Le Quotidien d'Oran, mercredi 5 décembre 2012
Akram Belkaïd, Paris
Le 1er décembre dernier a donc vu au Mexique le retour aux affaires présidentielles du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), au pouvoir de 1929 à 2000 (!). Lors de son investiture, le président Enrique Peña Nieto, élu le 1er juillet dernier, a promis que son parti -longtemps accusé d'avoir inventé la "dictature parfaite" tant il paraissait indéboulonnable- avait changé. Le numéro un mexicain a même déclaré que "le moment du Mexique est venu", promettant à ses concitoyens de s'occuper en priorité des questions de prospérité.
PAUVRETÉ, CORRUPTION ET INSÉCURITÉ
Il faut dire que le Mexique, pays exportateur de pétrole, n'échappe pas à la malédiction des producteurs d'hydrocarbures. En 2012, près de 46% de la population vit sous le seuil de pauvreté avec moins de 100 dollars par jour contre 43% en 2006. Une situation délicate et inégalitaire quand on sait, par exemple, que c'est au Mexique que vit Carlos Slim, l'homme le plus riche du monde. Certes, selon les grandes institutions internationales, ce pays est l'un des plus prometteurs en matière de croissance et de développement et cela ne serait-ce qu'en raison de son potentiel industriel. Mais encore faudrait-il que les réformes réclamées, notamment par le Fonds monétaire international (FMI), soient mises en œuvre.
Si la privatisation du secteur pétrolier n'est pas à l'ordre du jour, il se pourrait que Nieto s'attaque à une administration étatique pléthorique et inefficace. Bien sûr, en arrière-plan, c'est la question de la corruption qui est urgente à traiter. Clientélisme, marchés truqués, postes mis aux enchères, rackets divers auxquels sont soumis les acteurs économiques: la corruption est un fléau majeur qui ronge la société mexicaine déjà minée par les inégalités et la violence. Pour le président Nieto, la croissance et la création d'emplois devraient réduire les pratiques illégales mais cela ne suffira pas à remettre de l'ordre dans un pays régulièrement épinglé par les instances internationales de lutte contre la corruption.
L'une des conséquences de cette dernière est bien sûr l'insécurité et la violence exercée par les cartels de drogue. En six ans, la guerre contre ce type de criminalité a fait plus de 60.000 morts et des régions entières, notamment celles du nord du pays, échappent peu à peu au contrôle de l'Etat fédéral mexicain. Initiée par son prédécesseur Felipe Calderon, la lutte armée à outrance contre les cartels est loin d'avoir atteint ses objectifs. Plus grave encore, les réseaux de drogue sont de mieux en mieux organisés et une grande partie de leurs revenus irrigue désormais les circuits économiques légaux (tourisme, banques…). A cela s'ajoute le fait que les services de sécurité sont eux-mêmes gangrenés par le banditisme à grande échelle.
DE LA RESPONSABILITÉ DES ETATS-UNIS
Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas le Proche-Orient ou même la Chine qui inquiètent le plus les Etats-Unis. Pour l'administration Obama, comme pour ses devancières, le Mexique est un véritable cas de sécurité nationale car, sans le proclamer haut et fort, Washington craint l'effondrement de cet Etat. C'est à l'aune de cette analyse qu'il faut interpréter les promesses du président Nieto de mieux sécuriser la frontière avec son grand voisin du Nord. Un voisin riche et puissant dont la responsabilité dans l'évolution récente du Mexique est loin d'être négligeable. En effet, les Etats-Unis sont le principal débouché pour la drogue en provenance d'Amérique du Sud. C'est aussi dans ce pays que les cartels de drogue s'approvisionnent en armes puisque ces dernières y sont pratiquement en vente libre. On le voit, l'équation mexicaine dépend aussi de la variable étasunienne…
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