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mercredi 19 juin 2013

Casablanca rétrogradée, les Bourses du Golfe supplantent leurs rivales maghrébines

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  • Akram Belkaïd           
  • Maghreb Emergent, mardi 18 juin 2013                 
  •                                                                                                              
     La décision est tombée la semaine dernière. La Bourse de Casablanca ne fera plus partie de l’un des plus importants indices regroupant les principales places émergentes. Les Bourses du Golfe qui « montent » dament le pion à leurs rivales maghrébines et africaines. Explications.
     
     Morgan Stanley Capital International (MSCI), le groupe financier qui développe et conçoit des indices boursiers, a en effet annoncé que la place marocaine n’appartiendra plus, à partir de novembre 2013, au MSCI Emerging Markets index et qu’elle est transférée dans l’indice des marchés dit « frontaliers » (frontier markets), c’est-à-dire les places qui sont considérées un rang au-dessous des marchés émergents. On relèvera au passage que MSCI vient aussi d’y déplacer la Bourse d’Athènes, qui appartenait pourtant au groupe fermé des marchés dits développés.
     
     Cette rétrogradation de la place de Casablanca n’est pas une surprise puisque cela fait plus d’un an qu’elle est envisagée en raison des performances plus que contrastée de la Bourse marocaine. Selon MSCI, c’est le manque de liquidité de ce marché qui est à l’origine de son placement dans le MSCI Frontier Markets index (on y trouve aussi le Nigeria et le Kenya). Pour mémoire, la liquidité d’une Bourse se définit à partir de l’importance du volume quotidien des transactions et de la facilité qu’a n’importe quel investisseur, local ou étranger, à acheter ou vendre une action en un temps rapide et cela sans que cela n’ait un impact majeur sur les prix. Et c’est parce que la Bourse de Casablanca n’abrite pas suffisamment d’échanges, que nombre de ses valeurs ne changent pratiquement jamais de main et que les variations de trois ou quatre valeurs ont un impact conséquent sur l’orientation générale du marché, que MSCI a estimé que la place marocaine ne remplissait plus les critères pour être qualifiée d’émergente.
     
     Plus question d’attirer les fonds internationaux
     
      En temps habituels, la sortie du MSCI Emerging markets index n’est pas une bonne nouvelle. Cela signifie, entre autre, que nombre de fonds d’investissements ne peuvent plus intervenir dans la place rétrogradée. En effet, les règles de fonctionnement de ces fonds, leurs engagements à l’égard de leurs clients mais aussi leur communication financière sont liés à la nécessité d’opérer sur des Bourses labélisées comme émergentes par MSCI ou par d’autres sociétés d’indices à l’image de FTSE (la société qui gère le principal indice de la Bourse de Londres). « La Bourse de Casablanca est détenue à 30% par des investisseurs étrangers mais, pour leur grande majorité, il ne s’agit pas de fonds internationaux. La décision de MSCI ne devrait pas affecter cette proportion », tempère toutefois un banquier marocain. En clair, les étrangers présents sur la place marocaine ne devraient pas être obligés de se retirer du marché. Mais, dans le même temps, l’époque où Casablanca célébrait avec faste son entrée dans le MSCI Emerging Markets index semble bel et bien terminée et il n’est plus question pour elle d’attirer les grands fonds internationaux. A la fin des années 1990, la Bourse marocaine, modernisée et automatisée, entendait rejoindre l’Egypte et l’Afrique du Sud dans le haut du panier des marchés africains. Ce qu’elle a réussi et ce qui a contribué à l’amélioration du rating international et de l’attractivité du Maroc. Mais, aujourd’hui, la place n’est animée que grâce à une dizaine de valeurs, trois d’entre elles ayant été sélectionnées par MSCI : Maroc Telecom, Attijariwafa et Addoha.
     
     Purgatoire… ou marchepied
     
    Plusieurs experts marocains tempèrent néanmoins l’importance de l’annonce de MSCI en affirmant que le passage au MSCI Frontier markets index n’est pas une aussi mauvaise nouvelle que ça et que cela devrait attirer d’autres types d’investisseurs étrangers même s’il s’agit de fonds plus spéculatifs. Une opinion jugée optimiste par un ancien opérateur de la Société Upline Securities pour qui le rang de « Frontier market » est soit « un purgatoire pour des places jugées en déclin soit un marchepied pour des Bourses en plein développement ». Et d’affirmer, que la Bourse de Casablanca a un besoin urgent de « redynamisation » par le biais éventuel de privatisations mais aussi de réformes destinées à injecter une partie des liquidités circulant dans le marché informel dans la sphère boursière. A ce sujet, l’expert cite l’exemple des Bourses du Qatar et des Emirats arabes unis (EAU), membres jusqu’à présent de l’indice des marchés frontières et que MSCI vient d’intégrer dans les Bourses émergentes. Selon les estimations du quotidien The National, cela signifie que ces deux marchés du Golfe, qui ont mis six ans à convaincre MSCI de leur capacité à intégrer l’indice des marchés émergents, devraient attirer à eux deux près d’un milliard de dollars de flux financiers supplémentaires en provenance de l’étranger.
     
     Bientôt une rétrogradation de la Bourse du Caire
     
     Ainsi, les Bourses du Golfe sont donc en train de damer le pion à leurs rivales maghrébines voire africaines exception faite de celle de Johannesburg qui garde son label émergent. En effet, MSCI a aussi annoncé regarder de près la situation de la Bourse du Caire, notamment en ce qui concerne la liquidité mais aussi les restrictions en matière d’ouverture du capital des entreprises publiques cotées à des investisseurs étrangers. De fait, il est plus que probable que la Bourse égyptienne fera elle aussi bientôt partie de l’indice des marchés frontières. Dans un contexte où la Bourse de Tunis est jugée à la fois illiquide et peu fiable tandis que celle d’Alger relève presque de l’anecdote, quoiqu’en prétendent ses dirigeants et la poignée de sociétés qui y sont cotées, l’émergence en termes boursiers reste donc encore un objectif lointain à atteindre en Afrique subsaharienne comme au Maghreb.
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