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jeudi 12 juin 2014

La chronique économique : De l’impact économique d’une Coupe du monde de football

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 11 juin 2014
Akram Belkaïd, Paris
 
Organiser une Coupe du monde de football est-il rentable sur le plan économique ? Pour la majorité des experts, la réponse à cette question, que l’on peut d’ailleurs aussi poser à propos des Jeux olympiques d’été ou d’hiver, est négative. Non, contrairement à ce que l’on pourrait penser, accueillir le Mondial du ballon rond ne signifie pas forcément que la croissance sera dopée. A ce sujet, le cas du Brésil, qui va accueillir la compétition à partir de ce 12 juin, est des plus édifiants. Certes, le gouvernement brésilien estime que les revenus générés seront de l’ordre de 3 milliards d’euros grâce aux 600.000 touristes étrangers qui vont s’y déplacer et au fait que 3,3 millions de Brésiliens bénéficieront directement (toujours sur le plan économique) des retombées financières de la compétition.

SURCOUT ET « SYNDROME DE MONTREAL »

Mais il ne faut pas oublier que le coût estimé de la Coupe du monde est de 9 milliards d’euros, un montant impressionnant qui, de plus, risque fort d’être révisé à la hausse. A cela s’ajoute le fait que l’économie brésilienne risque de pâtir de la contestation sociale alimentée par la colère de nombreux Brésiliens contre les dépenses consenties pour les stades quand, dans le même temps, nombre d’entre eux n’ont pas de travail ou peinent à s’alimenter, se loger ou éduquer leurs enfants. Dans quelques mois, voire dans un an ou plus, on finira par avoir une estimation plus précise de ce qu’aura coûté le Mondial 2014, mais la compétition sera alors terminée depuis longtemps et cela n’empêchera pas d’autres pays à se porter candidats pour les épreuves à venir.

En termes de hausse du produit intérieur brut (PIB), Brasilia estime aussi que la Coupe du monde aura un impact positif sur la croissance de 0,4% par an jusqu’en 2019. Au regard des dépenses consenties, c’est peu. Bien sûr, une victoire de la « Seleçao brasileira » aura certainement un impact sur les dépenses de consommation au cours des premiers mois qui suivront la finale du 13 juillet. Mais, comme l’a prouvé l’exemple de la France en 1998 ou même celui de l’Italie en 2006, ce coup de pouce bienvenu ne dure jamais longtemps. On pourrait aussi citer l’Espagne qui, bien que victorieuse en 2010, n’a guère connu d’effet « mundial », cela d’autant que le pays était confronté à une grave crise économique et financière.

Par ailleurs, on a aussi du mal à quantifier la contribution future des infrastructures bâties pour l’occasion. Mis en services pour quelques semaines, de nombreux stades risquent d’être peu utilisés par la suite, devenant ainsi une charge pour les finances publiques. C’est ce que l’on pourrait appeler le « syndrome de Montréal », en référence aux Jeux olympiques d’été de 1976 dont l’une des conséquences a été que les habitants de la ville du Québec ont payé pendant trente ans (1976-2006) la construction d’un stade qui ne sert plus à grand-chose aujourd’hui…

GAIN POLITIQUE ET PRESTIGE

Pourquoi le Brésil a-t-il donc organisé la Coupe du monde, sachant que les retombées économiques sont si aléatoires ? La réponse coule de source. C’est la recherche de gains politiques et géopolitiques qui prime. Une victoire en Coupe du monde fait taire (durant un temps) les divisions internes, ressoude un pays et permet de faire diffuser un peu de bonheur (même s’il est artificiel) dans la société, ce qui est toujours bon pour soutenir la consommation. De même, et bien qu’on ne le dise jamais ainsi, un pays qui organise la Coupe du monde de football fait son entrée dans un club très fermé, presque aussi prestigieux que celui des vainqueurs du trophée. En réussissant « son » Mondial de foot, l’Afrique du Sud a ainsi gagné de précieux galons et montré à la face du monde que c’était un pays « capable de... ». Et pour convaincre un investisseur étranger, cela fait partie des arguments qui comptent… Au Brésil maintenant de convaincre qu’il est bien l’une des grandes puissances du XXIème siècle.
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