Le Quotidien d'Oran, jeudi 16 août 2012
Akram Belkaïd, Paris
La lecture du tableau des médailles final des Jeux Olympiques est toujours riche d’enseignements et c’est encore le cas pour celui des JO de Londres qui viennent de s’achever. Il y a d’abord la première place des Etats-Unis qui, avec 104 médailles dont 46 d’or (110 médailles dont 36 d’or en 2008 à Pékin), reprennent le leadership du sport mondial face à leur rival chinois (87 médailles dont 38 d’or contre 100 médailles dont 51 d’or en 2008). Ce n’est pas une surprise. En 2008, les Etasuniens n’avaient guère apprécié le fait d’avoir été dépassés par les Chinois. A l’époque, nombre de commentateurs y avaient vu un symbole d’ordre géopolitique. La Chine obtenant plus de médailles d’or que les Etats-Unis, n’était-ce pas là un signe parmi tant d’autres d’un rééquilibrage entre les deux puissances ?
Il faudra donc chercher ailleurs les signes du déclin américain. Certes, les Etats-Unis ont été moins dominateurs qu’avant en athlétisme – on pense notamment aux épreuves de sprint où la Jamaïque (12 médailles dont 4 d’or contre 11 médailles dont 6 d’or en 2008) et Usain Bolt ont été royaux – mais ils ont été présents dans toutes les grandes disciplines notamment en natation et en basket-ball. On notera, au passage, la médaille d’or de leur équipe féminine de football. Cette victoire est loin d’être anecdotique car le « soccer » (dénomination du foot aux Etats-Unis) est l’un des sports parmi les plus pratiqués par les jeunes étasuniennes dans les écoles primaires et les lycées. Cette dynamique, et les intérêts financiers qui commencent à s’agréger autour, va certainement contribuer à donner un surcroît d’audience mondiale à un football féminin de plus en plus spectaculaire (et souvent bien plus intéressant que son homologue masculin…).
De son côté, la Chine a confirmé que ses performances de 2008 n’étaient pas simplement dues au fait que ce pays était l’organisateur des JO. Bien sûr, le bilan chinois des Jeux de Londres est moins impressionnant que celui de Pékin. Il n’empêche. La Chine occupe désormais le rang prestigieux de premier challenger des Etats-Unis, rôle hier dévolu à l’ex-URSS ou à feu la RDA. En sport, comme ailleurs, le duel sino-américain ne fait que commencer. La Chine a pour elle la démographie, l’ambition débordante de la puissance émergente et des moyens financiers considérables. Face à cela, les Etats-Unis ont encore des atouts et des arguments. Ils disposent d’un extraordinaire réseau d’infrastructures sportives ainsi que d’une qualité exceptionnelle en matière d’encadrement technique et humain des sportifs. Ce n’est pas un hasard si nombre d’athlètes européens et africains préfèrent désormais s’entraîner aux Etats-Unis : coachs, psychologues, préparateurs sportifs, diététiciens : autant de domaines où l’Amérique a encore de l’avance sur ses poursuivants.
Le haut du classement montre aussi que quatre pays (Grande-Bretagne, Russie, Allemagne et France) se disputent le leadership européen. Les performances de la Grande-Bretagne (65 médailles dont 29 d’or contre 47 médailles dont 19 d’or à Pékin) s’expliquent bien sûr par le fait qu’il s’agissait de JO à domicile mais ce n’est pas tout. Outre des budgets en hausse grâce à l’arrivée de sponsors privés (notamment en cyclisme), ce pays est celui, où, avec les Etats-Unis, le sport a le plus droit de cité dans le système éducatif. C’est le cas aussi de l’Allemagne (44 médailles dont 11 d’or contre 41 médailles dont 16 d’or en 2008) où la pratique du sport pour écoliers et lycéens est non seulement obligatoire mais encouragée en dehors des cursus scolaires.
Sans sport à l’école, il ne peut y avoir de grande nation sportive même si le cas français fait figure de contre-exemple étonnant. Avec 34 médailles dont 11 d’or (contre 41 médailles dont 7 d’or à Pékin), on peut dire que la France a réalisé une grande performance pour un pays dont les installations sportives se dégradent d’année en année, où l’école n’accorde guère de considération à la pratique sportive (ne parlons même pas du sport universitaire qui est d’une totale indigence) et où la classe politique ne s’intéresse (ou ne fait mine de s’intéresser) qu’aux sports susceptibles de leur rapporter des voix (football, rugby et, parfois, hand-ball).
De fait, sans l’existence d’un réseau associatif important et dynamique, le sport français occuperait un rang bien moins important sur l’échiquier olympique. Enfin, on relèvera que la Russie (82 médailles dont 24 d’or contre 72 médailles dont 23 d’or en 2008) continue à tenir son rang et que la dissolution de l’ex-URSS semble être définitivement digérée. Plus important encore, dans ce pays aussi de l’argent commence à se déverser au profit de certaines disciplines et, on peut d’ores et déjà parier que, dans quelques années, la Russie fera partie du trio de pointe mondial avec les Etats-Unis et la Chine.
On terminera ce bilan express en plongeant dans les profondeurs du classement où figurent 85 pays médaillés. L’Algérie (une médaille d’or contre une d’argent et une de bronze en 2008) termine à la 50ième place, derrière la Tunisie, premier pays arabe (45ième avec 3 médailles dont une d’or contre une seule médaille d’or à Pékin). Ce n’est guère satisfaisant mais, hélas, cela n’a rien d’anormal. Combien de stades l’Algérie a-t-elle bâti depuis trente ans ? Combien de piscines ? Combien de salles omnisports ? Combien de vélodromes ? Zéro ou presque… Et qui peut affirmer qu’il existe une politique des sports dans un pays qui, pourtant, disposera bientôt de 200 milliards de dollars de réserves de change ? Il fut un temps, dans les années 1970, où la réforme sportive et l’instauration du « sport de masse » préparait l’avènement de grandes équipes (de football comme de handball) et de grands athlètes (Morceli, Boulmerka).
Bien sûr, la médaille d’or de Makhloufi au 1500 mètres a fait vibrer tout un peuple (passons un voile pudique sur le couac de son 800m…). Mais, avec une telle jeunesse, un tel potentiel, notamment en athlétisme (fond et demi-fond), il est impossible d’ignorer ou de relativiser le gâchis. Finalement, en sport, comme ailleurs, l’Algérie est à un rang de gagne-petit qui ne lui fait guère honneur (et qui devrait obliger à mettre en sourdine les discours d’autoglorification…).
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De son côté, la Chine a confirmé que ses performances de 2008 n’étaient pas simplement dues au fait que ce pays était l’organisateur des JO. Bien sûr, le bilan chinois des Jeux de Londres est moins impressionnant que celui de Pékin. Il n’empêche. La Chine occupe désormais le rang prestigieux de premier challenger des Etats-Unis, rôle hier dévolu à l’ex-URSS ou à feu la RDA. En sport, comme ailleurs, le duel sino-américain ne fait que commencer. La Chine a pour elle la démographie, l’ambition débordante de la puissance émergente et des moyens financiers considérables. Face à cela, les Etats-Unis ont encore des atouts et des arguments. Ils disposent d’un extraordinaire réseau d’infrastructures sportives ainsi que d’une qualité exceptionnelle en matière d’encadrement technique et humain des sportifs. Ce n’est pas un hasard si nombre d’athlètes européens et africains préfèrent désormais s’entraîner aux Etats-Unis : coachs, psychologues, préparateurs sportifs, diététiciens : autant de domaines où l’Amérique a encore de l’avance sur ses poursuivants.
Le haut du classement montre aussi que quatre pays (Grande-Bretagne, Russie, Allemagne et France) se disputent le leadership européen. Les performances de la Grande-Bretagne (65 médailles dont 29 d’or contre 47 médailles dont 19 d’or à Pékin) s’expliquent bien sûr par le fait qu’il s’agissait de JO à domicile mais ce n’est pas tout. Outre des budgets en hausse grâce à l’arrivée de sponsors privés (notamment en cyclisme), ce pays est celui, où, avec les Etats-Unis, le sport a le plus droit de cité dans le système éducatif. C’est le cas aussi de l’Allemagne (44 médailles dont 11 d’or contre 41 médailles dont 16 d’or en 2008) où la pratique du sport pour écoliers et lycéens est non seulement obligatoire mais encouragée en dehors des cursus scolaires.
Sans sport à l’école, il ne peut y avoir de grande nation sportive même si le cas français fait figure de contre-exemple étonnant. Avec 34 médailles dont 11 d’or (contre 41 médailles dont 7 d’or à Pékin), on peut dire que la France a réalisé une grande performance pour un pays dont les installations sportives se dégradent d’année en année, où l’école n’accorde guère de considération à la pratique sportive (ne parlons même pas du sport universitaire qui est d’une totale indigence) et où la classe politique ne s’intéresse (ou ne fait mine de s’intéresser) qu’aux sports susceptibles de leur rapporter des voix (football, rugby et, parfois, hand-ball).
De fait, sans l’existence d’un réseau associatif important et dynamique, le sport français occuperait un rang bien moins important sur l’échiquier olympique. Enfin, on relèvera que la Russie (82 médailles dont 24 d’or contre 72 médailles dont 23 d’or en 2008) continue à tenir son rang et que la dissolution de l’ex-URSS semble être définitivement digérée. Plus important encore, dans ce pays aussi de l’argent commence à se déverser au profit de certaines disciplines et, on peut d’ores et déjà parier que, dans quelques années, la Russie fera partie du trio de pointe mondial avec les Etats-Unis et la Chine.
On terminera ce bilan express en plongeant dans les profondeurs du classement où figurent 85 pays médaillés. L’Algérie (une médaille d’or contre une d’argent et une de bronze en 2008) termine à la 50ième place, derrière la Tunisie, premier pays arabe (45ième avec 3 médailles dont une d’or contre une seule médaille d’or à Pékin). Ce n’est guère satisfaisant mais, hélas, cela n’a rien d’anormal. Combien de stades l’Algérie a-t-elle bâti depuis trente ans ? Combien de piscines ? Combien de salles omnisports ? Combien de vélodromes ? Zéro ou presque… Et qui peut affirmer qu’il existe une politique des sports dans un pays qui, pourtant, disposera bientôt de 200 milliards de dollars de réserves de change ? Il fut un temps, dans les années 1970, où la réforme sportive et l’instauration du « sport de masse » préparait l’avènement de grandes équipes (de football comme de handball) et de grands athlètes (Morceli, Boulmerka).
Bien sûr, la médaille d’or de Makhloufi au 1500 mètres a fait vibrer tout un peuple (passons un voile pudique sur le couac de son 800m…). Mais, avec une telle jeunesse, un tel potentiel, notamment en athlétisme (fond et demi-fond), il est impossible d’ignorer ou de relativiser le gâchis. Finalement, en sport, comme ailleurs, l’Algérie est à un rang de gagne-petit qui ne lui fait guère honneur (et qui devrait obliger à mettre en sourdine les discours d’autoglorification…).
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