Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

jeudi 20 décembre 2012

La France ne peut pas se passer de l'Algérie

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A l'heure des débats sur le passé franco-algérien, le chroniqueur Akram Belkaïd regarde vers le futur.


Discours de François Hollande à Alger le 19 décembre 2012. Philippe Wojazer / Reuters
l'auteur
 
                                           

Il est une vérité que nombre de Français et de Françaises n’aiment pas entendre. Mais qu’importe: profitons de la visite de François Hollande dans notre bon pays pour l’énoncer : Dans les années à venir, la France aura plus que jamais besoin de l’Algérie.
Je ne dis pas du Maghreb, je dis de l’Algérie et l’on me pardonnera cet exclusivisme qui pourrait heurter quelques consciences maghrébines unitaristes.
Oui, la France a besoin de l’Algérie parce qu’il est temps que l’Hexagone se souvienne qu’il est aussi un pays méditerranéen et, qu’à bien y regarder, il n’a guère gagné à courir derrière l’Allemagne au cours de ces trente dernières années.

Pourquoi occulter l'autre réalité possible?

On insiste trop souvent sur les malentendus, les polémiques mémorielles et les prurits identitaires qui opposent l’Algérie à la France. C’est occulter une autre réalité possible. Quelque chose qui a besoin d’être consacré à haut niveau et qui ne serait pas tu comme on passe sous silence des vérités dérangeantes.
La France a besoin de l’Algérie parce que ce pays est, d’abord, l’un des rares avec lequel elle fait de très bonnes affaires. C’est avec l’Algérie que chaque année, la France présente un solde commercial positif. C’est en Algérie que le « made in France » va de soi même si les importations en provenance d’Orient, qu’il soit proche ou extrême, ont tendance à augmenter.
La France a besoin de l’Algérie parce que près de 3 milliards d’euros prennent la direction de l’Hexagone chaque année. Cette fuite de capitaux, qui se fait le plus souvent en dehors des circuits officiels, irrigue l’économie française.
Cela fait vivre le bâtiment et permet aux agences immobilières françaises de faire de belles affaires. Reconnaissons au moins l’existence de ces flux d’argent pour en finir avec le détestable raccourci du visa et les images d’Algériens misérables qui rêveraient en permanence de la France.

La France, une puissance de second ordre

La France a besoin de l’Algérie parce qu’elle n’est plus qu’une puissance de second ordre. Certes, il y a toujours ce droit de veto au Conseil de sécurité de l’Onu mais jusqu’à quand ?
La France a besoin d’alliés, riches et puissants sur le plan démographique. A l’heure où l’on sent bien que des forces concomitantes poussent la France – et ses entreprises telles qu’Areva – en dehors du Sahel, Paris n’a pas d’autre solution que de trouver en Alger un précieux relais et recours. Il y a urgence car les sirènes étasuniennes se font de plus en plus entendre en Algérie…
La France a besoin de l’Algérie parce que le monde arabo-musulman bouge et que l’illusion du Qatar en tant que puissance tutélaire d’une zone géographique bien turbulente se dissipera tôt ou tard.
Jamais, la France n’a été aussi influente dans le monde arabe que lorsque ses initiatives politiques ou diplomatiques étaient relayées ou soutenues par l’Algérie.

Le futur n'attend pas

L’enjeu de demain, sera de compter face aux blocs émergents asiatiques et au duo Etats-Unis et Brésil. La France peut bien jurer que c’est l’Europe qui lui donnera sa marge de manœuvre mais l’on sait bien aujourd’hui que cette Europe n’est rien d’autre qu’un immense marché ouvert sous influence britannique et allemande.
La France officielle doit donc reconnaître qu’elle a besoin de l’Algérie. C’est d’autant plus nécessaire que quelque chose se passe entre les deux pays. Des hommes et des femmes vont et viennent. Ils ont les deux nationalités et construisent leurs vies à cheval entre les deux pays.
Cela mériterait un cadre plus formel, une dynamique politique moins compassée. Le passé et ses tourments ne doivent plus être portés comme une honte car, c’est bien connu, le futur n’attend pas.
Akram Belkaïd

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