Le Quotidien d'Oran, mercredi 4 juin 2014
Akram Belkaïd, Paris
Le gouvernement algérien vient donc de prendre l’irresponsable décision d’exploiter les hydrocarbures de schistes qui seraient contenus dans le sous-sol du pays. On notera au passage que l’Algérie va donc permettre à des opérateurs pétroliers étrangers de recourir à des procédés d’extraction – autrement dit la fracturation rocheuse – qui leur sont interdits dans leur propre pays. C’est le cas par exemple du groupe français Total dont le patron expliquait il y a quelques mois au quotidien Le Monde qu’il n’y a pas, pour le moment, d’autres méthodes pour récupérer ce type de pétrole ou de gaz. Or, il est prouvé que cette technique est polluante et qu’elle met en danger les réserves aquifères – pour bien le comprendre, il suffit de se reporter à l’actualité du Québec ou des Etats-Unis. Pour résumer, permettre à autrui de réaliser ce qu’il ne peut se permettre chez lui est peut-être la définition que donne le gouvernement algérien au terme de souveraineté ou à celui de patriotisme. Mais passons.
Une addiction
Quand on évoque l’économie algérienne, un fait s’impose. C’est sa totale dépendance aux hydrocarbures qui représentent entre 95 et 98% des recettes extérieures. Plus de cinquante ans après l’indépendance, ce taux dit à lui seul l’échec des politiques économiques menées depuis 1962. La diversification, qu’il s’agisse de l’industrie ou des services, reste un vœu pieu et c’est peu dire que le peuple algérien mange du pétrole et boit du gaz puisque, sans les hydrocarbures, l’Algérie serait incapable d’honorer sa facture alimentaire. En théorie cela devrait provoquer un sentiment d’angoisse et d’urgence. Il n’en est rien et le système fonctionne comme si les réserves d’or noir et de gaz étaient éternelles.
En termes imagés, on parle ainsi d’addiction au pétrole. Ce n’est pas exagéré. L’Algérie se conduit comme un camé au pétrole qui promet sans cesse de sortir de sa dépendance mais qui ne fait rien pour. Bien au contraire, l’accoutumance mais aussi la perspective d’un manque prochain pousse le toxicomane à se chercher d’autres substances jugées plus fortes. Dans le cas présent, il s’agit des hydrocarbures de schiste. Des ressources dont l’exploitation, catastrophique sur le plan environnemental – on ne le dira jamais assez -, va prolonger cette addiction et maintenir l’Algérie dans son mal, c’est-à-dire son incapacité à diversifier son économie et donc, à créer suffisamment d’emplois (si le pétrole offre de la richesse, il a peu d’impact direct sur le chômage).
Dans l’arsenal d’expressions convenues à propos de cette situation, on évoque souvent le « mal hollandais », en faisant référence aux conséquences négatives provoquées par l’exploitation des gisements pétro-gaziers de la Mer du nord sur l’économie des Pays-Bas (hausse de l’inflation, appréciation du florin, baisse des exportations hors hydrocarbures, perte de compétitivité…). Concernant l’Algérie, le parallèle n’est pas faux mais il ne suffit pas à décrire la situation. Le « mal hollandais » des années 1960 et 1970 a touché un pays qui était déjà industrialisé et qui, très vite, a pu se sortir de cette nasse.
Pas de fonds souverain
L’Algérie, contrairement aux Pays-Bas, veut aller encore plus loin dans sa dépendance à l’or noir quitte à ne pas régler ses problèmes structuraux à commencer par une corruption endémique et une incapacité à rentabiliser ses excédents financiers avant que ces derniers ne commencent à fondre. On relèvera à ce sujet que la Norvège a su minimiser son « mal hollandais » en créant un fonds souverain destiné à préparer l’après-pétrole. Une perspective qui n’est toujours pas à l’ordre du jour en Algérie ! Après le pétrole ? Le pétrole… En clair, à bien y réfléchir, le mal hollandais paraît bien moins grave que ce qu’il convient désormais d’appeler le mal algérien.
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