Le Quotidien d’Oran, jeudi 21 décembre 2017
Akram Belkaïd, Paris
Oui poto, l’histoire des gars (et maintenant
des femmes !) qui se battent à coup de néons continue encore. Huitième
épisode mon frère ! Donc, pour bien caler les choses, je reprends depuis
la fin du dernier opus. Le sept, oui, celui qui suivait le six qui était en
fait le trois dans l’ordre de diffusion. Tu n’as toujours rien compris ?
Ce n’est pas grave. On reprend. Souviens-toi, c’était à la fin du septième
épisode, il y a longtemps, dans une galaxie far
far away... En trois dimensions, lunettes spéciales à un euro sur le nez parce
qu’on a perdu celles de la dernière fois (attention aux allergies), on voit un
type, de dos, au sommet d’une montagne qui surplombe l’océan. Au début du
numéro huit, une fille, dont on devine qu’elle est aussi douée que lui, vient
lui rendre visite. Salut monsieur Jedi, tu es tout seul ? Pourquoi te
caches-tu ? Tiens, voilà, je t’ai ramené ton néon comme ça tu pourras
aller te battre contre les vilains. Tu sais, les méchants qui craignent le
grand remplacement et adorent écouter Alain Finkielkraut (non, elle ne dit pas
ça, c’est le chroniqueur qui rajoute cette « mésidonce » -copyright
l’imam vous savez qui-, à propos du philosophe désormais biker).
Bon, le problème, c’est que le gars en
question (le Jedi au sommet de la montagne, pas Finkie) ne veut plus se battre.
Dans sa tête, à force de regarder les dauphins et le niveau de l’eau monter à
cause du réchauffement climatique, il a compris plein de choses – que le
spectateur, avouons-le, a du mal à saisir, mais ce n’est pas grave – et ça l’a
bien changé notre ami Luc. Il préfère rester sur l’ile pour surfer sur internet
quand il y a du réseau. Et c’est normal, car il ne peut que s’inspirer d’un
autre Luc, le saint, qui dit un jour « paix
sur la galaxie aux hommes de bonne volonté ». Veut plus de baston le
Jedi… Pas grave, la jeune fille connaît son destin, c’est à elle d’aller défier
les méchants, surtout celui qui lui parle en télépathie et qui n’a pas résolu
son problème d’oreilles décollées. Pendant ce temps-là, un monstre poilu,
pilote à ses heures, mange des oiseaux rôtis. Leurs congénères encore vivants
lui en veulent. Il a un peu de remords mais, au final, s’en moque. Oh, Aymeric !
Choubaka ne veut pas être Vegan… C’est l’un des messages principaux du huitième
opus de Star Wars. Ajoutons à cela un autre fait d’importance : l’Algérie
tient un petit rôle dans le film puisque des Fennecs de glace sauvent la mise
aux gentils.
Soyons un peu sérieux et cessons de
divulgâcher. Ces dernières années, Hollywood a un vrai problème avec ces films
dits de grand spectacle. Ça cause trop et ça cogne peu. Pas assez de duels, pas
assez de batailles spatiales, pas de combats interstellaires qui durent vingt
minutes. Par contre, ça philosophe à tout va. Ça se prend la tête. Suis-je bon
ou méchant ? La force ou le côté obscur ? Barça ou Madrid ? Et
ça papote, ça s’interroge, ça introspecte (je sais, forme incorrecte mais
pourquoi ne pas innover ?), ça vaticine (oui, oui, aux dernières
nouvelles, ticine va bien !) et ça carbure sec du plafonnard. Bref, on se
dit que les scénaristes ont lu et relu La
Philo (ci di filous) pour les nuls et qu’ils ont décidé de truffer le film
de références plus ou moins cachées qui feront le bonheur d’une armée de
thésards désargentés.
Ceci étant, il y a tout de même un peu
d’action. Des courses-poursuite galactique, des créatures venues d’ailleurs ou
de nulle part et une ou deux belles scènes de combats avec des néons dont on
aurait aimé qu’elles durent tout le film, surtout celle où un méchant armé d’un
marteau et d’un piolet… Non ! N’insistez pas, je ne divulgâcherai pas.
Le problème, c’est qu’à chaque fois le bla-bla
revient vite ou alors, pire encore, la prise de tête à propos du défi
technique. Dans Star Wars, comme dans tous les Marvell ou les autres films de
super-héros aux super-pouvoirs, il y a sans cesse un charabia technologique
dont le spectateur – qui commence à avoir mal aux genoux, c’est mauvais signe –
ne pige que pouic. Mais là aussi, c’est une évolution intéressante. Dans ces
films, le héros n’est rien par lui-même. Il lui faut aussi faire face à un
problème technologique (du genre, « attention, la subconnectivité met en
danger le superphaseur à trinitrons ! ») qu’il ne peut résoudre seul.
Plus intéressant encore, le ou les héros sont
intrinsèquement plus faibles que l’ennemi. Ils ne peuvent pas vaincre grâce à
leurs seuls néons, leur seule force ou à leurs pouvoirs. Il leur faut plus. Il
leur faut ce que l’adversaire n’a pas : une conscience, une fierté, une
solidarité humaine, de l’espoir ou un esprit de sacrifice. Et tout cela ne les
fait l’emporter que de justesse. On dirait ainsi que Hollywood prend acte de la
faiblesse (relative, n’exagérons rien) des Etats Unis. Les ennemis dans les
films, autrement dit, dans le monde réel, la Chine, la Corée du Nord ou même la
Russie, sont perçus comme des pays plus puissants que
l’Amérique et capables donc de la mettre à terre. Alors, pour gagner les
guerres qui s’annoncent – pardon, je corrige pour ne pas être accusé de verser
dans un pessimisme inutile : pour gagner les guerres qui pourraient venir,
l’Amérique est invitée par le cinéma à puiser dans les ressources de l’âme pour
dompter le feu technologique. Darth Vader – que des zozos monolingues ont,
hélas, traduit en Dark Vador – n’est plus là depuis longtemps mais d’autres
forces l’ont remplacé. Et Star Wars numéro huit nous dit que la victoire passe
par un retour aux sources. Make the force
great again…