Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

lundi 3 septembre 2007

Le Maroc assemblera des Renault, l’Algérie continuera de les importer


Il y a quelques jours, la presse algérienne a annoncé, de manière plutôt lapidaire, la fin officielle du projet d’installation d’une usine de fabrication de véhicules de marque Fiat à Tiaret, dans l’Ouest du pays. Cette discrétion n’était pas dictée par une quelconque volonté de minimiser cet échec pour l’Algérie qui perdait là une occasion d’attirer un investissement étranger à la fois conséquent et symbolique.

En réalité, c’est le caractère attendu et peu original de l’information qui explique son traitement modeste. Depuis son lancement au début des années 1980, ce projet est très vite devenu un serpent de mer (un peu à l’image du métro d’Alger qui, à l’inverse, va enfin être finalisé, près de trente ans après son lancement !). De reports en vrais-faux redémarrages, « l’usine Fatia » - telle était sa dénomination – a alimenté une chronique de l’impuissance dont il a été très vite évident qu’elle se solderait par un échec.

Mais si l’abandon de ce qui devait être la première usine automobile d’Afrique du nord n’a surpris personne, il faut tout de même le mettre en perspective avec l’annonce, faite par Renault, d’investir 1 milliards de dollars dans la zone franche de Tanger au Maroc pour y construire une usine d’assemblage « low cost » avec une capacité maximale de 400.000 voitures par an dont 90% seront destinés au marché européen.

A moins d’une semaine d’élections législatives à haut risque – avec la perspective d’une percée importante des islamistes – le Maroc vient ainsi de confirmer sa capacité à attirer l’investissement étranger quelles que soient les inquiétudes que sa situation politique et sociale engendre et, surtout, quand son voisin algérien peine en faire de même (exception faite dans le secteur des hydrocarbures et de la construction).

Comment expliquer cela ? Il faut d’abord relever le choix stratégique du Maroc dans sa volonté de développer Tanger et d’en faire une plate-forme logistique incontournable en Méditerranée. A cela, il faut ajouter une certaine bienveillance des milieux d’affaires hexagonaux à l’égard du pays de Mohammed VI. Depuis plusieurs années, un certain nombre de grands patrons français militent ouvertement pour aider le Maroc et mettent leur carnet d’adresse et leur influence au service du Royaume qui sait bien leur renvoyer l’ascenseur.

A l’inverse, l’Algérie a du mal à « se vendre » comme terre d’investissement et ne semble représenter pour les firmes occidentales qu’une grande surface commerciale où il est plus rentable d’écouler des produits finis plutôt que les fabriquer sur place, cela alors que, dans bien des secteurs, une implantation locale serait cohérente avec la taille du marché et de la demande.

A cet égard, il serait intéressant de savoir comment le gouvernement algérien compte réagir à l’investissement de Renault au Maroc. C’est d’autant plus important que la marque au losange fait partie des principaux fournisseurs du marché algérien qui, avec en moyenne 180.000 véhicules importés par an, reste le plus grand du Maghreb. Va-t-on voir demain une Logane assemblée au Maroc être exportée à destination de l’Europe avant d’être revendue en Algérie ?

De façon générale, c’est toute la stratégie économique algérienne qui est interpellée par l’investissement de Renault au Maroc. Avec un baril de pétrole à 70 dollars qui lui offre une réelle aisance financière – et une tranquillité sociale, le gouvernement algérien fait-il suffisamment pour attirer l’investissement étranger – et donc l’emploi ? Ses réformes sont-elles vraiment prises au sérieux ? N’est-il pas temps, pour lui de prendre lui aussi en compte le fameux principe de réciprocité dont on entend parler en Europe, y compris dans cet antre libéral qu’est la Commission européenne. « Pas d’investissement, pas de marchés » est une expression qui, certes, ne définit pas une politique économique mais, au moins, aurait-elle le mérite de la clarté…

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Sur les importations de véhicules en Algérie :

5 commentaires:

Anonymous a dit…

salam
vous n'expliquez pas du tout pourquoi cette mise en perspective entre le maroc et l'algérie (Fiat en algérie et Renault au Maroc)? ça aide en quoi à analyser la situation économique des uns et des autres ? pourquoi cette mise en perspective ?
Renault n'est pas la seule à vouloir d'implanter au nord, le fait de lancer la construction du port à Tanger a encouragé plusieurs investisseurs à s'implanter au nord, n'oubliez pas que le nord a été marginalisé à lépoque Hassan II et que cela va relancer un peu l'économie de cette région.
Pourquoi vous avez parlé de la possibilité de la remontée des "islamistes" dans les élections dans votre article ..supposons que ça sera le cas et ..alors ? :)
Signé :
Une tangéroise ;)

Anonymous a dit…

sinon pour la remarque "Va-t-on voir demain une Logane assemblée au Maroc être exportée à destination de l’Europe avant d’être revendue en Algérie ?"
Renault va faire de la sous traitance au Maroc, plusieurs sociétés le font dans les pays du tiers monde, vous imaginez comment la réaction du gouvernement algérien ? vous pouvez développer ?

akram belkaïd a dit…

Salam,
je note simplement l'occurence de deux événements opposés. L'annonce d'un investissement et l'annonce de l'abandon d'un projet.

Dans une conjoncture de concurrence internationale de plus en plus vive, cela démontre que le Maroc est plus performant en matière d'attractivité.

Cela met en relief aussi la situation de l'Algérie qui est le premier importateur de Renault en Afrique mais qui n'a pas pu - ou voulu - convaincre Renault de bâtir une usine sur le sol algérien.

Anonymous a dit…

salam
oui concurrence internationale et en plus on parle de deux pays de tiers monde dont chacun est noyé dans des problèmes sans fin.
Alors si les gouvernements vont prendre des décisions économiques dans la simple perspective d"enerver" le voison..ça sera la cata
oui le maroc est peut être performant en matière d'attractivité après il faut voir tous les chiffres économiques par rapport à cela pour pouvoir comparer ..
Comme on parle de mondialisation sur ce blog, Renault va batir ses usines sur une superficie de 300 Ha, après il faut voir s'il y a une superficie déjà "prête" sinon comment on va s'arranger avec les habitants de cette terre
Il y a eu cette problèmatique avec la construction du port et la presse marocaine(certaine presse) a longuement commenté cela
Sinon être attractif nest pas suffisant pour faire face aux aléas de l'économie ni pour être fort , il faut que les pays sous developpés songent à produire au lieu de se tranformer en terres d'exploitation ou c'est bon de venir parce que la matière première et la main d'oeuvre ne sont pas chères et facilement exploitables ..
Tant de chose à dire..surtout que le nord est une région ayant tant ...souffert.
Merci en tout cas pour votre réponse. Bref
salam!

ahmed a dit…

Ici un commentaire de K.Selim dans le Quotidien d'oran du 2 septembre :


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La leçon Renault

par M. Saâdoune
Renault va construire une usine d'assemblage à Tanger d'une capacité de 200.000 voitures, pouvant être portée à terme à 400.000. Cette nouvelle est heureuse pour les Marocains qui, sachant ce qu'ils veulent, ont créé les conditions pour être attractifs. Elle est très irritante pour l'Algérie, un des principaux marchés de Renault et de Peugeot. A plus forte raison quand on la met en perspective avec les derniers chiffres du CNIS qui indiquent une explosion des importations de voitures en Algérie: plus de 51% au premier semestre 2007 par rapport à 2006. Plus précisément, ce sont 135.032 véhicules qui ont été importés au cours des six premiers mois 2007, contre 91.239 à la même période en 2006. Les Renault, puisqu'il s'agit d'eux, sont passés de 13.025 à 16 694. A la fin de l'année, on risque d'avoir un record absolu d'importations !

C'est beaucoup dans un pays où l'investissement dans les autoroutes réduit le rail à une peau de chagrin. C'est pour cela que tout en félicitant les Marocains, on est en droit de nous poser des questions. N'a-t-on pas donné un marché juteux sans aucune contrepartie ? N'y avait-il rien à faire pour inciter des constructeurs automobiles à installer des usines de montage en Algérie ?

En toute logique, outre un marché, il existe toutes les conditions (main-d'oeuvre pas chère, coût de l'énergie...) pour que l'Algérie attire un constructeur de la taille de Renault ou de Peugeot. Mais la logique a-t-elle un sens dans un pays qui ne sait pas valoriser - et monnayer - ses atouts et qui, surtout, semble être étouffé par un système de fonctionnement, de réflexion et de rente absolument réfractaire à la production ?

Il est quand même fascinant de comparer l'état d'esprit des pouvoirs publics et des opérateurs au Maroc avec ce qui se passe en Algérie dans le domaine de l'économie. Et, n'étaient le pétrole et le gaz qui gonflent nos chiffres, on ne résiste pas à la comparaison. Mais peut-être est-ce bien le pétrole qui fait de l'Algérie un pays ouvert au déferlement des produits extérieurs et quasiment interdit à la production ? Rien n'expliquerait sinon qu'on offre un marché sans la moindre contrepartie. C'est un langage que les constructeurs comprendraient et trouveraient naturel.

Le problème est que l'on n'est pas sûr qu'il y ait quelqu'un en Algérie qui leur tienne ce discours. On peut les imaginer, ces constructeurs éblouis par ce pays de cocagne, où l'on peut vendre massivement en se contentant d'ouvrir un bureau de liaison, un show-room, et en approvisionnant les concessionnaires. S'ils avaient anticipé en élaborant des projets pour l'Algérie, ils ont dû les laisser pourrir dans les cartons. Personne ne leur ayant rien demandé, pourquoi se casser la tête... Car c'est ainsi: que ce soit pour la pomme de terre, les médicaments... ou les voitures, la rente de l'importation est là pour faire de la production en Algérie une hérésie.