SlateAfrique, 15 décembre 2012
L'un des enjeux de la visite de François Hollande en Algérie sera de convaincre les patrons algériens de ne pas se détourner du marché français.
François Hollande et Arnaud Montebourg, son ministre du Redressement productif, Paris, novembre 2012. REUTERS/Philippe Wojazer
L'AUTEUR
Mais quel est le but de la visite de François Hollande enAlgérie?
On le sait, le président français doit y effectuer une visite officielle les 19 et 20 décembre et ce déplacement va être suivi de près par les médias des deux pays mais aussi par ceux du Maghreb (on pense notamment à la presse marocaine).
Ce genre de voyage n’est jamais neutre, surtout dans un contexte franco-algérien marqué ces dernières années par de nombreuses tensions et polémiques.
Au début des années 2000, Alger et Paris planchaient sur la signature d’un Traité d’amitié censé clore la période heurtée (sur le plan diplomatique) de l’après-indépendance.
En 2003, la visite triomphale de Jacques Chirac en Algérie—on se souvient de lui marchant dans Alger sous les acclamations de la jeunesse— avait permis d’envisager la concrétisation de ce document discuté depuis le début des années 1970.
Las, l’initiative de plusieurs parlementaires français à propos d’un texte de loi consacrant le «rôle positif de la colonisation» a torpillé ce projet. Depuis, entre Alger et Paris, surenchères et tentatives de conciliation se succèdent les unes aux autres sans que l’on ait l’impression que les choses soient réglées.
Mieux, alors que ce sujet était largement ignoré par la plupart des Algériens, la question de la«repentance» française à propos de la période coloniale est devenue récurrente notamment dans les médias arabophones.
Si cela arrive, on devine à l’avance la polémique qui va naître dans l’Hexagone et elle sera bien plus violente que celle qui a suivi les déclarations du président français à propos de la responsabilité de l’Etat dans les tueries du 17 octobre 1961 à Paris.
Dans un contexte de perte de vitesse de la gauche et d’interrogations à propos de la capacité de François Hollande à diriger une France plongée dans une grave crise économique et sociale, une telle polémique serait une belle diversion mais elle présenterait aussi le risque d’envenimer la situation politique.
A l’inverse, si François Hollande élude la question coloniale ou s’il s’en sort avec quelques vagues déclarations, ce sont les Algériens qui risquent d’être déçus et il faudra s’attendre à ce que les critiques francophobes reprennent de plus belle.
A Alger, il se dit toutefois que le président français devrait «consentir un grand geste symbolique». Lequel? Mystère.
Une chose paraît certaine, nombreux sont les officiels algériens qui sont persuadés que François Hollande prononcera à Tlemcen —ville de l’ouest algérien où il devrait se rendre— un «grand discours».
Faut-il d’ores et déjà parler du «discours de Tlemcen»? Réponse dans quelques jours.
C’est cette position dominante que tente de conforter Paris avec, entre autre, les visites régulières de l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
Mais Alger a de plus en plus de mal à cacher son impatience. Depuis quelques années, les acteurs économiques algériens reprochent à leurs homologues français de continuer à considérer«le marché algérien comme éternellement acquis», pour reprendre l’expression d’un patron algérois.
Le cœur du différend est connu: les entreprises françaises rechignent à investir en Algérie et préfèrent écouler leurs produits dans un pays où le boom de la consommation est patent (les importations ont augmenté de 500% en moins d’une décennie!).
Pour se défendre, les entreprises françaises arguent que la législation algérienne reste archaïque et que l’obligation faite pour tout opérateur étranger de s’associer avec une entreprise algérienne (laquelle doit détenir au minimum 51% de la société commune) est un sérieux obstacle.
En tout état de cause, près d’une quinzaine d’accords de coopération devraient être signés parmi lesquels l’entente finale entre le gouvernement algérien et le constructeur automobile Renault.
Mais il n’est pas sûr que cela suffise à satisfaire les dirigeants algériens. Les visites préparatoires au voyage de François Hollande, dont celle de Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, ont même généré quelques agacements.
Akram Belkaïd
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On le sait, le président français doit y effectuer une visite officielle les 19 et 20 décembre et ce déplacement va être suivi de près par les médias des deux pays mais aussi par ceux du Maghreb (on pense notamment à la presse marocaine).
Ce genre de voyage n’est jamais neutre, surtout dans un contexte franco-algérien marqué ces dernières années par de nombreuses tensions et polémiques.
Au début des années 2000, Alger et Paris planchaient sur la signature d’un Traité d’amitié censé clore la période heurtée (sur le plan diplomatique) de l’après-indépendance.
En 2003, la visite triomphale de Jacques Chirac en Algérie—on se souvient de lui marchant dans Alger sous les acclamations de la jeunesse— avait permis d’envisager la concrétisation de ce document discuté depuis le début des années 1970.
Las, l’initiative de plusieurs parlementaires français à propos d’un texte de loi consacrant le «rôle positif de la colonisation» a torpillé ce projet. Depuis, entre Alger et Paris, surenchères et tentatives de conciliation se succèdent les unes aux autres sans que l’on ait l’impression que les choses soient réglées.
Mieux, alors que ce sujet était largement ignoré par la plupart des Algériens, la question de la«repentance» française à propos de la période coloniale est devenue récurrente notamment dans les médias arabophones.
Un discours à Tlemcen pour la repentance?
François Hollande va donc être attendu sur cette question. Dans le but d’œuvrer pour «l’apaisement» qu’il ambitionne entre les deux pays, va-t-il demander pardon au peuple algérien au nom de la France?Si cela arrive, on devine à l’avance la polémique qui va naître dans l’Hexagone et elle sera bien plus violente que celle qui a suivi les déclarations du président français à propos de la responsabilité de l’Etat dans les tueries du 17 octobre 1961 à Paris.
Dans un contexte de perte de vitesse de la gauche et d’interrogations à propos de la capacité de François Hollande à diriger une France plongée dans une grave crise économique et sociale, une telle polémique serait une belle diversion mais elle présenterait aussi le risque d’envenimer la situation politique.
A l’inverse, si François Hollande élude la question coloniale ou s’il s’en sort avec quelques vagues déclarations, ce sont les Algériens qui risquent d’être déçus et il faudra s’attendre à ce que les critiques francophobes reprennent de plus belle.
A Alger, il se dit toutefois que le président français devrait «consentir un grand geste symbolique». Lequel? Mystère.
Une chose paraît certaine, nombreux sont les officiels algériens qui sont persuadés que François Hollande prononcera à Tlemcen —ville de l’ouest algérien où il devrait se rendre— un «grand discours».
Faut-il d’ores et déjà parler du «discours de Tlemcen»? Réponse dans quelques jours.
Du commerce vers le partenariat: la France sommée d’évoluer
L’autre grand volet du voyage présidentiel est bien entendu économique. A ce jour, la France reste bon an mal an, le premier partenaire économique de l’Algérie même si des pays comme la Chine, l’Espagne ou l’Italie lui taillent des croupières.C’est cette position dominante que tente de conforter Paris avec, entre autre, les visites régulières de l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
Mais Alger a de plus en plus de mal à cacher son impatience. Depuis quelques années, les acteurs économiques algériens reprochent à leurs homologues français de continuer à considérer«le marché algérien comme éternellement acquis», pour reprendre l’expression d’un patron algérois.
Le cœur du différend est connu: les entreprises françaises rechignent à investir en Algérie et préfèrent écouler leurs produits dans un pays où le boom de la consommation est patent (les importations ont augmenté de 500% en moins d’une décennie!).
Pour se défendre, les entreprises françaises arguent que la législation algérienne reste archaïque et que l’obligation faite pour tout opérateur étranger de s’associer avec une entreprise algérienne (laquelle doit détenir au minimum 51% de la société commune) est un sérieux obstacle.
En tout état de cause, près d’une quinzaine d’accords de coopération devraient être signés parmi lesquels l’entente finale entre le gouvernement algérien et le constructeur automobile Renault.
Mais il n’est pas sûr que cela suffise à satisfaire les dirigeants algériens. Les visites préparatoires au voyage de François Hollande, dont celle de Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, ont même généré quelques agacements.
«On se croirait revenus au début des années 1980, quand Pierre Mauroy et Edith Cresson nous sommaient d’acheter du Made in France pour aider la gauche française au pouvoir. C’est un peu le même discours qui nous est servi en ce moment», déplore un haut responsable algérien.«Aujourd’hui, nous voulons parler de partenariat et de co-localisation, et, en face, il n’est question que de nous fourguer (sic) des produits français que, de toutes les façons, nous achetons déjà ou que nous pouvons acheter ailleurs», renchérit de son côté un influent patron qui dit «ne pas attendre grand-chose» de cette visite.
Akram Belkaïd
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