Le Quotidien d’Oran, jeudi 16 février 2017
Akram Belkaïd, Paris
Il y a dans le football, du moins pour celui qui le regarde
régulièrement, d’étranges intuitions, des règles qui relèvent de l’irrationnel.
Ainsi, les premières minutes d’un match peuvent-elles être annonciatrices de ce
qui va suivre, surtout quand il s’agit d’une déroute. La rencontre de mardi
soir entre le Paris-Saint-Germain (PSG) et le Barça en est un bon exemple. Au
bout de deux minutes, s’est dessinée la perspective d’une défaite, pire d’une
« triha ta3 lekleb », une raclée de chiens. Dans ce genre de
situation, on se prend à espérer que les choses se dérouleront autrement, mais
au fond de soi, on sait. La hargne et
la « grinta » des uns, la faiblesse et l’apathie des autres. Les
premiers duels gagnés facilement, les balles que l’on renvoie fort et l’air
pour une équipe dont la philosophie exige la « relance propre ». Les
joueurs qui rechignent à courir ou qui sont hors de condition. Les Barcelonais
qui entrent sur le terrain avec, dans l’attitude, un je-ne-sais-quoi qui trahit
la suffisance à l’égard d’une équipe de jeunots : tout cela donne un
avant-goût du naufrage qui s’annonce.
Il est souvent difficile de situer le moment où une grande
équipe perd de son lustre et redescend définitivement sur terre. Au virage des
années 2010, entrainé par Guardiola, le FC Barcelone était au sommet de son
art. La finale de 2011 contre Manchester United restera comme l’aboutissement
d’une équipe réglée comme une machine de guerre, capable de tous les exploits
quel que soit l’adversaire. C’est après cette finale que le Barça actuel a amorcé
son déclin. Des joueurs ont vieilli (Xavi, Iniesta), d’autres sont partis à la
retraite (Puyol) tandis que l’entraîneur emblématique prenait une année
sabbatique avant de rejoindre d’autres équipes. A l’époque, déjà, quelques
confrères avaient relevé que le départ de Guardiola n’était pas anodin. Qu’il
signifiait que le concerné n’avait pas obtenu gain de cause dans sa volonté de
renouveler les effectifs et de prier quelques vedettes un peu trop sûre
d’elles-mêmes (Piqué) d’aller jouer ailleurs.
Les férus de statistiques objecteront que le Barça a été étincelant
en 2015, année où il notamment remporté cette fameuse Ligue des champions dont
le PSG l’a pratiquement éliminé avant le match retour le 8 mars prochain. C’est
vrai. Il est juste aussi de rappeler que cette équipe a très bien joué l’année
dernière (elle a gagné le championnat), surtout quand Lionel Messi, son joueur
vedette était… absent pour blessure (tiens, tiens…). Mais, à dire vrai, ce
n’était pas la même mécanique parfaite, cette fluidité qui fit dire à un ami
musicien que le Barça jouait parfois une symphonie silencieuse avec des
partitions secrètes, illisibles pour le commun des entraineurs et des joueurs.
Le titre européen de 2015 n’était pas le synonyme d’un renouveau mais juste
d’un prolongement pour ne pas dire d’un retardement. D’ailleurs, et à regarder
le classement provisoire de la Liga, le Barça risque fort de ne pas remporter
le championnat espagnol cette année. Crise en vue…
Parmi les dictons dont raffole le milieu du football il y a
celui qui dit que dans ce sport, les défaites sont plus nombreuses que les
victoires sauf pour les grandes équipes. Depuis 2006, et son deuxième titre
européen, le Barça a gavé ses supporters, surtout durant la période 2009-2011.
Les gens s’habituent vite, trop vite, au succès. Ce même succès oblige à la surenchère
en matière de recrutement de stars et attire des gens au stade qui n’y allaient
pas avant (parmi eux, on trouve ceux qui filment le match avec leur tablette au
lieu de tout simplement profiter du moment). Pour qui aime le foot, il y a
quelque chose de passionnant dans les lendemains de défaite. Passé le quart
d'heure ronchon, c’est la perspective d’une reconstruction, d’une réinvention.
Luis Enrique, l’entraîneur actuel, va peut être s’en aller. Lionel Messi va
peut être aussi monnayer ailleurs ce qui lui reste comme génie et fulgurances.
Ainsi va la vie d’une équipe de football, aussi prestigieuse soit-elle. Des
« supporters » s’en détourneront, d’autres vivront dans le souvenir
des belles soirées européennes et puis, un jour, un nouveau cycle commencera,
du moins il faut l’espérer.
A l’opposé, il est encore trop tôt pour dire qu’une grande
équipe est née à Paris. Attendons un peu la suite. Une épopée, une vraie, se
termine avec la victoire en finale. Il fut un temps où les commentateurs
sportifs français s’enflammaient pour un parcours s’arrêtant en demi-finale
(les "Verts" de Saint-Etienne) mais les temps ont changé et le football hexagonal a un grand,
un très grand retard à rattraper. Un seul titre de champion d’Europe en soixante
et une éditions, c’est un rang ridicule qui doit obliger à la retenue. Pour
autant, il est possible que le PSG soit le héros des prochains mois. Ses
actionnaires sont riches, ses joueurs, surtout les jeunes, sont talentueux, et
le travail de son entraineur commence à porter ses fruits. Si tout va bien et
que la mécanique ne s’enraye pas, les supporters parisiens ont de beaux jours
devant eux. Ceux du Barça (comme ceux du Mouloudia d’Alger, de la JS Kabylie
et, pire encore, du Mouloudia d’Oran, mais c’est une autre histoire) sont
appelés à être patients.
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