passés à Marseille pour assister au Forum éponyme (organisé notamment par le think-tank euro-arabe Capmena qui a eu la bonne idée d'élargir les débats aux pays du Golfe). L'occasion m'a été donnée de vérifier si les choses avaient changé sous le ciel des rencontres entre gens d'affaires des deux rives de la Méditerranée à l'aune des bouleversements que l'on sait.
Commençons d'ailleurs par cela. Banquiers, consultants, chefs d'entreprises, ministres ou parlementaires avaient tous le « Printemps arabe » à la bouche. C'est devenu une réalité incontournable qui structure les discours et les raisonnements y compris lorsqu'il s'agit de gens de la péninsule arabique venus vanter « the vision éclairée » de leurs monarques respectifs. L'aspiration au changement démocratique que ressentent les peuples du sud et de l'est de la Méditerranée n'est plus un tabou, c'est même devenu un élément de langage. En l'évoquant, aucun intervenant n'a usé des habituelles précautions oratoires dues à la peur d'éprouver quelques ennuis lors du retour au pays (signalons au passage qu'il n'y avait pas de Syriens présents à Marseille…).
Le discours a donc changé, du moins en partie. Il suffit que je m'en retourne à mes notes prises durant l'année 2010, y compris en décembre de cette même année, pour le vérifier. De quoi nous parlait-on alors ? Surtout, de quoi ne nous parlait-on pas ? La démocratie, le « droit des peuples à tous les droits » à commencer par celui du droit à la dignité – et sans oublier les autres (liberté, propriété, liberté d'expression, santé, éducation,…) – tout cela était interdit de cité. Les enjeux étaient présentés autrement : d'abord, expliquait-on avec une belle hypocrisie, il fallait faire confiance à l'économie. C'est elle qui, permettant l'émergence de classes moyennes, devait permettre à terme (plutôt long que court) l'émergence de la démocratie. Ensuite, on nous martelait que les pays du Sud devaient s'engager dans toujours plus de réformes libérales afin d'attirer les investisseurs étrangers, indispensables créateurs d'emplois. Tout cela pour, but final, contenir la grande menace islamiste chère à Ben Ali et Moubarak.
A Marseille, heureuse surprise, ce genre de discours n'a pas été tenu. Mieux, les interlocuteurs ont tous convenu de l'importance du défi social. Le propos a été clair : L'emploi, l'emploi et l'emploi afin de mieux aider la précieuse transition démocratique et empêcher toute régression. Les temps ont changé et la capacité d'adaptation des milieux d'affaires quels qu'ils soient, du nord comme du sud, est toujours aussi impressionnante... A les entendre parler du Printemps arabe, de ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte, ou ailleurs, on peut même avoir l'impression qu'ils en sont les géniteurs ou, tout du moins, qu'ils ont contribué de manière décisive à ce que chutent les régimes dictatoriaux…
Mais on continue tout de même de subir d'autres vieux discours. Voici un premier exemple en rappelant d'abord la situation mondiale. L'Europe, on le sait, est en pleine déconfiture, ses économies étant à la recherche désespérée de relais de croissance quand, au même moment, les pays émergents font des étincelles. C'est pourquoi il est toujours aussi surprenant, pour ne pas dire ahurissant, d'entendre des gens du sud et de l'est de la Méditerranée s'échiner à convaincre leurs homologues du nord que leurs pays sont la solution pour une Europe menacée par le déclin économique. « Prêtez-nous attention. Ne cherchez pas uniquement à nous vendre vos breloques. Venez investir chez nous dans la durée, créez des emplois, vous ne le regretterez pas, cela vous donnera une assise mondiale pour faire face à la Chine et aux Etats-Unis » répètent les premiers.
«Ouais, ouais, faudrait voir. Faites encore plus d'efforts. On veut bien venir chez vous mais on veut être sûrs de ne pas avoir de mauvaises surprises. Mais en attendant, n'oubliez pas que nos produits sont bien meilleurs que ceux des Chinois » chicanent les seconds en oubliant que leur pantalon élimé menace de laisser leur arrière-train à l'air libre...
Etrange situation où le poids du rapport de force en vigueur au cours des deux siècles derniers continue encore à peser. Il est pourtant une règle que les pays du Sud devraient méditer : on ne fait jamais le bonheur de quelqu'un, d'un pays ou d'un continent, contre son gré. Si l'Europe continue de faire la mijaurée, si elle continue à croire que les termes de l'échange ne doivent reposer que sur le commerce et le statu quo, alors il y a urgence pour que les pays du Sud commencent à regarder ailleurs à commencer par une meilleure intégration régionale. N'ayez crainte, je ne vais pas aborder de nouveau la question de ce désespérant non-Maghreb qui « n'en finit pas de ne pas se faire » pour reprendre une expression entendue dans le Palais de l'ancienne Bourse de Marseille.
Pourtant, une partie de la solution est bien là, n'en déplaise aux pouvoirs algérien et marocain qui sont persuadés que leurs pays peuvent s'en sortir seuls. Deuxième exemple de discours persistant. Nombreux sont ceux qui, du Nord comme (hélas) du Sud, continuent à expliquer que la solution, pour les pays du sud et de l'est de la Méditerranée, consiste à bien appliquer les bonnes vieilles recettes libérales. Moins d'Etat, moins d'impôts, moins de régulation… Nombreux sont ceux qui persistent aussi à expliquer qu'hors les partenariats publics-privés (PPP), il n'y aura point d'emplois oubliant au passage de préciser que quand l'Etat et ses institutions de contrôle et de régulation sont faibles ou même inexistants (cas le plus répandu au sud de la Méditerranée), ces PPP équivalent, au mieux, à des privatisations bradées.
La crise financière internationale, les dégâts mondiaux occasionnés par trois décennies de dérégulation inconsidérée, la faillite des potions monétaristes et des politiques basées sur l'incitation à l'endettement au détriment des salaires, tout cela oblige à penser d'autres solutions et à refuser de reproduire bêtement toutes celles qui ont mené à des impasses, dirigisme compris. Cela s'appelle la troisième voie, toujours difficile à trouver mais pas impossible à imaginer surtout quand l'urgence du moment le commande.
Le Quotidien d'Oran, jeudi 20 octobre 2011
Akram Belkaïd, Paris
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mardi 25 octobre 2011
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L'une des idées développées dans mon livre Etre Arabe Aujourd'hui :
En janvier 2011, ceux qui ont décrété le caractère "post-islamiste" des révolutions sont trop vite allés en besogne. L'histoire nous montre, à travers les cas iranien et algérien, que les islamistes ne sont jamais en première ligne pendant les premières heures de la révolution. Ce n'est qu'ensuite qu'ils ramassent la mise...
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L'une des idées développées dans mon livre Etre Arabe Aujourd'hui :
En janvier 2011, ceux qui ont décrété le caractère "post-islamiste" des révolutions sont trop vite allés en besogne. L'histoire nous montre, à travers les cas iranien et algérien, que les islamistes ne sont jamais en première ligne pendant les premières heures de la révolution. Ce n'est qu'ensuite qu'ils ramassent la mise...
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lundi 24 octobre 2011
Exclu : le titre du futur livre de BHL
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Exclusivité de Lignes quotidiennes, le prochain livre de BHL, à paraître en novembre prochain, aura pour titre :
Moi, BHL, ou comment j'ai réintroduit la chariâ en Libye
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Exclusivité de Lignes quotidiennes, le prochain livre de BHL, à paraître en novembre prochain, aura pour titre :
Moi, BHL, ou comment j'ai réintroduit la chariâ en Libye
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samedi 22 octobre 2011
Tunisie : le PDM rocks !
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Il est bientôt dix-neuf heures à Tunis, quartier d’El-Menzah. Sous la coupole du Palais des sports, l’ambiance est à l’ébullition. Près de dix mille personnes se sont installée dans les gradins et sur les chaises du parterre pour assister au meeting de clôture du Pôle démocratique moderniste (PDM, Al-Qotb). Tout à l’heure, à minuit, la campagne électorale se terminera, offrant un samedi de «silence» aux électrices et aux électeurs pour faire leur choix en prévision du vote du dimanche 23 octobre. La salle et les vêtements sont aux couleurs du Pôle : étoile blanche sur fond noir. Drapeaux, fanions, bendirs, tambourins et applaudissements : l’ambiance est à la fois festive, rock n’roll et déterminée. «Al-Qotb ! Liberté ! Justice sociale !» scande l’assistance où les jeunes, femmes et hommes, sont nombreux. La sono crache quelques notes de hard-rock avant que l’on n’entende les couplets chantant la gloire du «Comandante Che Guevara». Les jeunes reprennent en chœur le «hasta siempre». D’abord interloqués, des journalistes italiens ont un large sourire presque attendri. Peut-être que cela leur rappelle des souvenirs, une époque de lutte et de poings levés qu’ils croyaient définitivement révolue… Puis viennent les vers d’Ahmed Fouad Nejm chantés par la voix du grand Cheikh Imam. «Quand le soleil se noie dans une mer de brume»… Un protest-song qui, dans les années 1970, avait entretenu la flamme de la résistance contre l’infitah de Sadate et la faillite du camp arabe.
Le meeting va bientôt commencer. Le Coupole est surchauffée. On se croirait à un derby local ou bien encore à l’un de ces fameux matchs de hand-ball ou de basket entre clubs maghrébins… Mais là point de chauvinisme. L’heure est à la mobilisation pour le scrutin du dimanche. On compte les rangs, on se serre les épaules, on chante et on danse. On s’époumone sur «samâa soutek» – fait entendre ta voix – l’hymne d’Al-Qotb qui est en passe de devenir un véritable tube national. Dans le carré réservé à la presse s’installent quelques personnalités dont l’écrivain Abdelwahab Meddeb. Grand moment d’émotion quand la sono diffuse les phrases rauques et rageuses prononcées par un Tunisien au soir du 14 janvier dans une rue de la capitale: «Peuple tunisien! Peuple tunisien! Le criminel s’est enfuit! Le criminel s’est enfuit! Ben Ali s’est enfuit!». Comment ne pas oublier ces mots? Ce courage? Puis viennent quelques extraits de chansons de feu Michael Jackson. «Who’s bad?», «They don’t care about us!». Le clin d’oeil est évident et la liesse atteint des sommets…
Voici enfin venir «l’ambianceur» qui, micro à la main, raconte son vote, la veille à Paris, son index marqué à l’encre indélébile et les gens «qui sortaient du bureau de vote en pleurant». Il rend hommage à quelques précurseurs de la Révolution parmi lesquels le poète Salah Garmadi, l’activiste Ahmed Ben Othman et l’homme politique Georges Adda. Et c’est le tour de Fadhel Moussa, tête de liste pour la circonscription de l’Ariana, dans la banlieue de Tunis. «Nous sommes Arabes, musulmans et républicains. Nous défendrons la liberté de croyance et de conscience et nous voulons un Etat civil», lance-t-il en rappellant au passage que le PDM est la seule formation à avoir appliqué la parité homme-femme aux têtes de liste. «On va gagner!» hurle ensuite Samir Bettaieb candidat du Pôle à Tunis-1. L’homme, très à l’aise devant un micro, délivre un message sans aucune ambiguïté – même s’il ne les nomme pas – aux islamistes d’Ennahda. «Nous lutterons contre les projets extérieurs qui ne veulent pas le bien de la Tunisie». Et de s’interroger: «Que peut-on attendre de ceux qui veulent exclure la moitié de la population ? De ceux qui veulent nous diviser entre croyants et incroyants ? Qui regardent du côté de l’Est, du Soudan, de l’Iran ou du Qatar ?». Et de lancer sous les acclamations : «Nous avons un projet tunisien ! Nous n’avons pas de problème d’identité ! Nous sommes Tunisiens!».
Les oreilles des Nahdaouis continuent de siffler quand Abdelaziz Belkhodja, autre figure du PDM, prend le micro. Le propos est sans équivoque. «Nous n’avons pas eu peur de Ben Ali. On ne va pas avoir peur de ceux qui nous menacent. Nous ne voulons plus de dictature. Ceux qui nous menacent doivent faire attention». L’applaudimètre s’affole ensuite quand la cinéaste Salma Baccar, candidate à Ben Arous, prend le micro. «Je n’ai besoin de personne pour savoir quel est mon identité» dit-elle sous les vivas. Puis vient le tour d’Ahmed Ibrahim, leader d’Ettajdid, l’une des composantes du PDM et tête de liste dans la circonscription Tunis-2. D’emblée, il affirme que l’étoile du PDM «est en train de monter tandis que celle des autres, ceux qui croyaient avoir gagné est en train de descendre», allusion aux menaces d’Ennahda quant à une éventuelle manipulation du scrutin. L’universitaire rend ensuite hommage aux peuples Syriens et Palestiniens et demande une minute de silence en mémoire des martyrs de la Révolution. Une pause écourtée par les inévitables «vive la Tunisie» et qui sera rapidement suivie par hymne national scandé à tue-tête par la salle. En clôture, Riadh Ben Fadhel, coordinateur général du Pôle, affirme que la création de cette coalition est «saut qualitatif pour la Tunisie » avant d’appeler les électeurs à un «vote utile». Vient le temps de la clôture, avec le chanteur Baaziz en guest-star maghrébine avec sa fameuse reprise et adaptation de l’Hexagone de Renaud (les Algériens présents s’attendaient à l’entendre chanter « nedjma qotbiya » de Dariassa*).
Il est vingt-et-une heures. La coupole se vide peu à peu. Dehors, dans le ciel bleu-noir de Tunis, des étoiles scintillent au-dessus d’une jeunesse militante persuadée que les lendemains du 23 octobre seront chantants.
Akram Belkaïd, Tunis
(*) Référence que seuls les arabophones et amateurs de Dariassa comprendront.
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vendredi 21 octobre 2011
Entendu sur France 24
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Entendu hier, cette question sur France 24 posée par une journaliste en studio à Paris à une envoyée spéciale : "Sait-on ce que va devenir la dépouille de Kadhafi ?". J'aurais aimé pouvoir répondre : "Elle va être embaumée cocotte" ou alors "elle va être boucanée et séchée en prévision de l'hiver".
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Entendu hier, cette question sur France 24 posée par une journaliste en studio à Paris à une envoyée spéciale : "Sait-on ce que va devenir la dépouille de Kadhafi ?". J'aurais aimé pouvoir répondre : "Elle va être embaumée cocotte" ou alors "elle va être boucanée et séchée en prévision de l'hiver".
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dimanche 16 octobre 2011
La chronique du blédard : Robert et la dispute conjugale
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La nuit est sans étoiles ni clair de lune. C'est une heure où enfants sages et parents raisonnables dorment depuis longtemps. Je hâte le pas en descendant le boulevard Pasteur. Au loin, la Tour Eiffel va bientôt scintiller pendant quelques minutes. Sur le trottoir, déboulant dans mon dos, un cycliste m'évite de justesse. Je lui demande pourquoi il ne roule pas sur la chaussée, il m'envoie deux ou trois grossièretés qui me donnent envie de le poursuivre pour lui faire avaler le guidon de son vélib'. Mais je suis trop fatigué et j'ai hâte de rentrer. Demain, ou plutôt tout à l'heure, la journée sera longue et bien remplie. Inutile de gaspiller ses forces.
A l'angle de la rue Vaugirard, une femme surgit en courant. Elle est poursuivie par un homme corpulent qui, la traitant de dame de petite vertu, lui ordonne de l'attendre. Il respire bruyamment et son souffle rauque me fait penser à un vieux transistor des années soixante-dix. Elle obéit et fait face, menton levé et index pointé. «T'as pas intérêt à me taper encore. Je t'avertis, j'vais crier et j'irai aux flics», hurle-t-elle. Il se met à rire, se tenant les côtes, le buste penché vers l'avant. «C'est ça, fais-moi peur Tu sais bien que plus tu brailles et plus je t'aime», lui lance-t-il avec une douceur étonnante dans la voix.
Je ralentis mon pas, me disant qu'il vaut peut-être mieux traverser. A chaque fois que j'assiste à ce genre de scène, je repense à l'une des rares fois dans ma vie où l'on a bien voulu de moi dans une pièce de théâtre. C'était «Le Médecin Malgré Lui». Je jouais le (petit) rôle de M. Robert, le brave voisin qui cherche à s'interposer quand Sganarelle corrige sa femme Martine. Au final, le pauvre Robert se prend quelques soufflets de la belle, solidaire de son époux, et s'enfuit la joue brûlante et l'esprit méditant sur l'importance de ne jamais se mêler des disputes conjugales fussent-elles musclées.
Je m'apprête à prendre la clé des champs quand la prise de bec dégénère. Avec une rapidité d'exécution qui tranche avec sa corpulence, l'homme met un coup de poing dans la figure de la dame qui tourne sur elle-même avant de tomber à terre. Impossible de regarder ailleurs ou de fuir. Je m'interpose. «Laisse-moi la finir. Elle m'a trahi!» me hurle le cogneur tandis que je le repousse par les épaules. Je lui parle le plus lentement possible, sans crier, méthode classique et maintes fois éprouvées pour dompter les énervés.
Il a l'haleine avinée et les yeux pratiquement clos. Il cherche à me faire perdre l'équilibre et le maintenir immobile n'est pas facile. Je lui demande de se calmer, de ne pas commettre de bêtise qu'il pourrait regretter. «Mais tu ne comprends-pas ! Elle m'a trahi ! Elle a un petit copain !». Je lui réponds, en le vouvoyant, que cela ne lui donne pas le droit de la frapper et que si cela continue, il risque de se retrouver au poste de police. «T'es flic ? C'est ça ? Mais, c'est elle qu'il faut arrêter ! Elle m'a trahi. Elle a un amant. L'adultère, c'est la prison, non ?».
De temps à autre, je jette un coup d'œil derrière mon dos, surveillant la dame qui s'est relevée. Elle a allumé une cigarette et semble indifférente à ce qui se passe. On dirait qu'elle réfléchit à ce qu'elle doit faire. Puis, sans crier gare, elle se met à hurler des obscénités. Des mots gras et méchants qui laissent entendre que l'homme que j'ai du mal à contenir n'en serait pas un. Au dessus de nous, des volets s'ouvrent. Je me dis que l'on va bientôt recevoir un seau d'eau sur la tête, arme classique des Parisiens excédés par les bars et cafés qui restent ouvert tard la nuit et dont les clients sortent sur le trottoir pour fumer et cancaner à voix trop haute.
Alors que je commence à fatiguer, un passant s'approche. Je reconnais le cycliste qui m'a tangenté. Une idée folle me traverse la tête. «Voici l'amant de votre femme» dis-je en le montrant du doigt. «Regardez comme il est laid. Un type comme lui ne vous fera pas concurrence longtemps». Le cycliste incivique est interloqué. Il ne comprend pas. Ou plutôt, il devine vite qu'il a intérêt à détaler. Dans ma peine du moment, je suis satisfait en le voyant s'éloigner le dos voûté, comme s'il craignait de recevoir un mauvais coup. Vengeance... Mais le mari trompé n'apprécie guère la plaisanterie.
«C'est quoi cette histoire ? Tu te fous de moi ? J'le connais son amant ! Il est Noir. C'est pour ça que j'la cogne. Me faire ça avec un n.. !». Je perds patience. L'envie me prend de bastonner cet abruti. Il n'a toujours pas renoncé et lance parfois son pied vers l'avant. Je ne sais pas comment me dépêtrer de cette histoire. Je me tourne vers la femme et lui demande de s'en aller pour qu'il puisse enfin se calmer. Elle me regarde à peine et hausse les épaules en continuant à tirer sur sa cigarette. D'une fenêtre, une voix excédée annonce qu'elle a appelé la police.
Quelques minutes plus tard, une voiture banalisée s'arrête à notre hauteur. «Pourquoi vous battez-vous ?» nous demande l'un des policiers en civil. Tandis que j'explique la situation, une angoisse me saisit. J'imagine le scénario catastrophe qui risque de se dérouler. La femme qui jure que son homme ne la battait pas, lui qui m'accuse de les avoir agressés et moi qui me retrouve au poste, puni bien plus sévèrement que M. Robert. Enchaînement de catastrophes, garde à vue, bavure, avocat et tout le tintouin .
Finalement, tout s'arrange. On me remercie du bout des lèvres et on me laisse partir non sans m'avoir demandé de décliner mon identité. La tête un peu lourde et les jambes flageolantes, j'abandonne les présumés infidèle et cornu à leur sort incertain. L'air frais de la nuit me fait vite du bien et voilà que j'accélère de nouveau le pas me disant qu'avec un peu de chance, je risque peut-être de rattraper le cycliste indélicat...
Le Quotidien d'Oran, jeudi 13 octobre 2011
Akram Belkaïd, Paris
A lire aussi
- Lettre à Leila Trabelsi - Ben Ali (SlateAfrique)
- Libye : Vae Victis, malheur aux vaincus (SlateAfrique)
La nuit est sans étoiles ni clair de lune. C'est une heure où enfants sages et parents raisonnables dorment depuis longtemps. Je hâte le pas en descendant le boulevard Pasteur. Au loin, la Tour Eiffel va bientôt scintiller pendant quelques minutes. Sur le trottoir, déboulant dans mon dos, un cycliste m'évite de justesse. Je lui demande pourquoi il ne roule pas sur la chaussée, il m'envoie deux ou trois grossièretés qui me donnent envie de le poursuivre pour lui faire avaler le guidon de son vélib'. Mais je suis trop fatigué et j'ai hâte de rentrer. Demain, ou plutôt tout à l'heure, la journée sera longue et bien remplie. Inutile de gaspiller ses forces.
A l'angle de la rue Vaugirard, une femme surgit en courant. Elle est poursuivie par un homme corpulent qui, la traitant de dame de petite vertu, lui ordonne de l'attendre. Il respire bruyamment et son souffle rauque me fait penser à un vieux transistor des années soixante-dix. Elle obéit et fait face, menton levé et index pointé. «T'as pas intérêt à me taper encore. Je t'avertis, j'vais crier et j'irai aux flics», hurle-t-elle. Il se met à rire, se tenant les côtes, le buste penché vers l'avant. «C'est ça, fais-moi peur Tu sais bien que plus tu brailles et plus je t'aime», lui lance-t-il avec une douceur étonnante dans la voix.
Je ralentis mon pas, me disant qu'il vaut peut-être mieux traverser. A chaque fois que j'assiste à ce genre de scène, je repense à l'une des rares fois dans ma vie où l'on a bien voulu de moi dans une pièce de théâtre. C'était «Le Médecin Malgré Lui». Je jouais le (petit) rôle de M. Robert, le brave voisin qui cherche à s'interposer quand Sganarelle corrige sa femme Martine. Au final, le pauvre Robert se prend quelques soufflets de la belle, solidaire de son époux, et s'enfuit la joue brûlante et l'esprit méditant sur l'importance de ne jamais se mêler des disputes conjugales fussent-elles musclées.
Je m'apprête à prendre la clé des champs quand la prise de bec dégénère. Avec une rapidité d'exécution qui tranche avec sa corpulence, l'homme met un coup de poing dans la figure de la dame qui tourne sur elle-même avant de tomber à terre. Impossible de regarder ailleurs ou de fuir. Je m'interpose. «Laisse-moi la finir. Elle m'a trahi!» me hurle le cogneur tandis que je le repousse par les épaules. Je lui parle le plus lentement possible, sans crier, méthode classique et maintes fois éprouvées pour dompter les énervés.
Il a l'haleine avinée et les yeux pratiquement clos. Il cherche à me faire perdre l'équilibre et le maintenir immobile n'est pas facile. Je lui demande de se calmer, de ne pas commettre de bêtise qu'il pourrait regretter. «Mais tu ne comprends-pas ! Elle m'a trahi ! Elle a un petit copain !». Je lui réponds, en le vouvoyant, que cela ne lui donne pas le droit de la frapper et que si cela continue, il risque de se retrouver au poste de police. «T'es flic ? C'est ça ? Mais, c'est elle qu'il faut arrêter ! Elle m'a trahi. Elle a un amant. L'adultère, c'est la prison, non ?».
De temps à autre, je jette un coup d'œil derrière mon dos, surveillant la dame qui s'est relevée. Elle a allumé une cigarette et semble indifférente à ce qui se passe. On dirait qu'elle réfléchit à ce qu'elle doit faire. Puis, sans crier gare, elle se met à hurler des obscénités. Des mots gras et méchants qui laissent entendre que l'homme que j'ai du mal à contenir n'en serait pas un. Au dessus de nous, des volets s'ouvrent. Je me dis que l'on va bientôt recevoir un seau d'eau sur la tête, arme classique des Parisiens excédés par les bars et cafés qui restent ouvert tard la nuit et dont les clients sortent sur le trottoir pour fumer et cancaner à voix trop haute.
Alors que je commence à fatiguer, un passant s'approche. Je reconnais le cycliste qui m'a tangenté. Une idée folle me traverse la tête. «Voici l'amant de votre femme» dis-je en le montrant du doigt. «Regardez comme il est laid. Un type comme lui ne vous fera pas concurrence longtemps». Le cycliste incivique est interloqué. Il ne comprend pas. Ou plutôt, il devine vite qu'il a intérêt à détaler. Dans ma peine du moment, je suis satisfait en le voyant s'éloigner le dos voûté, comme s'il craignait de recevoir un mauvais coup. Vengeance... Mais le mari trompé n'apprécie guère la plaisanterie.
«C'est quoi cette histoire ? Tu te fous de moi ? J'le connais son amant ! Il est Noir. C'est pour ça que j'la cogne. Me faire ça avec un n.. !». Je perds patience. L'envie me prend de bastonner cet abruti. Il n'a toujours pas renoncé et lance parfois son pied vers l'avant. Je ne sais pas comment me dépêtrer de cette histoire. Je me tourne vers la femme et lui demande de s'en aller pour qu'il puisse enfin se calmer. Elle me regarde à peine et hausse les épaules en continuant à tirer sur sa cigarette. D'une fenêtre, une voix excédée annonce qu'elle a appelé la police.
Quelques minutes plus tard, une voiture banalisée s'arrête à notre hauteur. «Pourquoi vous battez-vous ?» nous demande l'un des policiers en civil. Tandis que j'explique la situation, une angoisse me saisit. J'imagine le scénario catastrophe qui risque de se dérouler. La femme qui jure que son homme ne la battait pas, lui qui m'accuse de les avoir agressés et moi qui me retrouve au poste, puni bien plus sévèrement que M. Robert. Enchaînement de catastrophes, garde à vue, bavure, avocat et tout le tintouin .
Finalement, tout s'arrange. On me remercie du bout des lèvres et on me laisse partir non sans m'avoir demandé de décliner mon identité. La tête un peu lourde et les jambes flageolantes, j'abandonne les présumés infidèle et cornu à leur sort incertain. L'air frais de la nuit me fait vite du bien et voilà que j'accélère de nouveau le pas me disant qu'avec un peu de chance, je risque peut-être de rattraper le cycliste indélicat...
Le Quotidien d'Oran, jeudi 13 octobre 2011
Akram Belkaïd, Paris
A lire aussi
- Lettre à Leila Trabelsi - Ben Ali (SlateAfrique)
- Libye : Vae Victis, malheur aux vaincus (SlateAfrique)
mardi 11 octobre 2011
Entendu dans la rue
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Entendu ces quelques mots dans la rue :
- Allo ? Coucou minou, c'est Philou ! Ben t'es où ? Bon, ben bisou !
Un rap inconscient, un slam urbain, téléphonie mobile, métro, ville, exigence de localisation immédiate.
Question : mais comment faisait Philou avant l'invention du portable ?
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Entendu ces quelques mots dans la rue :
- Allo ? Coucou minou, c'est Philou ! Ben t'es où ? Bon, ben bisou !
Un rap inconscient, un slam urbain, téléphonie mobile, métro, ville, exigence de localisation immédiate.
Question : mais comment faisait Philou avant l'invention du portable ?
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lundi 10 octobre 2011
La chronique du blédard : Quatre journalistes face aux mafias
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Souvent, l'obligation d'humilité s'impose au présent chroniqueur. Cela peut arriver à la lecture d'un article ou d'un reportage qui forcent l'admiration et renvoient l'écrivant-plumitif au statut, certes pas honteux, de lecteur subjugué et impressionné. Cela peut aussi arriver lorsque survient un événement inattendu que personne, et certainement pas la grande famille omnisciente de la presse, n'a été capable de prédire voire-même d'identifier à temps comme ce fut le cas avec le Printemps arabe ou la crise financière qui n'en finit pas d'ébranler le monde.
On peut être aussi forcé à l'humilité lorsque l'on se retrouve en face de personnes connues (intellectuels, écrivains, artistes,…) au parcours exceptionnel ou, à l'inverse, en face d'anonymes ayant enduré le pire tout en restant dignes et capables de se projeter au-delà de leur propre sort. Je pense notamment à ces harragas tunisiens qu'il m'arrive de rencontrer dans les rues de Paris et pour qui le risque d'être arrêtés et expulsés sans ménagement par la police française n'est rien en comparaison de ce que fut leur peur de mourir noyés au large de la Sicile.
Dans tous ces cas, on ressent la nécessité impérieuse de réfléchir à la manière dont on pratique son métier et l'on est aussi obligé, par décence, de relativiser ses propres soucis et insatisfactions. C'est ce que j'ai ressenti en fin de semaine dernière en assistant à une rencontre entre des journalistes et un large public composé notamment de lycéens enthousiastes (*). Que l'on se rassure, je n'entends pas m'engager dans ces longues digressions de journalistes qui se regardent le nombril en se demandant avec angoisse comment va évoluer leur profession, oubliant au passage de s'attarder sur le sort peu enviable de dizaines de milliers de pigistes-prolétaires qui courent le feuillet mal payé.
En fait, il s'agit pour moi d'évoquer quatre confrères dont la trajectoire parlera certainement à nombre de collègues algériens qui savent ce que cela signifie de risquer sa vie ou sa liberté en raison de ses écrits. L'Italien Lirio Abbate, les Russes Vladimir Ivanidze et Oleg Kachine ainsi que le Mexicain Alejandro Gutierrez ont ceci de commun qu'ils ont tous enquêté et écrit sur les agissements et crimes des mafias de leurs pays sans oublier les compromissions de leurs propres dirigeants politiques. Tous le payent chèrement. Abbate vit sous protection policière permanente et a échappé à un attentat à l'explosif. Kachine a été agressé et grièvement blessé en 2010 tandis qu'Ivanidze a été obligé de quitter la Russie. Quant à Gutierrez, menacé, il a été forcé de quitter en urgence Ciudad Juárez, ville mexicaine tristement célèbre pour les affrontements sanglants entre narcotrafiquants et les meurtres non-élucidés de dizaines de femmes. Pour ces enquêteurs qui paient de leur personne dans ce combat inégal, et souvent ingrat, il ne s'agit pas de jouer au Zorro ni de se prendre pour un super-héros, mais de « faire ce qui est juste et normal en témoignant » comme l'a si bien dit Oleg Kachine.
Mais témoigner pour quoi, pour qui ? me suis-je demandé en les écoutant parler de leur vie et de leur métier. Pour informer un lectorat blasé, convaincu qu'il n'y a pas grand-chose à faire contre l'emprise mafieuse ? Pour informer des opinions publiques trop souvent promptes à pardonner leurs crimes à des politiques notoirement compromis avec les mafias ? Des politiques qui peuvent bien être condamnés par la justice, ce qui ne les empêche pas de refaire un retour triomphal et d'être réélus… En Italie ou au Mexique, mais aussi en France, la « prime à la casserole » est une réalité qui peut pousser l'enquêteur à désespérer de son métier. Tant de risques pour rien… Mais le journaliste n'est pas un justicier. Son rôle est d'informer, pas de se substituer à la justice ou aux politiques à qui revient la charge de défendre les valeurs d'un pays.
« La Russie vit une situation d'occupation par la mafia », a expliqué Vladimir Ivanidze. Cette évocation d'un pays « envahi » par la mafia laquelle infiltre jour après jour les rouages et institutions de l'Etat parle d'elle-même. Lirio Abbate et Alejandro Gutierrez ont ainsi estimé qu'elle s'appliquait aussi à l'Italie et au Mexique. Comment alors ne pas penser à tous ces pays, notamment occidentaux mais aussi arabes, qui se croient à l'abri mais qui sont petit à petit gangrénés par l'argent sale. Complicité des milieux politiques mais aussi des milieux d'affaires – qui dit mafia dit blanchiment d'argent et donc banques complaisantes-permettent à l'hydre de s'étendre et de prendre un aspect respectable.
En écoutant ces quatre hommes, je me suis souvenu du propos d'un intellectuel français lors d'une séance de travail consacrée à la croyance. « Je crois en l'existence du diable ; d'un principe maléfique et d'une puissance active qui enrayent l'ordre normal des choses », avait-il expliqué. A regarder le monde, et l'expansion croissante des mafias, qu'elles soient russes, italiennes, mexicaines ou autres, on se dit que cet intellectuel n'a pas tort. Partout, l'argent de la drogue, des trafics d'humains, de la contrefaçon et de la contrebande d'armes, s'insère dans les circuits économiques, financiers mais aussi politiques et sociaux. Dans le même temps, la « face légale de la mafia », comprendre les politiciens mafieux, s'emploie à faire taire les journalistes qui enquêtent. Elle le fait par la violence, par le contrôle économique des médias ou par l'élaboration de lois qui restreignent la liberté d'expression.
Face aux mafias qui prospèrent, l'une des armes est la liberté de la presse. Faire adopter des législations restrictives qui permettent, entre autre, d'emprisonner un journaliste en raison de ses écrits, signifie donc que l'on permet délibérément aux mafias de prospérer. La question est simple. Qu'est-ce qu'un « délit de presse » si ce n'est la volonté des autorités politiques de faire taire la vérité et de se prémunir contre la publication d'informations gênantes ? Quand un pouvoir embastille les journalistes qui ont l'heur de lui déplaire, quand il écoute leurs conversations téléphoniques, quand il cherche à connaître leurs sources – en faisant appel aux services secrets , cela signifie alors que la porte est grande ouverte à toutes les dérives.
Cela signifie que les mafias sauront tôt ou tard, si elles ne le font pas déjà, tirer profit de ces atteintes à la liberté d'expression et au droit d'informer. Cela veut dire que c'est la démocratie et l'Etat de droit que l'on tue à petit feu. Le monde, et pas seulement la presse, a besoin de gens comme Abbate, Gutierrez, Ivanidze et Kachine. Ils sont une précieuse ligne de défense, fut-elle fragile, contre un mal qui ne cesse de s'étendre.
(*) Les Tribunes de la Presse, organisées par la Région Aquitaine et l'hebdomadaire Courrier International, Arcachon (du 30 septembre au 2 octobre 2011).
Le Quotidien d'Oran, jeudi 6 octobre 2011
Akram Belkaïd, Paris
Souvent, l'obligation d'humilité s'impose au présent chroniqueur. Cela peut arriver à la lecture d'un article ou d'un reportage qui forcent l'admiration et renvoient l'écrivant-plumitif au statut, certes pas honteux, de lecteur subjugué et impressionné. Cela peut aussi arriver lorsque survient un événement inattendu que personne, et certainement pas la grande famille omnisciente de la presse, n'a été capable de prédire voire-même d'identifier à temps comme ce fut le cas avec le Printemps arabe ou la crise financière qui n'en finit pas d'ébranler le monde.
On peut être aussi forcé à l'humilité lorsque l'on se retrouve en face de personnes connues (intellectuels, écrivains, artistes,…) au parcours exceptionnel ou, à l'inverse, en face d'anonymes ayant enduré le pire tout en restant dignes et capables de se projeter au-delà de leur propre sort. Je pense notamment à ces harragas tunisiens qu'il m'arrive de rencontrer dans les rues de Paris et pour qui le risque d'être arrêtés et expulsés sans ménagement par la police française n'est rien en comparaison de ce que fut leur peur de mourir noyés au large de la Sicile.
Dans tous ces cas, on ressent la nécessité impérieuse de réfléchir à la manière dont on pratique son métier et l'on est aussi obligé, par décence, de relativiser ses propres soucis et insatisfactions. C'est ce que j'ai ressenti en fin de semaine dernière en assistant à une rencontre entre des journalistes et un large public composé notamment de lycéens enthousiastes (*). Que l'on se rassure, je n'entends pas m'engager dans ces longues digressions de journalistes qui se regardent le nombril en se demandant avec angoisse comment va évoluer leur profession, oubliant au passage de s'attarder sur le sort peu enviable de dizaines de milliers de pigistes-prolétaires qui courent le feuillet mal payé.
En fait, il s'agit pour moi d'évoquer quatre confrères dont la trajectoire parlera certainement à nombre de collègues algériens qui savent ce que cela signifie de risquer sa vie ou sa liberté en raison de ses écrits. L'Italien Lirio Abbate, les Russes Vladimir Ivanidze et Oleg Kachine ainsi que le Mexicain Alejandro Gutierrez ont ceci de commun qu'ils ont tous enquêté et écrit sur les agissements et crimes des mafias de leurs pays sans oublier les compromissions de leurs propres dirigeants politiques. Tous le payent chèrement. Abbate vit sous protection policière permanente et a échappé à un attentat à l'explosif. Kachine a été agressé et grièvement blessé en 2010 tandis qu'Ivanidze a été obligé de quitter la Russie. Quant à Gutierrez, menacé, il a été forcé de quitter en urgence Ciudad Juárez, ville mexicaine tristement célèbre pour les affrontements sanglants entre narcotrafiquants et les meurtres non-élucidés de dizaines de femmes. Pour ces enquêteurs qui paient de leur personne dans ce combat inégal, et souvent ingrat, il ne s'agit pas de jouer au Zorro ni de se prendre pour un super-héros, mais de « faire ce qui est juste et normal en témoignant » comme l'a si bien dit Oleg Kachine.
Mais témoigner pour quoi, pour qui ? me suis-je demandé en les écoutant parler de leur vie et de leur métier. Pour informer un lectorat blasé, convaincu qu'il n'y a pas grand-chose à faire contre l'emprise mafieuse ? Pour informer des opinions publiques trop souvent promptes à pardonner leurs crimes à des politiques notoirement compromis avec les mafias ? Des politiques qui peuvent bien être condamnés par la justice, ce qui ne les empêche pas de refaire un retour triomphal et d'être réélus… En Italie ou au Mexique, mais aussi en France, la « prime à la casserole » est une réalité qui peut pousser l'enquêteur à désespérer de son métier. Tant de risques pour rien… Mais le journaliste n'est pas un justicier. Son rôle est d'informer, pas de se substituer à la justice ou aux politiques à qui revient la charge de défendre les valeurs d'un pays.
« La Russie vit une situation d'occupation par la mafia », a expliqué Vladimir Ivanidze. Cette évocation d'un pays « envahi » par la mafia laquelle infiltre jour après jour les rouages et institutions de l'Etat parle d'elle-même. Lirio Abbate et Alejandro Gutierrez ont ainsi estimé qu'elle s'appliquait aussi à l'Italie et au Mexique. Comment alors ne pas penser à tous ces pays, notamment occidentaux mais aussi arabes, qui se croient à l'abri mais qui sont petit à petit gangrénés par l'argent sale. Complicité des milieux politiques mais aussi des milieux d'affaires – qui dit mafia dit blanchiment d'argent et donc banques complaisantes-permettent à l'hydre de s'étendre et de prendre un aspect respectable.
En écoutant ces quatre hommes, je me suis souvenu du propos d'un intellectuel français lors d'une séance de travail consacrée à la croyance. « Je crois en l'existence du diable ; d'un principe maléfique et d'une puissance active qui enrayent l'ordre normal des choses », avait-il expliqué. A regarder le monde, et l'expansion croissante des mafias, qu'elles soient russes, italiennes, mexicaines ou autres, on se dit que cet intellectuel n'a pas tort. Partout, l'argent de la drogue, des trafics d'humains, de la contrefaçon et de la contrebande d'armes, s'insère dans les circuits économiques, financiers mais aussi politiques et sociaux. Dans le même temps, la « face légale de la mafia », comprendre les politiciens mafieux, s'emploie à faire taire les journalistes qui enquêtent. Elle le fait par la violence, par le contrôle économique des médias ou par l'élaboration de lois qui restreignent la liberté d'expression.
Face aux mafias qui prospèrent, l'une des armes est la liberté de la presse. Faire adopter des législations restrictives qui permettent, entre autre, d'emprisonner un journaliste en raison de ses écrits, signifie donc que l'on permet délibérément aux mafias de prospérer. La question est simple. Qu'est-ce qu'un « délit de presse » si ce n'est la volonté des autorités politiques de faire taire la vérité et de se prémunir contre la publication d'informations gênantes ? Quand un pouvoir embastille les journalistes qui ont l'heur de lui déplaire, quand il écoute leurs conversations téléphoniques, quand il cherche à connaître leurs sources – en faisant appel aux services secrets , cela signifie alors que la porte est grande ouverte à toutes les dérives.
Cela signifie que les mafias sauront tôt ou tard, si elles ne le font pas déjà, tirer profit de ces atteintes à la liberté d'expression et au droit d'informer. Cela veut dire que c'est la démocratie et l'Etat de droit que l'on tue à petit feu. Le monde, et pas seulement la presse, a besoin de gens comme Abbate, Gutierrez, Ivanidze et Kachine. Ils sont une précieuse ligne de défense, fut-elle fragile, contre un mal qui ne cesse de s'étendre.
(*) Les Tribunes de la Presse, organisées par la Région Aquitaine et l'hebdomadaire Courrier International, Arcachon (du 30 septembre au 2 octobre 2011).
Le Quotidien d'Oran, jeudi 6 octobre 2011
Akram Belkaïd, Paris
dimanche 9 octobre 2011
Algérie Littérature Action rend hommage à Frantz Fanon
2011 octobre-novembre
SOMMAIRE du N°152-156: Numéro spécial.
Frantz Fanon et l’Algérie: Mon Fanon à moi
Elaboré en l’honneur du cinquantième anniversaire de la disparition de Frantz Fanon
Coordination : Christiane CHAULET ACHOUR
Etablissement du texte et réalisation : Marie VIROLLE
INTRODUCTION par Christiane CHAULET ACHOUR
1. POUR FRANTZ FANON : 1961 - 2008
1961
Aimé CESAIRE, La révolte de Frantz Fanon
Anna GREKI, Les Damnés de la terre1987
Denis MARTINEZ Portrait
Mohamed Salah LOUANCHI, Ouverture du Symposium international de 1987 à Riad el Feth
Mahfoud BOUCEBCI, Fanon, la psychiatrie, trente ans après
2004
Olivier FANON, Entretien : « Je suis attaché à l’Algérie »
2008
Alice CHERKI, À vous Frantz Fanon
2. HOMMAGES – 2011
Claudine et Pierre CHAULET, Frantz Fanon, tel que nous l’avons connu
AMIN KHAN, Fanon, Homme Libre
Amel AMMAR-KHODJA, Puis, Fanon est arrivé
Soumya AMMAR-KHODJA, Fanon, nechtik
Amina AZZA-BEKKAT, Frantz Fanon à Blida (+ photos de l’HPB)
Yahia BELASKRI, Mes rencontres avec Frantz Fanon
Akram BELKAÏD, Elle, Fanon et moi
Afifa BERERHI, Un héritage fanonien : une voix dans la chaîne de transmission
Maïssa BEY, Ouvrir l’horizon
Zohra BOUCHENTOUF-SIAGH, Ubiquiste Fanon
Aziz CHOUAKI, La Glaise et les rêves
Souad LABBIZE, Echo du Symposium international d’Alger de 1987…
Dominique LE BOUCHER, Le Temps des peuples retrouvés
Seloua LUSTE BOULBINA, Loving Fanon
Arezki METREF, Les traces de Fanon sur le sable de l’ingratitude algérienne
Dalila MORSLY, L’interaction Noir/Blanc en contexte colonial. Intuitions sociolinguistes chez Frantz Fanon
Hamid NACER-KHODJA, Sénac-Fanon : d’une filiation idéologique
Victor PERMAL, Mon Fanon à moi
Brigitte RIERA, 1955
Hervé SANSON, Frantz Fanon ou l’écriture tellurique
Leïla SEBBAR, C’était à Blida
Ali SILEM, Dessins
El Djamhouria SLIMANI-AÏT SAADA, Fanon visionnaire, Fanon toujours actuel
Bouba TABTI, Fanon et Abane Ramdane sur scène : à propos de Dans les ténèbres gîtent les aigles de Messaoud Benyoucef
Alek Baylee TOUMI, Fanon en Amérique du Nord
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SOMMAIRE du N°152-156: Numéro spécial.
Frantz Fanon et l’Algérie: Mon Fanon à moi
Elaboré en l’honneur du cinquantième anniversaire de la disparition de Frantz Fanon
Coordination : Christiane CHAULET ACHOUR
Etablissement du texte et réalisation : Marie VIROLLE
INTRODUCTION par Christiane CHAULET ACHOUR
1. POUR FRANTZ FANON : 1961 - 2008
1961
Aimé CESAIRE, La révolte de Frantz Fanon
Anna GREKI, Les Damnés de la terre1987
Denis MARTINEZ Portrait
Mohamed Salah LOUANCHI, Ouverture du Symposium international de 1987 à Riad el Feth
Mahfoud BOUCEBCI, Fanon, la psychiatrie, trente ans après
2004
Olivier FANON, Entretien : « Je suis attaché à l’Algérie »
2008
Alice CHERKI, À vous Frantz Fanon
2. HOMMAGES – 2011
Claudine et Pierre CHAULET, Frantz Fanon, tel que nous l’avons connu
AMIN KHAN, Fanon, Homme Libre
Amel AMMAR-KHODJA, Puis, Fanon est arrivé
Soumya AMMAR-KHODJA, Fanon, nechtik
Amina AZZA-BEKKAT, Frantz Fanon à Blida (+ photos de l’HPB)
Yahia BELASKRI, Mes rencontres avec Frantz Fanon
Akram BELKAÏD, Elle, Fanon et moi
Afifa BERERHI, Un héritage fanonien : une voix dans la chaîne de transmission
Maïssa BEY, Ouvrir l’horizon
Zohra BOUCHENTOUF-SIAGH, Ubiquiste Fanon
Aziz CHOUAKI, La Glaise et les rêves
Souad LABBIZE, Echo du Symposium international d’Alger de 1987…
Dominique LE BOUCHER, Le Temps des peuples retrouvés
Seloua LUSTE BOULBINA, Loving Fanon
Arezki METREF, Les traces de Fanon sur le sable de l’ingratitude algérienne
Dalila MORSLY, L’interaction Noir/Blanc en contexte colonial. Intuitions sociolinguistes chez Frantz Fanon
Hamid NACER-KHODJA, Sénac-Fanon : d’une filiation idéologique
Victor PERMAL, Mon Fanon à moi
Brigitte RIERA, 1955
Hervé SANSON, Frantz Fanon ou l’écriture tellurique
Leïla SEBBAR, C’était à Blida
Ali SILEM, Dessins
El Djamhouria SLIMANI-AÏT SAADA, Fanon visionnaire, Fanon toujours actuel
Bouba TABTI, Fanon et Abane Ramdane sur scène : à propos de Dans les ténèbres gîtent les aigles de Messaoud Benyoucef
Alek Baylee TOUMI, Fanon en Amérique du Nord
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Une histoire de jus d'orange
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Lu ce matin sur l'emballage de jus de fruit pendant le petit-déjeuner dominical :
"Notre histoire commence en 1947 lorsque notre fondateur Anthony Rossi comprend le premier que toutes les oranges ne se ressemblent pas."
Hé bé ! Quelle fulgurance ! J'ignorais tout de cela. Plusieurs siècles dans l'histoire de l'humanité, et il a fallu attendre 1947 pour que l'on comprenne enfin que les oranges n'étaient pas toutes semblables. Waow ! Et les bananes ? Les figues ? Les grenades ? Sont-elles les mêmes ?
Une mauvaise langue m'a suggéré que ce Rossi n'avait jamais existé, un peu à l'image de ces personnages historiques créés par un pub en mal d'histoires à raconter. En fait, Rossi a bel et bien existé. Il a vécu de 1900 à 1993. Immigrant italien, c'est lui qui a créé en 1947 en Floride la marque Tropicana après avoir compris ce que vous savez grâce aux lignes précédentes.
A quand une biographie d'Anthony Rossi ?
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Lu ce matin sur l'emballage de jus de fruit pendant le petit-déjeuner dominical :
"Notre histoire commence en 1947 lorsque notre fondateur Anthony Rossi comprend le premier que toutes les oranges ne se ressemblent pas."
Hé bé ! Quelle fulgurance ! J'ignorais tout de cela. Plusieurs siècles dans l'histoire de l'humanité, et il a fallu attendre 1947 pour que l'on comprenne enfin que les oranges n'étaient pas toutes semblables. Waow ! Et les bananes ? Les figues ? Les grenades ? Sont-elles les mêmes ?
Une mauvaise langue m'a suggéré que ce Rossi n'avait jamais existé, un peu à l'image de ces personnages historiques créés par un pub en mal d'histoires à raconter. En fait, Rossi a bel et bien existé. Il a vécu de 1900 à 1993. Immigrant italien, c'est lui qui a créé en 1947 en Floride la marque Tropicana après avoir compris ce que vous savez grâce aux lignes précédentes.
A quand une biographie d'Anthony Rossi ?
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vendredi 7 octobre 2011
En une de la Pravdroite (1)
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En une du Figaro de ce jour :
"Retraites, emploi, médecine, éducation
Le grand flou des projets socialistes
Pas d'affrontements violents, mais des divergences sur des questions essentielles."
A cela s'ajoute un éditorial d'Yves Thréard intitulé " Après la primaire PS, l'addition !" qui met en garde contre le retour possible du dirigisme et de l'immobilisme du PS mais qui relève tout de même les "quelques appels au réalisme de Manuel Valls".
No comment...
J'oubliais les résultats du sondage de la veille :
question : pensez-vous que François Hollande puisse être élu au premier tour de la primaire socialiste ?
réponse : Oui à 40,64% - Non à 59,36 %
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En une du Figaro de ce jour :
"Retraites, emploi, médecine, éducation
Le grand flou des projets socialistes
Pas d'affrontements violents, mais des divergences sur des questions essentielles."
A cela s'ajoute un éditorial d'Yves Thréard intitulé " Après la primaire PS, l'addition !" qui met en garde contre le retour possible du dirigisme et de l'immobilisme du PS mais qui relève tout de même les "quelques appels au réalisme de Manuel Valls".
No comment...
J'oubliais les résultats du sondage de la veille :
question : pensez-vous que François Hollande puisse être élu au premier tour de la primaire socialiste ?
réponse : Oui à 40,64% - Non à 59,36 %
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jeudi 6 octobre 2011
Ecrire
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A un moment, plus aucune place aux tergiversations, la réalité s'impose, no way to escape, makache wine tahreb : l'article en souffrance ne s'écrira pas tout seul...
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A un moment, plus aucune place aux tergiversations, la réalité s'impose, no way to escape, makache wine tahreb : l'article en souffrance ne s'écrira pas tout seul...
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mardi 4 octobre 2011
Gilles Kepel et France 3
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Je viens de voir l'universitaire Gilles Kepel au journal du soir de France 3. Il vient de présenter une étude sur la banlieue qui met en exergue le fait que le défi principal est l'éducation de jeunes populations pour leur permettre de faire leur entrée dans le monde du travail. De même, cette étude met en lumière que l'islam est un refuge pour des populations trop longtemps abandonnées à elles-mêmes.
Il ne s'agit pas dans ce billet d'analyser l'étude sur laquelle je reviendrai.
Je retiens simplement le comportement étonnant pour ne pas dire déroutant de la journaliste. Interrompre l'invité, lui poser une question stupide du style "est-ce que l'islam en banlieue joue le même rôle que les Frères musulmans dans les pays arabes ?" et, pour finir, lui dire après la diffusion d'un sujet (l'islam dans les banlieues espagnoles) : "on n'a pas le temps de vous faire réagir". En somme, de la télévision à deux balles...
Et on est sur le service public...
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Je viens de voir l'universitaire Gilles Kepel au journal du soir de France 3. Il vient de présenter une étude sur la banlieue qui met en exergue le fait que le défi principal est l'éducation de jeunes populations pour leur permettre de faire leur entrée dans le monde du travail. De même, cette étude met en lumière que l'islam est un refuge pour des populations trop longtemps abandonnées à elles-mêmes.
Il ne s'agit pas dans ce billet d'analyser l'étude sur laquelle je reviendrai.
Je retiens simplement le comportement étonnant pour ne pas dire déroutant de la journaliste. Interrompre l'invité, lui poser une question stupide du style "est-ce que l'islam en banlieue joue le même rôle que les Frères musulmans dans les pays arabes ?" et, pour finir, lui dire après la diffusion d'un sujet (l'islam dans les banlieues espagnoles) : "on n'a pas le temps de vous faire réagir". En somme, de la télévision à deux balles...
Et on est sur le service public...
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lundi 3 octobre 2011
samedi 1 octobre 2011
La chronique du blédard : Obama ou l'éloquence du velléitaire
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C'était il y a un an à peine. S'adressant à la tribune des Nations unies, Barack Obama avait déclaré que le monde était «prêt à un accord qui conduira à la création d'un nouvel Etat palestinien, l'année prochaine». Comme tant d'autres de ses interventions, ce discours avait été marqué par la puissance du verbe. Douze mois plus tard, le même homme s'est de nouveau exprimé sur le sujet, avec éloquence mais pour exprimer son refus de la reconnaissance officielle d'un Etat palestinien par l'Onu, qualifiant cette démarche de «raccourci illusoire ». Dans la foulée, le locataire de la Maison Blanche a fait porter aux seuls Palestiniens la responsabilité de l'échec d'un pseudo-processus de paix qui, en réalité, ne sert qu'à permettre à Israël de gagner du temps et à engranger les faits accomplis ou, selon une autre expression, à multiplier les «facteurs d'irrévocabilité » en ce qui concerne notamment le maintien et l'expansion des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
En novembre 2008, nous avons été des millions à travers le monde à nous réjouir de l'élection du premier président afro-américain de l'histoire des Etats-Unis. «Le changement est arrivé », avions-nous répété en reprenant le slogan de sa campagne lequel faisait allusion à un vieux chant des descendants d'esclaves. Bien sûr, nous n'étions pas naïfs quant à sa marge de manœuvre. Le président de l'Amérique n'est pas un magicien et ses pouvoirs sont limités à dessein, les Pères fondateurs du pays ayant eu en tête de ne jamais le soumettre à une nouvelle tyrannie après celles des rois anglais. Il n'empêche, après huit années de présidence bushienne, il était temps qu'un peu d'air frais nous parvienne de Washington.
Aujourd'hui, l'échec d'Obama est patent. Rien n'a vraiment changé dans la situation des Etats-Unis ni même dans leur manière d'appréhender le monde. Bien sûr, nous avons eu de beaux discours comme celui du Caire au printemps 2009. Citons aussi celui du 14 février 2011 à Washington, le jour même de la chute de Hosni Moubarak. Là aussi, ce furent des propos à la fois aériens et inspirés, profonds et émouvants. Mais il s'agissait de mots et rien d'autre. Et soudain, reviennent en mémoire les mises en garde de l'écrivain Cornel West (lequel a tout de même fini par se rallier à sa candidature). Obama ? Trop bavard, pas assez courageux, trop velléitaire, trop soucieux de plaire aux puissants, avait ainsi jugé cet activiste et critique impitoyable des inégalités raciales aux Etats-Unis.
Obama parle, fait des discours, emprunte des accents messianiques quand il s'agit de revigorer ses troupes mais, finalement, il n'agit guère. Et cela ne concerne pas que les pauvres Palestiniens. Ainsi, le camp de Guantanamo, «une honte pour l'Amérique » de l'aveu même de Colin Powell, l'ancien chef de la diplomatie américaine sous Bush, fonctionne-t-il encore et sa fermeture ne semble plus être à l'ordre du jour. A la Maison Blanche et au Capitole, les lobbyistes de tous poils ont leurs entrées alors que le candidat Obama avait promis de les chasser ou, du moins, de limiter leur pouvoir. De même, les gens de Wall Street font-ils encore la loi, empêchant les Etats-Unis de remettre au goût du jour des législations imaginées par l'administration Roosevelt, dans sa lutte contre la Grande Dépression. Même l'assurance-maladie s'avère être finalement un fiasco pour le président américain, son texte initial ayant été détricoté au fur et à mesure de ses compromis passés avec le camp républicain.
Et c'est là qu'apparaît ce qui est peut-être la grande faiblesse d'Obama. D'aucuns disent qu'il est faible, incapable de prendre la moindre initiative risquée et, qu'en somme, il manquerait de courage à la différence d'un Clinton toujours partant pour croiser le fer avec ses ennemis. Il y a sûrement de cela mais on peut aussi penser qu'il y a une autre raison. Obama, de par ses origines et le complexe identitaire qui l'a longtemps tourmenté (comme lorsqu'il se faisait appeler Barry), est dévoré par l'obsession de plaire. A force de vouloir être apprécié, y compris par ses adversaires politiques, il en oublie ce pour quoi il a été élu. C'est d'ailleurs un comportement très fréquent chez les représentants de ce que l'on appelle les minorités visibles. C'est le cas en France à l'image des fameux «beurgeois » qui, pour reprendre une expression bien algérienne, n'en finissent plus de «s'excuser de demander pardon » et qui n'ont qu'une seule envie : prouver qu'ils sont sages, raisonnables et donc dignes de confiance.
Le discours prononcé en fin de semaine dernière par Obama devant les Nations unies est, en cela, un bel exemple. Ce n'est pas aux chefs d'Etats et de gouvernements présents qu'il s'adressait ni même à Benyamin Netanyahu flanqué de son raciste de ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman. En réalité, Obama devançait les exigences d'un Congrès américain dominé par les républicains et nettement en faveur d'Israël. En faisant cela, le président étasunien a feint au passage d'oublier que le gouvernement israélien lui a infligé moult humiliations comme lorsqu'il a annoncé le lancement de nouveaux chantiers de colonisation alors même que le vice-président Joe Biden était en visite officielle en Israël.
S'aligner sur la position de ses adversaires pour se les concilier et surtout, pour éviter l'humiliation d'une défaite électorale au Congrès : mais quelle stratégie de gagne-petit ! Quelle preuve d'impuissance aussi. On peut penser qu'Obama est désormais entièrement tourné vers l'échéance électorale de novembre 2012. Le problème pour lui, c'est que toutes ses concessions et tous ses reniements ne risquent guère de lui servir. En effet, il y a de fortes chances pour qu'il ne soit pas réélu comme l'a si bien compris la pléthore de candidats aux primaires républicaines. Battu après avoir tant parlé mais si peu osé : la belle légende d'Obama, risque fort de se terminer en triste déroute.
Le Quotidien d'Oran, jeudi 29 septembre 2011
Akram Belkaïd, Paris
C'était il y a un an à peine. S'adressant à la tribune des Nations unies, Barack Obama avait déclaré que le monde était «prêt à un accord qui conduira à la création d'un nouvel Etat palestinien, l'année prochaine». Comme tant d'autres de ses interventions, ce discours avait été marqué par la puissance du verbe. Douze mois plus tard, le même homme s'est de nouveau exprimé sur le sujet, avec éloquence mais pour exprimer son refus de la reconnaissance officielle d'un Etat palestinien par l'Onu, qualifiant cette démarche de «raccourci illusoire ». Dans la foulée, le locataire de la Maison Blanche a fait porter aux seuls Palestiniens la responsabilité de l'échec d'un pseudo-processus de paix qui, en réalité, ne sert qu'à permettre à Israël de gagner du temps et à engranger les faits accomplis ou, selon une autre expression, à multiplier les «facteurs d'irrévocabilité » en ce qui concerne notamment le maintien et l'expansion des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
En novembre 2008, nous avons été des millions à travers le monde à nous réjouir de l'élection du premier président afro-américain de l'histoire des Etats-Unis. «Le changement est arrivé », avions-nous répété en reprenant le slogan de sa campagne lequel faisait allusion à un vieux chant des descendants d'esclaves. Bien sûr, nous n'étions pas naïfs quant à sa marge de manœuvre. Le président de l'Amérique n'est pas un magicien et ses pouvoirs sont limités à dessein, les Pères fondateurs du pays ayant eu en tête de ne jamais le soumettre à une nouvelle tyrannie après celles des rois anglais. Il n'empêche, après huit années de présidence bushienne, il était temps qu'un peu d'air frais nous parvienne de Washington.
Aujourd'hui, l'échec d'Obama est patent. Rien n'a vraiment changé dans la situation des Etats-Unis ni même dans leur manière d'appréhender le monde. Bien sûr, nous avons eu de beaux discours comme celui du Caire au printemps 2009. Citons aussi celui du 14 février 2011 à Washington, le jour même de la chute de Hosni Moubarak. Là aussi, ce furent des propos à la fois aériens et inspirés, profonds et émouvants. Mais il s'agissait de mots et rien d'autre. Et soudain, reviennent en mémoire les mises en garde de l'écrivain Cornel West (lequel a tout de même fini par se rallier à sa candidature). Obama ? Trop bavard, pas assez courageux, trop velléitaire, trop soucieux de plaire aux puissants, avait ainsi jugé cet activiste et critique impitoyable des inégalités raciales aux Etats-Unis.
Obama parle, fait des discours, emprunte des accents messianiques quand il s'agit de revigorer ses troupes mais, finalement, il n'agit guère. Et cela ne concerne pas que les pauvres Palestiniens. Ainsi, le camp de Guantanamo, «une honte pour l'Amérique » de l'aveu même de Colin Powell, l'ancien chef de la diplomatie américaine sous Bush, fonctionne-t-il encore et sa fermeture ne semble plus être à l'ordre du jour. A la Maison Blanche et au Capitole, les lobbyistes de tous poils ont leurs entrées alors que le candidat Obama avait promis de les chasser ou, du moins, de limiter leur pouvoir. De même, les gens de Wall Street font-ils encore la loi, empêchant les Etats-Unis de remettre au goût du jour des législations imaginées par l'administration Roosevelt, dans sa lutte contre la Grande Dépression. Même l'assurance-maladie s'avère être finalement un fiasco pour le président américain, son texte initial ayant été détricoté au fur et à mesure de ses compromis passés avec le camp républicain.
Et c'est là qu'apparaît ce qui est peut-être la grande faiblesse d'Obama. D'aucuns disent qu'il est faible, incapable de prendre la moindre initiative risquée et, qu'en somme, il manquerait de courage à la différence d'un Clinton toujours partant pour croiser le fer avec ses ennemis. Il y a sûrement de cela mais on peut aussi penser qu'il y a une autre raison. Obama, de par ses origines et le complexe identitaire qui l'a longtemps tourmenté (comme lorsqu'il se faisait appeler Barry), est dévoré par l'obsession de plaire. A force de vouloir être apprécié, y compris par ses adversaires politiques, il en oublie ce pour quoi il a été élu. C'est d'ailleurs un comportement très fréquent chez les représentants de ce que l'on appelle les minorités visibles. C'est le cas en France à l'image des fameux «beurgeois » qui, pour reprendre une expression bien algérienne, n'en finissent plus de «s'excuser de demander pardon » et qui n'ont qu'une seule envie : prouver qu'ils sont sages, raisonnables et donc dignes de confiance.
Le discours prononcé en fin de semaine dernière par Obama devant les Nations unies est, en cela, un bel exemple. Ce n'est pas aux chefs d'Etats et de gouvernements présents qu'il s'adressait ni même à Benyamin Netanyahu flanqué de son raciste de ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman. En réalité, Obama devançait les exigences d'un Congrès américain dominé par les républicains et nettement en faveur d'Israël. En faisant cela, le président étasunien a feint au passage d'oublier que le gouvernement israélien lui a infligé moult humiliations comme lorsqu'il a annoncé le lancement de nouveaux chantiers de colonisation alors même que le vice-président Joe Biden était en visite officielle en Israël.
S'aligner sur la position de ses adversaires pour se les concilier et surtout, pour éviter l'humiliation d'une défaite électorale au Congrès : mais quelle stratégie de gagne-petit ! Quelle preuve d'impuissance aussi. On peut penser qu'Obama est désormais entièrement tourné vers l'échéance électorale de novembre 2012. Le problème pour lui, c'est que toutes ses concessions et tous ses reniements ne risquent guère de lui servir. En effet, il y a de fortes chances pour qu'il ne soit pas réélu comme l'a si bien compris la pléthore de candidats aux primaires républicaines. Battu après avoir tant parlé mais si peu osé : la belle légende d'Obama, risque fort de se terminer en triste déroute.
Le Quotidien d'Oran, jeudi 29 septembre 2011
Akram Belkaïd, Paris
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