Le Quotidien d'Oran, mercredi 22 mai 2013
Akram Belkaïd, Paris
On pensait que la crise avait eu raison de l’augmentation des produits agricoles mais c’était une erreur. Comme le montre le dernier rapport Cyclope sur les matières premières, non seulement les cours ont repris leur évolution à la hausse en 2012 mais la tendance devrait se maintenir pour les prochains mois. De quoi inquiéter tous les pays dont la sécurité alimentaire est fragile ainsi que ceux dont le climat social, déjà tendu, pourrait s’alourdir si les prix des produits de première nécessité venaient à flamber.
La crise, la Chine et le climat
Pour Philippe Chalmin, professeur à l’université Paris-Dauphine et coordinateur du rapport, l’économie mondiale reste engluée dans la crise de 2007 avec son lot d’incertitudes et de phénomènes erratiques cela en raison de l’absence de gouvernance mondiale. Cette incapacité à trouver des solutions globales renforce l’inquiétude des marchés financiers et encourage même les stratégies spéculatrices. En clair, le navire planétaire a perdu son gouvernail et la bride est lâchée pour les investisseurs.
De même, et comme chaque année, la Chine demeure un facteur de déséquilibre des marchés car l’évolution de sa demande conditionne les prix de nombres de produits qu’il s’agisse des métaux, des hydrocarbures ou des produits agricoles. Alors que les mesures de refroidissement de l’économie chinoise en 2012 avaient eu un effet baissier sur les commodités, le retour d’une croissance forte, et donc une hausse de la demande, a provoqué l’emballement des cours. Année après année, le « facteur chinois » est de plus en plus déterminant comme c’est par exemple le cas pour le coton ou le soja.
Le climat est aussi un facteur qui pèse. La sécheresse subie par plusieurs pays agricoles dont le Brésil, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, est l’une des raisons majeures du retour de « l’agflation » (contraction des mots agriculture et inflation. Du coup, tout le monde retient son souffle en ce qui concerne les prochaines récoltes. Ces dernières sont annoncées à la hausse mais il faudra tout de même attendre la fin de l’été en espérant notamment que les Etats-Unis bénéficieront d’une bonne pluviométrie pour leurs champs de céréales.
Le retour en grâce de l’éthanol
Un autre facteur qui provoque la hausse des cours des céréales est la bonne tenue des prix de l’éthanol. Après trois années de relative désaffection, le marché brésilien des agro-carburants a retrouvé son dynamisme avec une production qui devrait atteindre 24 milliards de litres pour la période 2013-2014. Premier exportateur et deuxième producteur mondial, le Brésil a un véritable effet d’entraînement sur ses concurrents mondiaux et conditionne donc l’orientation du marché et de la demande en produits agricoles transformés en essence. On se souvient de la fin des années 2000 où, attirés par des prix plus élevés, les agriculteurs avaient préféré vendre leurs récoltes à des usines de fabrication d’alcool vert ce qui, par ricochet, avait raréfié les produits agricoles destinés à la consommation humaine. Cela avait entraîné notamment des émeutes au Mexique en raison de la flambée des cours du maïs.
Cette perspective d’une résurgence de l’agflation devrait pousser l’Algérie à réfléchir en urgence aux moyens de diminuer sa dépendance alimentaire. Constitutions de stocks, achats de terres à l’étranger, relance de la production locale, dynamisation de la filière agro-alimentaire : des pistes existent et demandent à être analysées dans le cadre d’une réflexion nationale.
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