Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mercredi 31 mars 2021

La chronique économique : Tempête sur le canal de Suez

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 31 mars 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

Une petite semaine de blocage, et le commerce planétaire qui s’enrhume. Ces derniers jours, les médias du monde entier ont diffusé les images spectaculaires du navire « Ever Given » barrant la navigation dans le canal de Suez (193,3 km de long, 280 à 345 mètres de large et 22,5 mètres de profondeur moyenne). La raison de cet échouage est un violent coup de vent qui a déporté le porte-conteneurs de la compagnie Evergreen sur la berge. Résultat, près de six cent navires bloqués en amont et aval du canal, des commandes non honorées, des indemnités de retard et un casse-tête technique pour dégager le bateau. Ce n’est que lundi 29 mars que le trafic a pu reprendre.

 

Canal vital

 

Il est encore trop tôt pour chiffrer cet incident qui aura eu le mérite de rappeler l’importance commerciale et stratégique du canal de Suez par lequel transitent 10% du commerce mondial. Selon les premières estimations diffusées par la presse, le coût du blocage irait de 3 à 6 milliards de dollars. Dans ce genre de situation, le réflexe est de se demander si les armateurs ne vont pas désormais privilégier d’autres routes maritimes en doublant, par exemple, le Cap de Bonne-Espérance. La réponse est négative. Le fait est que le commerce mondial ne peut pas se passer du canal de Suez tout comme il ne peut faire l’impasse sur le canal de Panama.

 

Déjà, les autorités égyptiennes ont promis d’étudier les solutions pour empêcher que pareille mésaventure ne se reproduise. Pour Le Caire, le canal est d’abord un poumon économique grâce aux droits de passage perçus sur les quelques 19 000 navires qui l’empruntent chaque année. Il s’agit ainsi de la troisième source de revenus en devises avec un montant annuel moyen de 5,5 milliards de dollars. Mais le canal est aussi un enjeu stratégique car il confère à l’Égypte un rôle de gardienne du bon fonctionnement du commerce mondial ce qui a immanquablement des retombées en matière d’influence et de prestige internationaux. On ne surprendra personne en rappelant que cette zone est l’une des plus surveillées au monde dans un environnement régional connu pour son instabilité.

 

La mésaventure de l’« Ever Given » a permis de prendre la mesure de ce qu’est le commerce international d’aujourd’hui. Parmi les bateaux bloqués on a cité celui transportant des moutons pour les monarchies du Golfe, des meubles fabriqués en Chine à destination de l’Europe, des pièces d’automobiles expédiées d’une usine malaisienne pour un fabricant turc lequel, une fois le montage terminé se chargerait de renvoyer le tout vers un autre pays asiatique. Suivre les flux commerciaux basés sur la division internationale du travail n’est pas toujours simple.


Risques accrus d'accidents

 

Ouvrons ici une parenthèse à propos du transport d’animaux destinés aux monarchies du Golfe, notamment l’Arabie saoudite. Les contrôles sanitaires de ces pays étant très stricts, il n’est pas rare que les armateurs jettent à la mer une partie de la cargaison (quand elle est malade, par exemple). Résultat, les requins, déjà nombreux dans la Mer rouge ont tendance à augmenter et à s’attaquer aux plongeurs des stations balnéaires égyptiennes du Sinaï. Fermons la parenthèse.

 

Ce que nous apprend aussi le blocage du canal, c’est que sa conception n’avait pas vraiment anticipé l’émergence de navires géants, de plus en plus massifs pour transporter des nombres croissants de « boîtes ». Emblème de la mondialisation, le conteneur est aussi une contrainte croissante exigeant des bateaux toujours plus conséquents. Comme le disait le défunt urbaniste et essayiste Paul Virillo, là où croît la structure croît aussi le risque d’accident.

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La chronique du blédard : Être Noire pour traduire une Noire ?

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 25 mars 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

Faut-il être Noire pour traduire un poème écrit par une Noire ? Faut-il être arabe pour traduire un texte écrit par un arabe ? Faut-il être Algérien pour traduire l’œuvre d’un auteur algérien ? Ces questions font actuellement débat en raison de la polémique autour de la traduction en néerlandais du poème d’Amanda Gorman. Pour mémoire, cette jeune Afro-américaine avait fait sensation dans le monde entier en lisant son texte, The Hill We Climb, (La colline que nous gravissons) lors de la cérémonie d’investiture du président américain Joseph Biden en janvier dernier.

 

Aux Pays-Bas, l’éditeur Meulenhoff a proposé à Marieke Lucas Rijneveld, une jeune auteure très connue, d’en assurer la traduction en néerlandais. Précisons, car c’est important pour la suite, que Mme Rijneveld est blanche. En réaction, la journaliste et activiste noire Janice Deul – elle milite pour plus de diversité au Pays-Bas - a dénoncé dans un article « un choix incompréhensible » qui, selon elle, provoque « douleur, frustration, colère et déception. » L’affaire s’est emballée, les réseaux sociaux ont pris le relais et, finalement, l’éditeur a retiré la traduction à Rijneveld (laquelle a publié un poème intitulé « Tout Habitable » pour dire son désarroi et sa peine face à cette affaire).

 

Comme il fallait s’y attendre la nébuleuse qui partout en Occident, et notamment en France, dénonce la supposée « tyrannie naissante » des minorités, les dérives racialistes et identitaires, s’est emparée de la polémique, faisant entendre son indignation et son inquiétude. Il est vrai que l’occasion est trop belle pour ne pas voir dans la démarche de Janice Deul une forme de racisme voire d’ethnicisme que ne saurait accepter le monde de la culture persuadé qu’il est de son ouverture d’esprit et, cela va sans dire, de son « universalisme ». L’exemple le plus parfait de cet emballement et de cette affirmation de supériorité morale est l’article du traducteur André Markowicz, lequel n’hésite pas à parler d’un « climat de terreur intériorisé » qui aurait poussé l’éditeur néerlandais à faire machine arrière (*). Rien que ça.

 

Disons-le tout de suite, la vraie question qui devrait se poser concernant une traduction est la suivante : est-ce que la personne en est capable ou pas ? A-t-elle les compétences à la fois linguistiques mais aussi culturelles, pour mener à bien cette mission ? On connaît l’idée reçue : toute traduction est une trahison ou, dit autrement, une altération. L’objectif est alors de faire en sorte que cette trahison soit la moins importante possible.

 

Dans le cas du poème gentillet d’Amanda Gorman – destiné à émouvoir sans fâcher personne – la question est de savoir si Marieke Rijneveld maîtrise suffisamment la langue américaine pour pouvoir le traduire. De son propre aveu, cela n’est pas le cas ce qui est tout de même problématique. Rijneveld peut très bien être capable de faire preuve d’empathie, autrement dit de se mettre à la place d’une jeune afro-américaine vivant dans un pays miné par le racisme, la violence et les inégalités sociales, encore faut-il qu’elle en maîtrise la langue et puisse notamment repérer ses références, ses non-écrits et ses allusions.

 

Si j’insiste sur la question de la maîtrise de la langue, c’est parce qu’elle le fondement de la connaissance et de l’expertise. Si j’étends le débat aux sciences politiques et au journalisme, j’avoue qu’il m’est impossible de prendre au sérieux quelqu’un qui se prétend spécialiste de tel ou tel pays sans en connaître la langue. Prenons le cas de la Chine. Combien d’experts qui nous assènent leurs vérités sur ce pays parlent le mandarin ou même le cantonais ? Et laissons de côté les pays du Maghreb dont certains nous affirment qu’il est inutile de connaître l’arabe darja ou l’amazigh pour en connaître les sociétés, la langue française étant jugée suffisante pour cela… 

 

Mais revenons à la polémique à propos des protestations de Janice Deul. Dire que seule une Noire peut traduire une auteure noire est effectivement une idiotie. Dans ce cas-là, on pourrait affirmer que seuls les musulmans ont le droit de traduire le Coran. Cela reviendrait à passer à la trappe nombre d’essais de traduction qui font autorité et dont les auteurs ne sont pas musulmans mais d’excellents spécialistes de la langue arabe. Ceci étant dit, il faut essayer de comprendre la réaction de Deul. D’où vient-elle ? Pourquoi a-t-elle reçu un tel soutien ?

 

La réponse est simple. Elle tient à longue et constante exclusion des minorités, à l’incapacité du système dominant – à prendre dans sa signification première, c’est-à-dire « qui est le plus important et qui l’emporte parmi d'autres » - à leur faire une place. Pour sa « défense » l’éditeur Meulenhoff a expliqué qu’il se mettait à la recherche de traductrices noires pour mener à bien la traduction. Que ne l’a-t-il fait avant ? Comment se fait-il qu’il n’en connaisse pas alors que nous sommes en 2021 ? C’est simple, l’idée ne lui a jamais traversé l’esprit tout comme des rédactions cent pour cent blanches à Paris, Bruxelles ou Rome ne voient pas où est le problème quand on leur demande pourquoi ils n’emploient pas de journalistes d’origine subsaharienne ou antillaise. Janice Deul ne dit pas autre chose. Elle affirme que son problème est que l’éditeur néerlandais n’a pas vu que la traduction du poème de Gorman était une excellente occasion pour mettre dans la lumière des traductrices noire ayant les compétences pour relever le défi.

 

En matière de culture, qu’il s’agisse de littérature, de cinéma, de poésie, de théâtre ou de toute autre forme d’art, les membres issus des minorités dites visibles sont obligés de lutter pied-à-pied pour exister. Souvent, la seule place qui leur est dévolue est un petit carré de l’échiquier ; un périmètre restreint qu’ils n’ont pas le droit de quitter. Parce qu’on les pense différent, consciemment ou non, on les assigne à cette réserve et ils finissent par intérioriser ces limites. Un franco-maghrébin au cinéma ? Il aura pour rôle un dealer, un bandit, un terroriste ou un indic de police. Les exceptions sont tellement rares qu’on peut toutes les citer.

 

Cela vaut pour le monde universitaire. Combien de jeunes franco-maghrébins sont sommés de ne travailler que sur ce qui a trait à leurs origines : cités, religion musulmane, actualité du monde arabe... Dans une chronique qui date de seize ans, je disais dans ces mêmes colonnes que les questions d’intégration seraient réglées quand Mouloud serait le spécialiste reconnu des polars scandinaves ou de littérature polonaise et qu’il ne viendrait à personne l’idée de le cantonner à l’œuvre de Yasmina Khadra. On en est encore loin. Et c’est même pire, puisque précariat oblige, les minorités voient leur case assignée être envahies par des « concurrents » qu’ils estiment appartenir au système dominant. La réaction de Deul ne s’interprète pas autrement.

 

Celles et ceux qui se drapent dans l’indignation devraient comprendre que de telles prises de position sont une monnaie rendue à leur désinvolture passée et persistante ainsi qu’à leur absence totale de prise de conscience des problèmes vécus par les minorités. André Markowicz et ses pairs devraient réfléchir à ce que peut signifier le fait d’être compétent mais d’être rarement sollicité parce qu’étant différent de la majorité. Réfléchir à la somme de rancœur que cela peut générer. Le monde change. Les exclus d’hier ne se taisent plus et ont décidé d’avoir leur part du gâteau et de se faire entendre par tous les moyens. Les procédés qu’ils emploient, leurs discours radicaux, sont parfois critiquables mais le changement des mentalités en faveur de la fameuse inclusivité universaliste est peut-être à ce prix.

 

(*) « Personne n’a le droit de me dire ce que j’ai le droit de traduire ou pas », Le Monde, 12 mars 2021.

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La chronique économique : Inflation, le retour ?

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 24 mars 2021

Akram Belkaïd, Paris 

 

 

Ou l’oublie quelques mois, voire même quelques années, et puis, soudain, elle refait son apparition dans les débats ce qui n’est pas sans incidence immédiate sur les marchés. « Elle », c’est l’inflation. Exception faite de certains pays isolés, ou de certains secteurs comme l’immobilier, la hausse des prix demeure modérée depuis près d’une décennie, certains experts allant même à évoquer une « ère de déflation ». Or, depuis quelques jours, l’inflation est de nouveau à la une de l’actualité notamment aux États-Unis.

 

Plan de relance

 

Quand on parle d’inflation, il est automatiquement question de taux d’intérêts, notamment ceux à long terme (on parle alors de « taux longs »). Or, les taux longs américains « se tendent », autrement dit ils augmentent ce qui n’est jamais une bonne nouvelle pour les marchés. Cela signifie qu’emprunter à long terme va être plus onéreux, que les entreprises qui ont besoin d’investissements longs, on pense notamment aux valeurs technologiques, seront pénalisées sans oublier les États qui s’endettent. Du coup, le souvenir du mini-krach de 2013 est revenu dans les esprits. A l’époque, la hausse des taux combinée à l’idée que la Réserve fédérale stopperait ses interventions sur le marché avaient provoqué un important coup de semonce sur les marchés boursiers et obligataires. La Fed avait alors rassuré tout le monde en réaffirmant son intention de poursuivre son « assouplissement quantitatif » (« quantitative easing » ou « QE »). En clair, elle continuerait sa politique non-orthodoxe de rachat d’actifs, plus ou moins sains, sur les marchés.

 

Cette fois, ce n’est pas vraiment la fin possible du QE – démentie par la Fed - qui est à l’origine des soubresauts des marchés. En proclamant sa volonté de mener une forte politique de relance, la nouvelle administration américaine a fait automatiquement renaître les craintes d’un retour de l’inflation. Chèques de 1400 dollars envoyés à 80% des ménages, dépenses volontaristes pour vacciner la population, relance des travaux d’infrastructures, etc. C’est une démarche clairement keynésienne pour laquelle a opté le président Joseph Biden. Et qui dit relance, dit hausse de l’activité et, in fine, surchauffe. On n’en est pas là mais, on le sait, les marchés ne sont qu’une somme d’anticipations plus ou moins fondées.

 

Tension sur les monnaies

 

Quoi qu’il en soit, la perspective d’une hausse des taux américains inquiète beaucoup notamment en Europe où les taux longs se sont eux aussi tendus. Dans les pays émergents, la question qui inquiète concerne les monnaies. En effet, quand les taux augmentent aux États-Unis, cela pousse les investisseurs à opter pour des actifs américains afin d’obtenir de meilleurs retours sur investissement. Du coup, les flux financiers quittent certaines places et provoquent le dévissage des monnaies locales aux rendements peu attrayants en comparaison du billet vert. C’est ce qui vient de se passer en Turquie où la Banque centrale a relevé ses taux pour défendre la livre et empêcher les sorties de capitaux. Une mesure qui n’a guère plu au président Erdogan qui a limogé le gouverneur Naci Agbal. Quand les taux longs américains se tendent, c’est toute la planète qui se contracte. 

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La chronique du blédard : Faire revivre le socialisme ?

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Le Quotidien d’Oran, 18 mars 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

Quelqu’un dans la salle peut-il nous dire quel est le modèle économique de l’Algérie ? Si je pose cette question, c’est à la suite d’un échange, très cordial, sur les réseaux sociaux à propos de l’égalitarisme et du socialisme. Il est évident que deux ou trois décennies de socialisme à l’algérienne ont dégoûté à jamais nombre de nos compatriotes du socialisme, vu désormais comme synonyme d’inefficacité économique, d’empêchement en matière d’initiatives individuelles et, in fine, de retard en matière de développement et de développement de la corruption. 

 

Durant les révoltes arabes de 2011, il était intéressant de noter que nombre de figures emblématiques de la contestation en Égypte étaient totalement rangées du côté du libéralisme. Pour ces activistes, dont le très célèbre Wael Ghonim, la démocratie et l’État de droit vont de pair avec l’ouverture du marché, la libre-entreprise, la libéralisation des échanges, etc. Dans le cas algérien, à l’heure où le Hirak témoigne d’une volonté de changement politique et institutionnel, il est malaisé de faire entendre une voix allant à l’encontre de ce consensus libéral. C’est un peu comme si dans la tête de chacun, la meilleure issue pour le pays serait l’avènement d’une économie de marché débarrassée des pesanteurs administratives et où plus rien ne s’opposerait à l’envie de faire du profit. Dans ces conditions, il peut paraître ringard de défendre les principes socialistes en rappelant que le libéralisme est pourtant, à ce jour, une grande machine à créer et à aggraver les inégalités et que la prospérité de certains « happy few » ne peut faire oublier la grande précarité d’une grande majorité.

 

Quelle que soit l’évolution politique de l’Algérie dans les prochaines années, des choix clairs devront être faits. La rente pétrolière se tarit peu à peu et il faudra bien trouver des solutions pour nourrir cinquante millions d’habitants voire plus. Dans tous les cas, la vie en autarcie sera impossible car on imagine un tel choix être accepté par une population jeune qui a envie de vivre dans son siècle. Il faudra alors définir de manière claire la stratégie économique à long terme. Ouverture totale ? Infitah ? Capitalisme assumé avec un retrait de l’État et un inévitable démantèlement des amortisseurs sociaux ? Ou alors réinvention du socialisme avec la volonté affirmée de défendre les intérêts de tous ? 

 

Bien entendu, des leçons doivent être tirées de l’expérience collectiviste des années 1960 et 1970. L’idée que l’Etat doive être le premier opérateur économique a certainement vécu. Il ne sert à rien d’entraver les ambitions individuelles en empêchant le développement du secteur privé. Il est des gens qui aiment entreprendre, créer des entreprises, les développer, cela relève de la nature humaine et ce fut peut-être la grande erreur de Houari Boumediene de croire que seule une action coercitive pouvait endiguer cela. Le résultat du verrouillage administratif de l’économie fut que certains Algériens développèrent des trésors d’inventivité pour tirer profit de cette situation, l’exemple des pénuries et du marché noir les accompagnant parlant de lui-même.

 

Pour ne plus avoir à dire « socialisme » et pour ne pas trop utiliser le terme « capitalisme » - lequel, de toutes les façons, n’existe pas en Algérie (on parlerait plutôt de « capitalisme de copains et de coquins ») – nombre de nos dirigeants usent de l’expression « économie sociale de marché ». En gros, ce serait « vive le marché » mais en s’arrangeant pour que la prospérité concerne la majorité avec des règles imposées par l’État qui veille au grain. Le concept est séduisant mais on se lasse vite de l’eau tiède. Née en Allemagne, cette vision des choses résiste de moins en moins bien à l’ubérisation du monde et à toutes les contraintes imposées par la mondialisation (délocalisations, primauté du financier sur l’économique, « amaigrissement » de l’État, etc.). De même, la récente affaire de l’éviction du PDG de Danone démontre bien que le concept de « capitalisme responsable » a encore beaucoup de chemin à faire pour s’imposer dans les esprits et les pratiques.

 

Le « capitalisme à la chinoise », quant à lui, fait l’objet de nombreuses études et réflexions. La situation est pour le moins atypique : un parti au pouvoir qui continue de se réclamer du communisme mais qui laisse se développer une puissante économie de marché avec l’émergence progressive de géants privés qui pèsent autant que les mastodontes d’État. S’il faut refuser la gestion policière et liberticide de la société par le parti communiste chinois (PCC), la manière dont Pékin gère l’économie tout en veillant à garantir des mécanismes de distribution mérite d’être analysée en Algérie. Il y a certainement des enseignements à en tirer.

 

Cela vaut aussi pour tout ce qui concerne les réflexions autour des Biens communs et de la non-marchandisation de certains secteurs vitaux ou stratégiques. Dans l’une de ses définitions premières, avant même que ne s’impose la vision marxiste, le socialisme tire sa substance d’une ambition d’améliorer le sort de la majorité de la population. A moins de croire aux chimères de la théorie du ruissellement (« si les riches sont plus riches, cela profite au reste de la société »), c’est ce point de départ qu’il faut privilégier dans la réflexion. L’approvisionnement du pays pendant le ramadan et le prix du kilogramme de pomme de terre sont certainement des éléments importants mais l’énonciation de ce que serait ou devrait-être le modèle économique algérien est plus urgente et mérite un débat national. Et il serait regrettable de confier, en toute opacité, cette réflexion à tel ou tel cabinet international, chantre de la mondialisation heureuse.

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Chronique économique : A quoi sert une entreprise ? Le cas Danone

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 17 mars 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

Le patron responsable n’aura pas été durable. On pensait la crise réglée, il n’en était rien. Dimanche 14 mars, le conseil d’administration de Danone a décidé de mettre fin, avec « effet immédiat », aux fonctions d’Emmanuel Faber, le président directeur général (PDG) du géant agroalimentaire. Quelques jours auparavant, le groupe avait pourtant annoncé la création de deux postes séparés, président et directeur général, afin de calmer les actionnaires qui réclamaient la tête de Faber. Cela n’a pas suffi et ce limogeage a le mérite d’éclairer ce qu’est le monde de l’entreprise.

 

Fonds activistes

 

Rappelons qu’Emmanuel Faber détonnait dans le milieu des patrons. Proclamant ses convictions écologiques, critique acerbe des excès de la finance, il a souvent été présenté comme un patron « social et responsable ». Un PDG estimant que son entreprise n’avait pas qu’une seule mission, celle de faire du bénéfice, mais qu’elle se devait de remplir certains objectifs sociaux et sociétaux, notamment au niveau de la santé du consommateur. Au cours de la dernière décennie, la communication de Danone a beaucoup investi le créneau « responsable », s’attirant ainsi les critiques, ou les moqueries, de nombreux consommateurs qui n’y voyaient qu’une forme déguisée de communication hypocrite.

 

Or, c’est justement cet « engagement » (on met ce mot entre guillemets à dessein) qui a valu à Faber de se faire jeter dehors. En septembre dernier, un fonds londonien, Bluebell Capital, actionnaire de Danone, a critiqué la stratégie de l’entreprise. Quelques semaines plus tard, un autre fonds, Artisan Partners, monté à 3% du capital du groupe, répétait les mêmes critiques. Une démarche jugée inadmissible par Emmanuel Faber qui dénonçait alors l’action de ces fonds « activistes ».

 

Pour Bluebell Capital et Artisan Partners, une entreprise ne doit pas avoir d’autre but que celui de réaliser des bénéfices et d’en redistribuer une (large) part à ses actionnaires sous la forme de dividendes. Le sujet n’est pas nouveau. Dans les années 1990, quand soudain l’expression « création de valeur » (pour l’actionnaire) était dans toutes les bouches, les horizons des entreprises cotées en Bourse se résumaient à la nécessité de respecter le paiement de l’incontournable dividende. Pourtant, Danone n’est pas en mauvaise santé même si l’année 2020 a été difficile en raison du contexte sanitaire. Mais les fonds activistes estiment que plus d’argent aurait pu être versé aux actionnaires et que le cours de Bourse n’aurait jamais dû perdre 27% de sa valeur.  

 

Déstabilisation 

 

Cette affaire illustre bien la mentalité des fonds où le retour sur investissement et le court terme l’emportent sur tout. Mais cela serait un panorama incomplet car Danone a bel et bien été victime d’une opération ciblée. Il y a un an, Bluebell Capital et Artisan Partners n’étaient même pas présents dans le capital de Danone ou bien alors de manière marginale. En clair, ces « activistes » ont clairement identifié l’entreprise, profitant de sa mauvaise passe pour exiger des changements stratégiques. Et on peut prendre le pari : dans quelques mois, ces fonds s’en seront retirés. Pourquoi alors cette opération ? Les changements à la tête de Danone vont très certainement avoir un effet dopant sur le cours de Bourse. De quoi, pour les fonds, empocher une plus-value avant de repartir chasser d’autres entreprises susceptibles d’être ainsi déstabilisée. Autre enseignement : Danone est peut-être une entreprise française mais son avenir dépend désormais aussi de la finance anglo-saxonne.

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La chronique du blédard : France, comme une impression de désordre…

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 11 mars 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

Un an déjà et toujours cette sensation indépassable de bazar et d’improvisation permanente. Début mars 2020, Emmanuel Macron et ses ministres nous expliquaient qu’il fallait continuer à sortir, à aller au théâtre, « à vivre » avant de virer de bord et d’ordonner un confinement de plusieurs semaines qui restera à jamais dans les mémoires. Début mars 2020, une pauvre inconséquente, exemple parfait d’incompétence et de morgue combinées, nous expliquait aussi que les masques chirurgicaux étaient inutiles, qu’elle-même ne savait pas comment les mettre et qu’il n’était pas question pour l’être lambda d’en acheter dans les pharmacies.

 

Un an et quatre-vingt-dix mille morts (uniquement pour la France) plus tard, beaucoup de choses ont certes changé. Tout le monde, ou presque, sait que les masques sont utiles : la preuve, le nombre de grippes et autres maladies saisonnières a énormément baissé. Les mesures barrière, aussi contraignantes soient-elles, contribuent à lutter contre les contaminations, n’en déplaise aux dénégateurs et autres complotistes.

 

 Mais le bricolage continue. La France, comme tant d’autres pays développés, n’était pas prête à absorber le choc de cette épidémie. Et le problème, c’est qu’elle peine à rattraper son retard. La question des vaccins illustre cette situation malheureuse. Dans les médias, ministres et autres manieurs frénétiques de la brosse à reluire présidentielle répètent à l’envi que la vaccination règlera tous les problèmes et que l’on pourra revenir à la vie d’avant grâce aux deux injections tant attendues. Oui, mais… Encore faut-il pouvoir se faire vacciner. A moins de s’appeler Nicolas Sarkozy ou de bénéficier du « ktef » (épaule) ou de la « wasta » (piston) à la française, il est nécessaire d’être très patient face à son ordinateur. Cette machine est, en effet, le seul moyen réellement disponible pour obtenir un rendez-vous. Las, le message sur écran est toujours le même : « En raison d’une demande importante et d’un nombre de doses limité, il est actuellement très difficile de prendre rendez-vous pour se faire vacciner. » D’un côté le blabla officiel, de l’autre la réalité d’une pénurie qui dure.

 

L’affaire se corse aussi car, dans la perception publique, il y a les « bons vaccins », autrement dit le Pfizer-BioNTech ou le Moderna et celui dont il faut se méfier, c’est-à-dire l’AstraZeneca. Une défiance à mettre sur le compte d’une communication gouvernementale assez malheureuse qui a laissé entendre que ce vaccin présentait d’importantes contre-indications. Cela explique, par exemple, pourquoi le personnel de santé – qui est censé pouvoir se vacciner – rechigne à le faire car c’est l’AstraZeneca qui lui est presque toujours proposé.

 

On n’entrera pas ici dans le détail des critères d’éligibilité : en gros, si on a moins de cinquante ans, voire de soixante-cinq ans, qu’on est en bonne santé, qu’on ne travaille pas dans un hôpital ou dans un établissement pour personnes âgées, il faut s’armer de patience. A ce sujet, les rumeurs vont bon train. Les faveurs des médecins seraient sollicitées pour attester de l’existence de comorbidités qui, même si elles sont imaginaires, ouvrent la voie au vaccin. Mais, comme nous y incite le Danube de la pensée de Drancy, ne soyons pas mizidants. Le problème, c’est que beaucoup de gens éligibles sont dans une attente partie pour durer. Car que leur disent les messages sur les sites de rendez-vous ? : « Vous êtes plusieurs millions à être éligibles à la vaccination contre la COVID-19. Malheureusement, le nombre de doses de vaccin disponibles est encore très insuffisant pour faire face à cette demande. Par conséquent, les créneaux dans les centres de vaccination se font rares. » Pas de vaccins car pas d’usines car plus de politique industrielle depuis très longtemps. Petite pensée émue pour le gouvernement dit « socialiste » de Lionel Jospin (1997-2002) dont l’un des ministres nous expliquait que le temps des usines était terminé… 

 

Obtenir les deux rendez-vous pour se faire vacciner ne suffit pas. Encore faut-il qu’ils ne se soient pas annulés, ce qui est souvent le cas. Les gens vivent ainsi avec une vraie inquiétude, pour ne pas dire une angoisse. Autre message des sites de rendez-vous : « Les créneaux mis en ligne par les centres de vaccination dépendent du nombre de doses dont ils disposent. Néanmoins, il peut arriver qu’ils reçoivent moins de doses que prévu et soient alors obligés d’ajuster le nombre de rendez-vous. Les centres de vaccination mettent cependant tout en œuvre pour limiter ces incidents et assurer un maximum de rendez-vous de vaccination. Si malheureusement vous êtes dans cette situation, vous devez reprendre vos deux rendez-vous de vaccination. »

 

On appréciera l’usage du terme « ajuster » pour ne pas dire « annuler » ou « réduire ». Le pire, c’est quand la première injection a bien eu lieu et que la seconde, qui doit survenir quatre semaines plus tard, est annulée. Ces cas sont plus rares mais ils obligent à reprendre le processus depuis le début. On peut penser que tout cela finira par se tasser et que la campagne de vaccination atteindra ses objectifs d’ici quelques mois mais la vraie question est de savoir si les leçons de cette pénurie seront tirées. C’est loin d’être certain.

 

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La chronique économique : Acheter un tweet à 2 millions de dollars (pour juste se vanter)

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 10 mars 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

On n’arrête plus le progrès… Ces derniers jours la Toile s’agite et s’émeut en raison de la mise aux enchères d’un tweet (message émis sur le réseau Twitter) dont la valeur dépasse d’ores et déjà les 2,5 millions de dollars. Il s’agit du premier tweet de l’histoire émis en 2006 par Jack Dorsey, le fondateur de ce réseau social désormais utilisé dans le monde entier ou presque. 

 

Technologie de certification

 

Comment un message numérique, autrement dit virtuel, peut-il être « vendu » deux millions de dollars ? La réponse est liée à la technologie. Sans trop rentrer dans les détails, il faut savoir qu’il existe aujourd’hui des « certificateurs », des sites internet, qui délivrent une sorte de certificat d’authenticité à des « produits » numériques par le biais de ce que l’on appelle des « Non-Fungible Token » (NFT) ou « jetons non-fongibles ». Ces NFT affirment ainsi que le « bien » est authentique, infalsifiable et non-modifiable. 

 

Dans le cas du tweet de Jack Dorsey, cela signifie qu’il s’agit bien du premier message émis par l’intéressé et non pas une copie numérique, une captation d’écran ou toute autre duplication. Si l’on doit faire une comparaison avec l’art classique, on peut dresser le parallèle avec le tableau La Joconde de Lénonard de Vinci dont il existe des millions de copies mais dont tout le monde sait que l’original se trouve au musée du Louvres à Paris. 

 

Il faut se garder de penser que le mouvement est marginal. Depuis 2018, on ne compte plus les ventes records organisées par des maisons d’enchères et des galeries. Des textes, des vidéos, des compositions artistiques, des mèmes et des GIF (Graphics Interchange Format ou format d’échange d’images) sont proposés et vendus à des prix qui défient parfois l’entendement. C’est le cas, par exemple, du même « Deal with it » vendu récemment à 22 000 dollars. On se souvient aussi que le « Portrait d’Edmond de Belamy » s’est vendu à 390 000 dollars en 2018.

 

Un droit à la vantardise

 

Les spécialistes de l’Internet sont catégoriques. Un nouveau type de marché de l’art est en train de naître. Le schéma serait le suivant : une création (exemple une vidéo ou des effets spéciaux), une certification par le biais d’un NFT et, ensuite, il n’y a plus qu’à espérer que le jeu du marché, des collectionneurs et autres spéculateurs prenne le relais. Il y a bien sûr, une grande différence avec le marché traditionnel de l’art. Dans ce dernier, l’acheteur d’un tableau peut le cacher à la vue du reste du monde entier. Il peut aussi l’altérer, le modifier voire même le détruire.

 

Dans le cas d’une œuvre numérique, le NFT ne donne qu’un droit d’appartenance mais en aucun cas de propriété totale. L’acheteur du tweet de Jack Dorsey pourra juste dire qu’il possède l’original sans autre possibilité : impossible de modifier « l’œuvre », de la taguer et encore moins de la détruire ou d’en empêcher la diffusion de copies. Ironiques, les médias évoquent déjà le « droit de se vanter » qui serait la seule satisfaction des acheteurs. Un droit à plusieurs centaines de milliers de dollars. Un peu onéreuse, la vantardise…

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lundi 8 mars 2021

Pauvre Seher (une nouvelle à lire en ce 8 mars)

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C'est un petit recueil de nouvelles, toutes écrites en prison par Selahattin Demirtaş, le leader démocrate kurde toujours embastillé par le régime turc (*). L'une d'elles mérite d'être lue aujourd'hui, d'être traduite en arabe, d'être diffusée partout. Quelques pages pour évoquer le sort de Seher, jeune femme de 22 ans, dévouée aux siens, à ses jeunes soeurs, à ses frères. Seher, naïve, qui s'éprend de son collègue Hayri. Hayri par qui le mal arrive. "Le mal est fait, il arrivera ce qui doit arriver", dira ensuite le père. Ce qui a été fait s'est joué dans une forêt. Ce qui arrivera se joue dans un terrain vague. Trois hommes ici, trois hommes là-bas. Pauvre Seher.

(*) Selahattin Demirtaş, L’Aurore. Trad. du turc par Julien Lapeyre de Cabanes. Éditions Emmanuelle Collas, 142 p, 15 euros.






jeudi 4 mars 2021

La chronique du blédard : Une marche

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 4 mars 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

Une lumière flamboyante, un bleu du ciel conquérant et des foules masquées qui battent le pavé ou étalent la grande nappe, heureuses de cette avant-garde de belle saison, moments rares qui rappellent le temps d’avant, des sorties et des fins de semaines qui, si on l’avait su, auraient mérité d’être mieux remplies. C’est du moins ce que l’on se dit. Mais trêve de nostalgie. Un jour, peut-être, non, un jour sûrement, car, c’est certain, on ne sera plus obligés de porter la bavette et l’on pourra alors trinquer au triomphe de la science, attablés à une terrasse noyée de soleil. Il faudra tout de même se souvenir des troubles endurés, remonter le fil du chrono et s’envoyer du courage a posteriori. Ne riez pas, ça marche.

 

Non loin d’un canal aux rives bondées, des colonnes de policiers attendent le moment où il faudra jouer du sifflet et du bâton. Quelques minutes avant dix-huit heures, « couvre-feu » oblige, ordre sera intimé aux flâneurs et autres lézardeurs de bouger sous peine d’amende salée. Amusant cet usage du sifflet qui fait penser aux paisibles gardiens des parcs et squares chassant les retardataires quand les grilles se ferment. La loi et l’ordre, c’est rentrer chez soi à l’heure dite. Comment s’y résoudre quand il fait (encore) si beau ? A l’heure des Vêpres, les nuages gris, la glace et les jours raccourcis sont les seuls alliés du confinement quotidien. 

 

Mais on a encore un peu de temps devant soi. Dans la ville, il est des choses immuables. Un peu de soleil, et revoici gambettes et tenues légères. Un peu prématuré au vu de la réalité du thermomètre mais il n’empêche : la règle de l’allègement textile est d’airain. Tout comme celle qui permet à quelques dizaines de bermudopodes et autres savatopodes de faire entendre leur clip-clop sur les trottoirs. Pluie chérie, reviens… Non, ne soyons pas méchant. Savourons. Écoutons Alain et pensons donc printemps.

 

La jeunesse s’amasse. La cigarette et la vapoteuse permettent d’enlever le masque. On s’assied sur les marches d’escaliers poisseux, sur des bancs, visage face à l’astre, bouteille de bière à la main. Dans certains quartiers, la préfecture a interdit la vente d’alcools mais l’effet de la restriction est négligeable. On boit beaucoup dans la rue, on veut retrouver les joies empêchées. Temporairement impossibles. Tiens, voici une guitare, non deux. Les jeunes filles chantent faux et massacrent Mistral Gagnant du loubard devenu réac. « … parler du bon temps qui est mort ou qui reviendra ». On se presse autour d’elles et tout le monde dit et répète à l’envi son manque cuisant de ce qui, hier, semblait si naturel, si normal. 

 

Un peu plus loin, un banc, une bande d’ados qui accompagnent en hurlant les paroles échappées d’une enceinte rouge. On capte quelques phrases. « À cause de toi, j'me suis écarté de mes amis / J'pense seulement à toi qu’ j'en dors plus la nuit / À cause de toi j'ne vois plus aucune autre fille / J'sais pas, j'ai l'impression qu'elles t'arrivent pas à la cheville ». Vient alors à l’esprit le contenu d’une loi souhaitable. Article 1, interdire la vente de dictionnaires de rimes. Article 2, instaurer une écoute obligatoire des Beatles et de Jean Ferrat au collège. Pourquoi pas ? Tant qu’on y est, autant profiter de la surenchère législative du moment.

 

On avance le long des boulevards des maréchaux. Le soleil commence à s’éclipser et l’air semble d’une pureté rare. Deux jeunes gens piétinent le gazon du tramway. L’un a une caméra numérique. L’autre, filmé, habillé d’un costard rose, gesticule en levant les bras bien haut. On tend l’oreille, pas de paroles, pas d’histoire de chevilles, juste des images qui seront certainement youtubées ou, mieux, tiktokées car ainsi va le monde.

 

Dix-huit heures. La ville ne s’est pas vidée et ses embarras persistent. On entend bien les fameux sifflets mais tout le monde fait comme s’il n’était pas concerné. D’un immeuble à colonnades, un jeune homme sort avec plusieurs sachets sombres à la main. Une sirène le fait sursauter. Il se cache derrière un tronc, risquant un coup d’œil en direction de la plainte qui vient. Fausse alerte. Ce n’est qu’une ambulance. Il peut rejoindre son terrain. Les clients n’aiment pas attendre.

 

Déjà vingt kilomètres de marche au compteur et cette sensation de flotter qui surgit à chaque raidillon. Le bruit proche du périphérique fait penser à des vagues. Ah si la mer pouvait être là. Nager pour effacer sa fatigue… Mais il faut accélérer. Des touristes, espèce rare, ont perdu leur chemin. On leur demande s’ils ont entendu parler du couvre-feu. Ils sont au courant mais leur hôtelier les a assurés qu’ils ne craignaient pas grand-chose. On fait un bout de marche avec eux, échangeant des banalités sur cette humanité bien ébranlée par l’invisible menace. Et l’on se quitte sur cette certitude qu’il faut parfois rappeler : l’Arc-en-terre s’en sortira comme il s’en est toujours sorti. 

 

Dix-huit heures quarante-cinq. L’instant magique. Ce moment de grâce absolue où l’éclairage public ne s’est pas encore illuminé et qu’il ne gâche pas l’apesanteur du crépuscule. Précieuses secondes qui renvoient vaguement à un sentiment venu du passé, de ces temps où l’impératif de survie obligeait à l’abri. Les bulbes finissent par s’éclairer. Paris ressemble soudain à Alger, Tunis ou Rabat à l’heure de la rupture du jeûne. La lumière qui décline, les rues qui se vident, quelques traînards, des voitures qui passent en trombe : ne manque que l’odeur de la chorba et des fritures pour conforter cette étrange sensation de dépaysement. On longe les grilles du parc Montsouris et on pense au parc Essaada à La Marsa. Le manque surgit, étreint le cœur et arrête le temps.

 

La nuit est tombée depuis très longtemps. Il reste encore du chemin au chemin. Silencieuse, la ville appartient aux arpenteurs à la peine et aux vélos, livreurs de mets en tous genres, un ballet incessant où les sous-prolétaires prolétaires peuvent enfin prendre tous les risques pour grappiller quelques secondes, synonymes d’une commande supplémentaire. Nous sommes tous nuit. Nous sommes soudain une autre peuplade. La semaine prochaine, affirme la rumeur, il faudra rester chez soi toute la journée. Ce n’est pas grave. La fin de la fin a déjà commencé. 

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La chronique économique : Biden et les syndicats

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 3 mars 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

Serait-ce la révolution ? En début de semaine, le président américain Joseph Biden a publié un message vidéo sur Twitter pour apporter son soutien à six mille salariés du géant du commerce électronique Amazon qui souhaitent se syndiquer. Les intéressés qui travaillent dans un entrepôt de Bessemer, près de Birmingham dans l’État de l’Alabama doivent voter à ce sujet jusqu’au 29 mars. Selon les sondages, la majorité d’entre eux seraient décidés à être rattachés au syndicat Retail, Wholesale Department Store Union (RWDSU) et cela malgré les pressions de leur employeur pour les en empêcher

 

Manœuvres coercitives

 

Pour le locataire de la Maison-Blanche, « le choix d’adhérer à un syndicat appartient aux travailleurs, point final ». Le président américain a aussi rappelé qu’aucune entreprise ne devrait intimider ou menacer ses salariés « au sujet de ses préférences syndicales ». Or, Amazon n’a pas du tout l’intention d’autoriser ce qui constituerait une première. En effet, comme d’autres grands acteurs de la distribution, le groupe ne tolère aucun syndicat et n’hésite pas à employer des moyens expéditifs, comme le licenciement immédiat, pour tuer dans l’œuf toute tentative d’en créer un. Sa direction sait que, si d’aventure, les salariés de Bessemer réussissent, cela ouvrira la voie à d’autres travailleurs d’Amazon.

 

La loi aux Etats-Unis est claire : les travailleurs ont le droit de se syndiquer. Mais, dans le même temps, la législation offre aux entreprises de nombreux moyens dilatoires susceptibles d’empêcher la création de syndicats. Jadis, la chose se réglait par l’irruption de gros bras qui faisaient le ménage et la chasse aux syndicalistes, souvent accusés de communisme. Aujourd’hui, d’autres moyens sont employés. Ainsi le cas de la chaîne de supermarchés Walmart qui ne tolère pas les syndicats (sauf en Chine où ses employés peuvent adhérer au syndicat contrôlé par les autorités). Walmart n’hésite pas à fermer les magasins ou bien les rayons dont les salariés se syndiquent. Ce fut le cas avec son supermarché de Jonquière au Canada qui fut définitivement fermé moins d’un an après que ses salariés eurent réussi à imposer un syndicat. Une première qui ne s’est pas répétée ailleurs.

 

De manière traditionnelle, le parti démocrate était favorable aux syndicats lesquels le finançaient mais ces liens se sont largement distendus depuis les années 1990 et les deux mandats de Bill Clinton (1992-2000). Ce dernier, en favorisant l’essor de la mondialisation, du libre-échange et des marchés financiers a rompu le pacte qui liait son parti aux syndicats, notamment la confédération AFL-CIO. Le ressentiment de nombre de salariés à l’égard du parti démocrate explique en partie l’émergence d’un conservatisme populaire illustré récemment par l’émergence de Donald Trump et sa capacité à attirer à lui le vote d’anciens électeurs démocrates issus des classes populaires.

 

Manœuvre politique

 

La sortie de Joseph Biden est donc une tentative évidente de recoller les morceaux et de séduire un électorat potentiel constitué par ce nouveau prolétariat employé par les géants de la « nouvelle économie » (Amazon, Google) ou par leurs devanciers comme Walmart. L’aile gauche du parti démocrate milite pour aller plus loin et exige des lois criminalisant l’interdiction de fait des syndicats. A cela s’ajoutent les revendications sur l’instauration d’un salaire minimum national, vieille demande qui n’est toujours pas exaucée faute d’accord au Congrès. Avec son soutien aux salariés d’Amazon, c’est aussi sa gauche parlementaire que le président américain tente d’amadouer. 

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La chronique du blédard : L’urgence est là…

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 25 février 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

Tic-tac, tic-tac, le temps passe, les défis restent et les questions fondamentales attendent leurs réponses… Mais, bonne nouvelle, le Hirak a repris le chemin de la rue. Certains doutaient de sa capacité à reprendre le fil des revendications. D’autres se sont, volontairement ou non, égarés dans les méandres du discours relativisant son impact, sa représentativité, sa nature sociale (vous savez, la fameuse ruralité…). La réponse s’est affichée le lundi 22 février. Mais personne ne conteste qu’il reste tant de choses en suspens.

 

Je ne vais pas vous infliger une énième laudation du Hirak. Ce qui m’importe c’est d’écrire noir sur blanc à quel point la situation dans son intégralité me semble préoccupante. L’Algérie a un besoin urgent de réformes, de décisions stratégiques et de chantiers à mettre en œuvre. Le grand problème c’est qu’il faut un minimum de cohésion nationale pour que ces défis soient relevés. Certains sont conjoncturels, d’autres structurels. Il est temps de les prendre à bras le corps. Et pour cela, il faut un minimum de confiance entre le peuple et ceux qui le dirigent. Ce qui n’est certainement pas le cas.

 

Pour les économistes et les banquiers que l’on croise à Paris ou Londres, le scénario est déjà écrit. Ils sont persuadés que l’Algérie n’aura pas d’autres recours que de s’endetter de nouveau. L’équation est simple : le pays dépense plus que ce qu’il ne gagne. Conclusion, il doit piocher dans son épargne qui fond comme neige au soleil. Dans ce genre de situation, il n’y a pas mille et une solutions. Soit on baisse ses dépenses avec un plan drastique d’économies soit en s’endette en espérant que le temps des vaches grasses va vite revenir. On peut aussi combiner les deux. Baisse des dépenses et endettement. On connait les conséquences sociales d’une telle recette.

 

On notera que je n’ai pas évoqué une autre possibilité : la hausse des recettes. Dans le cas de l’Algérie, c’est mission impossible ou presque. Il faudrait pour cela que le prix du baril augmente ou alors que l’on exporte plus de volumes de pétrole ou de gaz. Or, une petite musique commence à se faire entendre et il serait temps que les dirigeants algériens disent enfin la vérité au peuple : beaucoup d’experts considèrent que l’Algérie n’est plus un pays pétrolier. C’est toujours, et cela le restera encore un bon bout de temps, un pays gazier, mais le pétrole, khlass, ou presque. Les réservoirs se vident. Merci au pouvoir bouteflikien d’avoir fatigué, pour ne pas dire abimé, les grands gisements en pompant avec frénésie durant les deux dernières décennies. Et pour quels résultats…

 

On ne peut pas augmenter nos recettes car la diversification de l’économie est un échec. Quarante ans de slogans creux, de lois censées encourager l’initiative privée, tout cela s’est soldé par une stagnation des exportations hors-hydrocarbures. Bref, tout cela est connu mais l’urgence est là. La rente ne suffit plus. Et, au risque de me répéter, j’attends toujours que l’on m’explique pourquoi l’Algérie n’a pas été capable, en vingt ans, de créer un fonds souverain qui nous serait bien utile aujourd’hui…

 

Au risque de paraître totalement décalé, il n’est pas trop tard pour cela. On peut toujours construire sa cheminée en attendant d’avoir les buches. Cela ferait partie d’un plan de diversification qui ne porterait ses fruits qu’à moyen terme mais ce serait un bon début. Il y a quelques années, j’ai posé la question à l’un de nos responsables, désormais hors du coup : pourquoi l’Algérie n’a pas de fonds d’investissement. Sa réponse fut sans aucune équivoque : « qui va le contrôler ? ». La question, pour lui, n’était pas de savoir comment le mettre en place, quelle politique d’investissement lui faire suivre et quels actifs lui demander d’éviter. Non, c’était, comment le contrôler ? Comment l’empêcher de gagner en autonomie comme ce fut le cas, de manière éphémère, avec la Banque centrale.

 

Le Hirak est une manière, pour les Algériens, de dire qu’il est temps qu’ils soient « vraiment » associés à la prise de décisions les concernant. Bien sûr, un gouvernement est fait pour gouverner, un parlement, pour voter les lois, mais rien ne peut fonctionner sans légitimité. Sans adhésion réelle à un projet explicite de relèvement du pays. Exemple : dire aux Algériens, dans les temps actuels, que nous avons le meilleur système de santé en Afrique n’est pas sérieux. Mieux vaut reconnaître la gravité de la situation et réfléchir avec le maximum de gens compétents à améliorer cette situation.

 

Autre enjeu, ne pas perdre le contact avec la marche du monde et les grands enjeux internationaux. Je me trompe peut-être mais j’ai rarement entendu un dirigeant algérien aborder la question du réchauffement climatique ou de la situation écologique. On me dira, il y a d’autres problèmes plus urgents or, se préoccuper de ce sujet, ce n’est pas un caprice de pays riches et de sociétés développées. La dégradation des eaux et des sols, la détérioration de la qualité de l’air, l’usage intensif de pesticides – dont l’une des conséquences est l’explosion des cas de cancer en Algérie – tout cela mérite aussi réflexion, débats et prises de décisions. 

 

Le Hirak est une formidable occasion de libérer les actes mais aussi la parole. Il ne s’agit plus de cacher la réalité en prétendant être capable de tout gérer. Les solutions aux problèmes existent, du moins en partie, mais à la seule condition que cesse l’immobilisme et que les Algériens soient dans l’adhésion avec ceux qui les dirigent.

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La chronique économique : Incertitudes pétrolières

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 24 février 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

Au cours des prochaines semaines, si d’aventure la situation s’améliore, il y a fort à parier que les cours du pétrole connaîtront un nouveau coup de chaleur avec un baril qui pourrait aller au-delà de ses plafonds actuels et, pourquoi pas, toucher les 80 dollars. Mais on n’y est pas encore. Certes, ces derniers temps, nombre d’informations décrivent une situation de retour à la normale, c’est-à-dire d’avant la pandémie de Covid-19. La demande mondiale qui a chuté de 9% en 2020 est en train d’augmenter, les pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) s’en tiennent à leur discipline décidée au printemps dernier (en gros, 7 millions de barils ont été retirés de l’offre du Cartel) tandis que leurs partenaires de l’Opep-plus, dont la Russie, jouent le jeu de la limitation des pompages.

 

Année 2020 à oublier

 

Mais peut-on vraiment parler de retour durable à la normale ? Pour répondre à cette question, les experts insistent tous sur les perspectives à court terme, horizon où leurs projections divergent. Pour les uns, la crise sanitaire va durer et ne s’effacera que progressivement. Cela ne permettra donc qu’une amélioration très lente pour le secteur pétrolier. En clair, pas de boom immédiat de la demande à prévoir. Pour les autres, il faut d’ores et déjà anticiper une « période folle » où l’économie mondiale redémarrerait en force portée par l’euphorie générale de l’après-pandémie. Un scénario qui ressemblerait à celui des années 1920 (après-guerre et après-épidémie de grippe espagnole). De quoi faire oublier l’exercice 2020 où les cinq compagnies majeures, les « majors » (BP, Chevron, Exxon, Shell et Total), ont cumulé 77,1 milliards de dollars de pertes (dont 20 milliards respectifs pour BP et Exxon). Un chiffre à comparer avec les 49 milliards de dollars de bénéfices enregistrés par ces cinq compagnies en 2019.

 

Mais tout cela ne concerne que le court terme. Pour un horizon plus lointain, le discours demeure le même : pessimiste. Ainsi, le dernier rapport de l’Agence internationale de l’Energie (AIE) table-t-il sur un retour à la normale dès 2022 mais avertit aussi que la demande mondiale n’est pas extensible à l’infini et qu’elle a pratiquement atteint un palier. Autrement dit, cette demande est programmée pour refluer tôt ou tard au bénéfice d’autres énergies dont les renouvelables. Cela est désormais admis par BP et Total. Plus récemment, c’est Shell qui a fait savoir que son activité va tendre vers la neutralité carbone en 2050 ce qui signifie que l’essentiel de son activité sera alors orienté vers d’autres secteurs que les hydrocarbures. 

 

Baisse des investissements

 

On attend qu’Exxon, souvent qualifiée de compagnie pétrolière la plus arrogante, se range aussi à la nouvelle doctrine : décarbonation, lutte contre le réchauffement climatique et investissements dans les énergies nouvelles. Car l’un des enseignements majeurs de cette crise engendrée par le Covid-19 aura été que les compagnies pétrolières ont décidé de diminuer leurs investissements pour compenser leurs pertes. Chose importante, quatre sur cinq de ces majors ont gardé le cap en matière d’énergies non-renouvelables, projets moins gourmands en carbone. Les investissements différés ou annulés concernaient la plupart du temps la recherche et l’exploration de gisements d’or noir. La conclusion est simple : Le vingt-et-unième siècle sera celui des énergies renouvelables, c’est désormais une évidence.

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La chronique économique : Quand le conteneur se fait rare

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 17 février 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

Il est devenu l’emblème de la mondialisation et de l’explosion du commerce international. Il est aussi, ceci allant de pair avec cela, l’icône du grand réveil chinois et de la capacité de Pékin de fournir toutes les marchandises possibles au monde dans des délais raisonnables y compris en matière de produits frais ou périssables. Enfin, il est aussi le symbole du gaspillage déraisonné et de la pollution des océans. Il s’agit, bien entendu, du container.

 

Pénurie globale

 

Au début des années 2000, nombre d’économistes estimaient déjà que ce début de siècle serait l’âge d’or du container. Des « boîtes » empilées les unes sur les autres, des navires toujours plus gigantesques pour les transporter, des innovations technologiques comme la technique frigorifique, et les échanges mondiaux ne cessent d’être facilités. Bien sûr, cela permet toutes les dérives notamment les trafics, y compris humains, sans oublier ces containers qui dérivent dans l’océan et qui constituent de vrais dangers pour la navigation. De même, certaines boîtes ont servi à couler des déchets dangereux dans les mers. Mais la tendance est là, le container demeure incontournable. Il est la colonne vertébrale du commerce internationale.

 

Et en cette période marquée par la pandémie de Covid-19, cet équipement indispensable est en train de manquer. La raison en est simple : de nombreux conteneurs demeurent bloqués dans des centaines de ports à l’arrêt ou à l’accès difficile en raison des mesures de restrictions sanitaires. En règle générale, les conteneurs vont et viennent, dans un immense mouvement de recyclage perpétuel. Dans le cas présent, l’immobilisation forcée de milliers de boîtes crée un goulot d’étranglement.

 

La conséquence de tout cela est une hausse directe des coûts de fret maritime (+150% sur un an pour les trois derniers mois de 2020). En effet, les ports chinois manquent de conteneurs et les importateurs européens et nord-américains sont obligés de payer le transport plus cher. La situation est d’autant plus compliquée que l’économie mondiale redémarre plus rapidement que prévu. Elle est donc en avance par rapport à une éventuelle levée des restrictions sanitaires voire une éventuelle amélioration de la situation pandémique.

 

Réorganisation

 

Cette situation va laisser des traces car, à l’avenir, les opérateurs vont certainement garder en tête le fait que le transport maritime n’est pas l’unique solution. Dans un contexte où de nombreuses entreprises sont en train de réorganiser leurs chaînes de valeur et leurs systèmes logistiques, il est possible d’envisager que des stratégies de relocation partielle soit décidées de manière à favoriser d’autres modes de transport (route, ferroviaire). Une évolution que la Chine a d’ores et déjà anticipée. En effet, le projet des nouvelles routes de la soie prend en compte les exigences à venir en matière de proximité des centres de production par rapport aux consommateurs. Certes, le conteneurs a encore de beaux jours devant lui mais sa domination (presque) totale est peut-être terminée.

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