Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

lundi 31 décembre 2012

La chronique du blédard : Le monde arabe en 2013

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 27 décembre 2012
Akram Belkaïd, Paris
 
Personne ne contestera le fait que le Printemps arabe a été l'événement majeur de 2011. Mais qu'en a-t-il été de 2012 ? Les avis sont partagés. Dans de nombreuses capitales arabes on parle d'un hiver islamiste et d'une régression sociétale. A l'inverse, il existe un autre point de vue, moins influencé par les péripéties électorales, pour qui l'histoire est loin d'être écrite et qui affirme que nous n'en sommes qu'au début d'un long processus. Une longue séquence dont personne n'est capable de prédire la fin. En tout état de cause, une chose est certaine : le monde arabe va continuer à faire parler de lui durant l'année qui s'annonce.

D'abord en Syrie où l'on se demande si 2013 verra la chute du régime d'Assad avec d'incalculables conséquences tant sur le plan local que régional. De plus en plus contrôlée par des groupes islamistes radicaux, la rébellion contre le pouvoir de Damas inquiète la communauté internationale y compris ses principaux soutiens. Dans l'hypothèse de sa victoire - ce qui reste encore à prouver tant le régime semble conserver de la ressource pour se défendre - faut-il craindre des représailles massives contre les communautés ayant soutenu, de gré comme de force, Bachar el-Assad ? Au cours des dernières semaines, plusieurs textes ont circulé sur internet mettant en garde contre un génocide - c'est le terme employé -dont les alaouites mais aussi les chrétiens seraient les premières victimes.

Mais la guerre civile syrienne, car c'en est une désormais, peut aussi s'enliser. C'est, même si personne n'en conviendra, une option qui arrangerait nombre d'acteurs internationaux qui activent dans la région. Une Syrie à feu et à sang, constituerait de fait un abcès de fixation susceptible de peser sur le régime iranien et son allié libanais du Hezbollah. Ce serait aussi un conflit susceptible d'attirer des djihadistes du monde entier au grand soulagement des pays dont ils sont originaires. Et puis, plus le temps passera et plus les tensions s'exacerberont au sein des factions islamistes qui combattent le régime d'Assad, ce qui ne manquera pas de les affaiblir. Cela signifie une chose, on peut craindre que les terribles souffrances du peuple syrien vont continuer.

 
Le peuple de Bahreïn risque lui aussi de continuer à souffrir et cela dans une indifférence quasi-généralisée. Disparu des radars des médias internationaux dès mars 2011, cette monarchie sunnite, qui se dit constitutionnelle, reste confrontée à un fort mouvement de contestation essentiellement mené, mais pas uniquement, par des forces politiques chiites représentatives d'une part majoritaire de la population. L'une des hypothèses concernant la suite des événements est que cette crise - qui a fait plusieurs morts, des blessés, des arrestations et même des déchéances de nationalité - va nécessairement s'internationaliser. Si l'Arabie saoudite veille et protège la monarchie en place, on sent tout de même que l'opposition chiite marque des points auprès des grandes puissances occidentales et cela même si la propagande officielle l'accuse d'être inféodée à l'Iran.

Mais le pays arabe qui sera le plus observé est bien sûr l'Egypte. Car ce qui s'y passe depuis plusieurs mois est tout sauf anecdotique. La victoire du Frère musulman Mohamed Morsi à l'élection présidentielle et l'adoption au forceps d'une Constitution rédigée par le camp islamiste figurent parmi les événements majeurs de 2012. N'en déplaise au Maghrébins, et notamment aux Algériens, qui pensent le contraire, l'Egypte demeure le centre de gravité du monde arabe et ce qui s'y passe influe tôt ou tard sur ses voisins et cousins. Ainsi, la presse arabe transnationale a-t-elle déjà mis en exergue un fait de première importance. La récente radicalisation du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan - il a notamment appelé à des poursuites contre les producteurs d'une série télévisée sur Soliman le Magnifique - serait due à l'influence de Mohamed Morsi. Des Frères musulmans égyptiens au pouvoir qui incitent leurs homologues turcs de l'AKP à plus de rigorisme et d'orthodoxie, voilà une conséquence possible des événements de 2012 que personne ne semble avoir prévue. Ne disait-on pas, au contraire, que c'est le phénomène inverse qui aurait lieu, le " modèle turc " étant appelé à faire des émules dans le monde arabe ? Reste que la société égyptienne est divisée et que rien n'assure aux " Frères " que leur exercice du pouvoir sera un long fleuve tranquille. Mais l'expérience méritera d'être suivie de près.

Tout comme sera suivie l'évolution de la Tunisie où la polarisation de la vie politique entre partisans et adversaires d'Ennahdha - c'est d'ailleurs ce que recherche ce parti depuis février 2011 - peut mener au pire. Des élections devraient se tenir en 2013, dans l'hypothèse où les travaux de la Constituante seront achevés. Dans quel climat le scrutin se déroulera-t-il ? Faut-il donner du crédit aux sondages qui affirment que le parti religieux perd, jour après jour, de son audience ? Et si tel est le cas, ne faut-il pas craindre de lui une radicalisation plus marquée et un recours plus fréquent à l'intimidation et à la violence ?

Et l'Algérie dans tout cela ? On peut prendre le pari que ses dirigeants continueront de se gargariser d'une " exception " qui tend à faire croire que le pays est resté hermétique à l'onde de choc provoquée par le Printemps arabe. Est-ce que cela restera le cas en 2013 ? Qui sait ? Les Algériens sont devenus les champions du monde de l'attente du changement et vivent actuellement dans un environnement à part, presque factice, en raison de la bonne tenue des cours du pétrole. Ils peuvent regarder la situation en Egypte ou en Tunisie comme des repoussoirs et des obstacles à tout " aventurisme démocratique ". Mais, ils peuvent aussi se dire qu'il est des pays arabes où, malgré la pagaille politique, les choses bougent et où tout reste permis…

On terminera ce tour d'horizon par le sort des Palestiniens. Ces derniers ont désormais un " Etat " admis dans l'antichambre de l'Onu. Il leur reste à avoir enfin leur terre, leur " vrai " pays et leurs droits. On le sait, les Israéliens ont l'intention de ne rien lâcher et continuent même d'annexer Jérusalem-est et ses environs. Vu à l'instant t, on pourrait penser que la partie est perdue pour les Palestiniens. Mais, ce serait oublier que cette partie du globe, comme le reste du monde arabe, est souvent confrontée à l'inattendu. Cet imprévu salvateur qui rebat les cartes et détruit les certitudes de la veille. Et pourquoi 2013 ne serait-elle pas, elle aussi, l'année de l'imprévu ?
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Magda Elmahdy, Lady Godiva du monde arabe

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SlateAfrique, dimanche 30 décembre 2012

Son dernier happening avec le groupe féministe des FEMEN a fait le tour de la Toile. Que veut vraiment Magda Elmahdy?

Aliaa Magda elmahdy et les FEMEN, à Stockholm, le 20 décembre 2012. Capture d'écran/ DR.
                                             
Lady Godiva plutôt que Lady Gaga… Si les jeunes adolescentes du monde entier connaissent la seconde, ses chansons à deux sous et ses provocations très commerciales, la première semble devenir une source d’inspiration pour quelques jeunes femmes arabes protestataires.
Rapide rappel historique: selon la légende, vers l’an 1000, Lady Godiva, une aristocrate saxonne, aurait chevauché nue à travers la ville de Coventry, pour obliger le comte Léofric, son seigneur de mari, à baisser les impôts imposés à la population pour financer ses guerres.
Depuis, à travers l’histoire, on retrouve de manière régulière des femmes qui se revendiquent de celle qui, vêtue uniquement de ses longs cheveux, aurait finalement obtenu gain de cause.
Ainsi, en Ukraine comme en Russie sans oublier Notre-Dame des Landes en France, Lady Godiva est la lointaine inspiratrice de ces militantes qui exposent leurs corps —notamment leur poitrine— pour des motifs politiques.

Lala Godiva égyptienne

Et le monde arabe commence à découvrir cette manière de protester avec des Lala (dame) Godiva qui ont recours à Internet pour se faire connaître.
La plus connue d’entre elles est Aliaa Magda Elmahdy. En novembre 2011, cette jeune activiste égyptienne a mis en ligne des photographies d’elle dans le plus simple appareil pour dénoncer l’obscurantisme des islamistes.
«J’ai le droit de vivre librement n’importe où», avait-elle écrit sur son blog pour justifier sa démarche et clamer son athéisme.
A l’époque, la blogosphère arabe s’était divisée à propos de ce geste. Les uns comprenaient et saluaient cette prise de risque qualifiée de courageuse quant d’autres dénonçaient le manquement aux bonnes mœurs ou l’inutilité d’une provocation qui ne pouvaient que renforcer les intégristes dans leurs convictions rétrogrades.
Bien entendu, les médias occidentaux se sont emparés de l’affaire, portant au pinacle cette jeune femme, elle-même très vite dépassée par l’affaire (on se souvient de sa mine effrayée sur certaines de ses photographies).

Nue pour protester contre l'islamisation de l'Egypte

Après quelques démêlés avec la police égyptienne, Magda Elmahdy vient de récidiver, en manifestant nue en compagnie d’activistes du groupe Femen, devant l’ambassade égyptienne à Stockholm. Une mise à nu pour protester contre l’islamisation de son pays et contre le régime du président Morsi.
Là encore, les réactions sont multiples mais, le plus souvent, critiques. Et à raison, du moins est-ce l’avis de l’auteur de ces lignes. En effet, on peut se demander à quoi peut bien servir pareil acte. Car, pour les intégristes qu’il faut effectivement combattre sur le plan des idées, c’est, ose-t-on écrire, du pain béni.
Dans un monde arabe largement acquis aux idées conservatrices, et pas forcément intégristes, une femme nue qui manifeste contre l’islamisation ou qui délivre un message politique, est un spectacle, le plus souvent choquant, qui défie l’entendement et la raison.
Est-ce que cette nudité militante peut changer les mentalités misogynes et rétrogrades? On peut en douter.
C’est d’autant plus vrai qu’il faut s’attendre à ce qu’Aliaa Magda Elmahdy devienne une héroïne pour les médias occidentaux et certains courants féministes. Pensez-donc, une femme qui use de son corps pour défier les barbus!

La gloire avant tout

Pour cette Lala Godiva égyptienne, le risque est grand de devenir un phénomène de foire, un emblème bien commode que l’on va exhiber sur les plateaux pour dire ô combien le monde arabe est en retard et impitoyable avec ses femmes.
Mais, peut-être, est-ce là le but d’Elmahdy? Devenir célèbre, coûte que coûte, même en usant d’arguments, au final, inefficaces et même désastreux pour ses sœurs égyptiennes et arabes.
Dans un monde où chacun veut plus que son quart d’heure de célébrité, ce qui explique la profusion des comportements égotiques sur les réseaux sociaux, la gloire soudaine peut rendre fou n’importe qui.
Mais, cela étant dit, il faut tout de même convenir qu’Elmahdy ne manque pas de courage ni de ténacité.

Elle fait des émules

En tous les cas, la militante égyptienne semble devenir une source d’inspiration. Dans une photo qui circule actuellement sur Internet, mais dont on ne connaît pas encore la provenance, une jeune femme inconnue expose ses chairs dans une posture qui n’est pas sans rappeler les photos coquines —effet accentué par la présence de chaussures à talons— avec, en arrière-plan, le drapeau algérien.
Un texte accompagne la photographie stipulant que«les moudjahidines du FLN doivent reconnaître les crimes commis contre les Algériens et les viols dont ont été victimes les Algériennes».
Pourquoi le FLN? De quels crimes est-il question? Sur quelle période? Mystère. Le fait est que l’on ne connaît pas encore l’identité de la concernée et encore moins si elle est algérienne ou pas.
Là aussi, les réactions à ce document étaient divisées. Nombre d’internautes algériens ont trouvé scandaleux que leur drapeau soit associé à pareille exhibition. D’autres se sont demandé s’il ne s’agissait pas d’un règlement de compte où la dame dénudée aurait été victime d’un amant malintentionné.
Autre hypothèse avancée, la photographie ne serait qu’une provocation politique réalisée hors d’Algérie par un internaute hostile à l’Algérie. Le mystère reste donc entier mais une chose est sûre, le phénomène des protestations par la nudité ne fait que commencer tant son audience sur Internet paraît assurée.
Akram Belkaïd
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vendredi 28 décembre 2012

Privatising the Arab spring:

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Tunisia and Egypt face economic challenges besides the difficulty of achieving political stability. The collapse of the previous systems of sinecure will release individual energies and initiatives, but these will go nowhere unless the new administrations find the financial resources to make up for lost time and achieve more egalitarian development. According to the first estimates from the Tunisian Central Bank and the Egyptian economics ministry, the countries will need between $20bn and $30bn over the next five years to improve their standards of living and open up regions through investment in transport, energy and technological infrastructure.

Conscious of how high the stakes are, prominent Arab and European figures (1) have supported the slogan “Invest in democracy, invest in Tunisia”, and have launched an appeal, the 200 Manifesto, calling on the West to give Tunisia financial aid. The US and EU have made plain that their coffers are empty and that, during a public debt crisis, they will not be extravagant. Although the world’s richest nations promised Tunisia and Egypt $20bn over two years at the G8 meeting in Deauville in May, this consists of loans scheduled before the revolutions. The Arab countries are hardly rushing to help their neighbours towards democracy. Despite its reserves of $150bn, Algeria has only allocated a few tens of millions of dollars to Tunisia. The EU’s plans for a Mediterranean Bank, planned since 1995, finally ended this May.

So, with the IMF and the World Bank, the principal lenders will be the European Investment Bank (EIB) — which is offering loans of $6bn between now and 2013 — and the European Bank for Reconstruction and Development (EBRD). Unlike eastern Europe after the fall of the Berlin Wall, the countries of the southern Mediterranean will not have their own bank of reconstruction and development.

In Tunis and Cairo, where there were hopes of a Marshall plan like the one that the US financed in Europe after the second world war, this has come as a great disappointment — all the more so since economists estimated that such a plan would cost the equivalent of funding the war in Iraq for two months, or 3% of the cost of German reunification in 1991 (2).

Privatisation by any other name
Unable to count on aid to meet their economic and social needs, Egypt and Tunisia have been encouraged by the IMF and World Bank to go further with market liberalisation, including seeking development money from multinationals. International lenders and western multinationals that already have a foothold in the southern Mediterranean, and want greater freedom of movement, view the option of public-private partnerships (PPPs) as a miracle solution.

Under PPPs, for a fixed period a company finances, constructs and then derives profit from a public service such as water, power or health on behalf of the state or its proxies. Even if the arrangement is temporary, it is a privatisation. International financial institutions are asking new democracies for the same as they used to demand from the previous dictators.

Since the early 1990s the IMF pressed President Hosni Mubarak of Egypt and President Zine el-Abidine Ben Ali of Tunisia for economic reforms, including the complete convertibility of their currencies, an “improvement of the business environment” — more facilities for foreign lenders — an accelerated withdrawal of the state from the economic sphere and a liberalisation of public services. Without casting doubt on their commitment to the free-market economy, these dictators were careful not to go too far along the road to market liberalisation for fear of accentuating social inequality. Will future democratically elected governments yield to calls for still greater economic liberalisation? And are PPPs really the answer?

To the business community and international institutions, PPPs seem a natural instrument for financing infrastructure development in the southern Mediterranean. Yet their implications are poorly understood. Les Echos, the French financial paper, explained: “The ever more frequent recourse to public-private partnerships still has not proved its profitability,” and quoted François Lichère, a law professor and legal consultant on PPP contracts: “The financial risk is borne by the project companies, established for that purpose, which borrow 90% of the funds. The instrument is therefore designed to work under favourable banking conditions” (3).

This calls for two qualifications. The first concerns the state of the banking sector. A PPP requires low interest rates and healthy banks. Neither of these conditions applies to Tunisia or Egypt, where many institutions have dubious debts and lack the expertise to take part in complex financial arrangements (4). The second qualification relates to the public operator’s ability to ensure that its interests — and those of the taxpayer — are being served, and that the private-sector partners are carrying out their responsibilities effectively. This means that the state, local institution or other public body must have the necessary competence and expertise to back and evaluate the PPP. In France, in a sector such as water supply, municipalities are obliged to prove they are vigilant so as not to incur additional costs and so that the terms of the contract are not flouted by the private contractor (5).

PPPs require not a strong state but a competent one, capable of working out a solid legal framework and guaranteeing that the terms of the partnership are fulfilled. Will future administrations in Egypt and Tunisia be up to this task?

Neoliberal Brothers

If there is a middle way, an economic option that is neither headlong liberalisation nor a return to the planned economy of the past, it will not come from religious political parties. As the Egyptian economist Samir Amin showed with the Muslim Brothers, Islamism is happy to align itself with liberal, mercantilist theories and, contrary to popular belief, pays only passing attention to social issues: “The Muslim Brothers are in favour of a market-based economic system which is totally externally dependent. They belong to the compradore bourgeoisie (6). They have opposed big strikes by the working classes and the peasants’ struggles to retain ownership of their land [especially in the past decade]. So the Muslim Brothers aren’t moderates except in the sense in which they have always refused to formulate any economic or social programme (in fact, they don’t question reactionary neoliberal policies) and in which they also accept de facto submission to the demands of existing US control in the region (and world). That makes them useful allies for Washington (is there a better US ally than Saudi Arabia, the Brothers’ patron?), which has given them a certificate of democracy” (7).

There is much talk about the charity work of Islamist organisations; this overlooks the fact that they are defending a fixed order and refuse to contemplate or develop policies to reduce poverty and inequality. Political Islamism is inclined to favour neoliberal policies and oppose any redistributive policy that uses taxes, considered impious, except for zakat, the compulsory giving of a set proportion of income to charity, which is one of the five pillars of Islam. This explains why Islamists have never tried to reach an understanding with the global justice movement, which they consider a new manifestation of communism. It is reasonable to suppose that, as long as they do not threaten the basis of the democratic order, strong Islamist parties will not undertake major economic revolutions.
So Tunisia and Egypt face a search for the “third way” that the former eastern European bloc was unable to find after the fall of the Berlin Wall. Popular revolutions must not become the foundation for an all-powerful capitalism that undermines the social cohesion of Egyptian and Tunisian society. Ensuring this will have to depend on new economic policies that prioritise the social dimension and the reduction of inequality.
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La chronique économique : L’ECONOMIE DU QATAR VA RALENTIR

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 26 décembre 2012
par Akram Belkaid, Paris


En 2013, le Produit intérieur brut (PIB) du Qatar devrait progresser de 4,8% (contre 6,3% en 2012) soit le plus faible taux de croissance depuis 2002. Bien entendu, la liste des pays qui aimeraient connaître une telle expansion de leur économie est longue. On pense notamment aux membres de l’Union européenne (UE) qui resteront menacés par la récession au cours des prochains mois. Mais, pour un pays comme le Qatar, habitué à des progressions élevées et proches du duo Chine-Inde, ce léger ralentissement mérite d’être signalé. En effet, cela traduit la fin d’un cycle de quinze ans au cours duquel l’Emirat a consenti près d’une centaine de milliards de dollars d’investissements pour augmenter ses capacités de production de gaz naturel et de pétrole.

CAP SUR LES INFRASTRUCTURES
 
Durant les prochaines années, la croissance de l’économie du Qatar devrait donc dépendre du développement des infrastructures avec comme ligne de mire l’organisation de la Coupe du Monde de football en 2022. Usines de traitement d’eau, production d’électricité verte grâce à l’énergie solaire, métro et train, routes et bases logistiques : le Qatar présente un réel retard en la matière en comparaison des Emirats arabes unis (EAU) et de l’Arabie Saoudite. Doha devrait ainsi dépenser près de 10 milliards de dollars d’ici 2020 pour être capable d’accueillir la Coupe du Monde de football et loger au mieux les millions de visiteurs qui se déplaceront à cette occasion. Un chiffre à comparer avec les «seuls» 4 milliards de dollars que la ville émiratie de Dubaï devrait dépenser au cas où sa candidature serait retenue pour l’Exposition universelle de 2020 (il s’agit du troisième événement planétaire après la Coupe du Monde de football et les Jeux Olympiques).

Le Qatar est donc engagé dans un effet de rattrapage par rapport à ses voisins et concurrents. Reste que les chantiers annoncés tardent à démarrer. La principale raison est que l’Emirat ne sait plus où donner de la tête en matière de projets d’infrastructures et qu’il est gagné par la congestion tant en terme de force de travail que d’équipements. Comme Dubaï, il y a une dizaine d’années, Doha est l’un des lieux au monde où l’on compte le plus grand nombre de grues et d’engins de chantier. A cela s’ajoute le fait que les autorités sont de plus en plus, inquiètes quant à la formation d’une bulle immobilière. Certes, en 2012, le nombre de crédits pour la construction a fléchi de 7% (il avait bondi de 40% en 2011) mais de nombreux indices font craindre un scénario à la Dubaï pour les prochaines années. On se souvient qu’en 2010, l’immobilier aux Emirats avait perdu près des deux tiers de sa valeur et entraîné de nombreuses faillites.
 
DES CHANTIERS POUR QUEL USAGE ?
 
Mais la question qui reste posée concerne l’avenir de toutes ces infrastructures. Concernant les stades de la Coupe du Monde, le Qatar a annoncé qu’ils seraient démontés et offerts à des pays en voie de développement (aucune précision n’a été donnée sur cette question ni sur les modalités financières d’un tel transfert). Mais, les routes, les hôtels, les centres commerciaux ainsi que les divers sites industriels n’ont pas vocation à être revendus à l’étranger. Vont-ils continuer à servir ? Et pour qui ? Ne seront-ils pas en surcapacité ? La dynamique économique continuera-t-elle à justifier autant d’investissements pour un pays dont la population ne dépasse pas les 200.000 individus (pour les seuls nationaux) et dont la superficie est comparable à celle de la Corse ? En tout état de cause, la décennie en cours devrait apporter de précieux éléments de réponse à ces questions.
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jeudi 27 décembre 2012

La libre circulation n’est pas la liberté d’installation

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Revue Citoyens n°345 - Octobre 2012
Akram Belkaïd

Par Akram Belkaïd, journaliste

Depuis la nuit des temps, l’Homme a été obligé de quitter sa terre pour un ailleurs censé être meilleur, du moins plus hospitalier. L’Histoire de l’humanité n’est ainsi qu’une longue série de migrations, de peuples en mouvements, parfois contre leur gré, et de terres âprement disputées entre anciens habitants et nouveaux arrivants. Les temps modernes n’échappent à cette réalité. Mais, dans un contexte de mondialisation triomphante, où un container emplis de produits électroniques ou de crevettes surgelées peut faire le tour de la planète en quelques jours, l’être humain se voit limité dans ses mouvements. Passeports biométriques, visas de différentes catégories et durées, frontières renforcées, postes de douane : les obstacles sont nombreux même s’ils sont loin d’être les mêmes pour tout le monde.

Ainsi, les peuples du nord ne se rendent même pas compte de leur chance et du bonheur qui leur est offert. Excepté certaines zones de guerre (et encore, un tourisme spécifique d’apparition récente offre de les y conduire), ils peuvent visiter les quatre coins de la planète, voire y séjourner. Telle n’est pas la réalité que vivent nombre de peuples du Sud. Pour eux, la libre-circulation est un mirage. C’est par exemple le cas des populations du Maghreb pour qui l’accès à l’Europe relève de l’impossible, exception faite d’une minorité qui peut obtenir des visas ou qui possède la double-nationalité.

Mais il ne faut pas s’y tromper. Rien ne peut arrêter le mouvement des hommes. Ni les vagues de la mer Méditerranée, ni les barbelés qui protègent les enclaves de Ceuta et Melila ni même les administrations et leurs visas. Le drame récurrent des harragas, ces migrants qui traversent la Méditerranée au péril de leur vie le prouvent. Alors, quoi ? Faut-il pour autant abolir les frontières et exiger une refonte totale des politiques migratoires européennes ? On s’en doute, la réponse n’est pas simple. Décréter la fin des frontières est chose évidemment impensable pour des gouvernements européens confrontés à la crise économique, au chômage de masse et à la montée des tensions et des mouvements xénophobes. Mais, dans le même temps, le statu quo est dangereux et générateur de drames, qu’il s’agisse des morts en Méditerranée ou de l’exploitation des migrants par diverses mafias allant des passeurs aux pourvoyeurs de travail au noir sans oublier les marchands de sommeil. Voilà pourquoi la libre-circulation est souhaitable. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est grâce à elle que le mouvement des populations pourra être régulé avec l’adhésion de tous.

Car il faut bien comprendre que la libre-circulation n’est pas la liberté d’installation. Elle permet le voyage et le mouvement. Elle offre au cadre, à l’étudiant ou au retraité la possibilité de passer d’un pays à l’autre, d’y demeurer, de s’y former et même d’y travailler quelques temps avant de revenir chez lui. Pourquoi les clandestins vivant en France ou en Grande-Bretagne ne rentrent-ils pas chez eux ? Tout simplement parce qu’ils savent que, dès lors qu’ils auront quitté l’Europe, y revenir leur sera définitivement interdit. Et d’ailleurs, que font-ils à peine régularisés. Ils vont et viennent, contribuant à renforcer les liens économiques et sociaux entre leur pays d’origine et celui qui les a accueilli.

La libre-circulation est ainsi une garantie de retour, fut-il temporaire, mais aussi de création de richesse. Certes, dans un premier temps, elle engendrera un appel d’air comme ce fut le cas pour les Polonais ou Hongrois après que les frontières d’Europe de l’Ouest leur eurent été ouvertes. Mais où sont aujourd’hui ces migrants de l’Est ? Nombre d’entre eux sont revenus en Pologne, en Hongrie ou ailleurs. Fort d’un pécule et d’un savoir amassés dans la « riche Europe », ils sont rentrés chez eux, leur pays d’origine leur offrant enfin des conditions de vie acceptables tant sur le plan matériel que politique.

Alors oui, la libre-circulation n’est pas une dangereuse utopie. Réglementée et encadrée, elle offrira de nouveaux horizons à des peuples voisins. Encore faudrait-il avoir le courage de regarder cette question en face et de ne pas céder aux surenchères xénophobes.
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dimanche 23 décembre 2012

La chronique du blédard : La bétaillère Paris-Bruxelles

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 20 décembre 2012
Akram Belkaïd, Paris
 
Il fut un temps où ce train était le symbole de la modernité, du confort et d’une ambiance feutrée propice au travail intellectuel ou à la sieste réparatrice. Mais ça, c’était avant… Aujourd’hui, le Thalys, car il faut l’appeler par son nom, a de plus en plus tendance à ressembler à une bétaillère malodorante (mélange de ploum-ploum et d’assainissant pour pissotières) où les incivilités sont la norme. Il suffit d’une heure et de quelques dizaines de minutes entre la Gare du nord parisienne et celle, bruxelloise, du Midi, pour s’en rendre compte. Compilations de quelques scènes qui en disent long sur une régression ferroviaire et sociétale.

Scène numéro une : Elles sont deux. La cinquantaine très bavarde et bien enveloppée. Déjà, avant le départ, elles se sont trompées de place, cherchant à faire lever une vielle dame bien indulgente. Ensuite, à peine le train ébroué, est venu pour elles le temps des conversations téléphoniques. Histoires d’horaires, de paquet à récupérer et de dîner à préparer. Des choses insignifiantes qui envahissent la rame, qui empêchent de lire, d’écrire ou de pioncer. Ni les gros yeux, ni les soupirs bruyants ne changent la donne. Seule solution : se lever et faire la leçon. Mais à quoi bon s’enguirlander à quelques jours de Noël et y perdre une précieuse énergie ?
 
Il y a une autre solution, déjà expérimentée par l’auteur de ces lignes sur la même… ligne (parfois, la répétition s’impose…). Imaginez un homme d’affaires ou d’on ne sait quelle activité sonnante et trébuchante. Appel à la secrétaire, puis à un client, puis ensuite et encore à la secrétaire. Des prises de rendez-vous, des consignes pour maltraiter un fournisseur (si, si !). Bref, l’enfer sonore. Voici donc ce qu’il faut faire en pareilles circonstances : D’abord, prendre son propre téléphone, au besoin avertir son voisin ou sa voisine, puis simuler une conversation téléphonique à voix plus que haute : « Allo ? Ouais Gérard. Je suis dans le train. Ouais, je suis obligé de crier et je t’entends mal parce qu’il y a déjà un c…rd qui parle fort ! Ouais, j’te rappelle quand il aura terminé de brailler dans son mobile à deux sous ! ».
 
L’effet est immédiat. L’importun se tait, on entend des rires bien sonores, on vous adresse quelques sourires de remerciements. C’est merveilleux, on est un héros. Bien entendu, avant de se risquer à une telle remise en place, mieux vaut jauger la corpulence de l’ennemi à rosser. Dans le cas expérimenté, le concerné, pâle et malingre, ne pouvait que se cacher. Facile. Oui, c’était une hogra facile. Mais une hogra nécessaire et ô combien utile au bien être général.
 
Scène numéro deux : C’est ce que l’on pourrait appeler le pompon. Imaginez un couple de jeunes touristes britanniques. Lui, d’origine indienne ou pakistanaise, elle rousse à souhait. Il lit les pages sport du Daily Telegraph, elle parcourt le Lonely Planet sur la Belgique et lit à voix (très) haute tous les passages qui lui semblent intéressants (la Grande place, les musées,…). Jusque-là, rien de bien méchant. Mais, voici que la liseuse décide de s’occuper de ses atours. D’abord, en usant du coupe-ongles et en faisant mine de ne pas s’apercevoir que certains éclats grisâtres atterrissent sur les tablettes d’à côté où un voyageur termine croissant et jus d’orange. Elle sort ensuite une lime à ongle et commence alors un frénétique et insupportable crissement.
 
Ecœuré, on s’imagine que la poussière d’ongle se diffuse un peu partout, portée par l’air chaud pulsé à l’intérieur de la rame. Que faire ? Exiger du contrôleur qu’il somme l’incivile de cesser son affutage ? Donner dans la surenchère en se coupant les poils du nez devant elle, histoire de lui faire comprendre qu’il y a des choses qui ne se font pas en public ? Ou alors, hausser les épaules en comptant et recomptant les minutes qui restent avant d’atteindre bon port. Cricc-Crrac. Le train va, les petites maisons défilent et l’outil lime, lime…
 
Scène numéro trois : On ne sait pas qui a pris le manteau de l’autre car les deux se ressemblent. Les hommes ont la même taille et ont peut-être acheté le même vêtement dans la même boutique. Toujours est-il que celui qui s’est levé le premier a, semble-t-il, pris le plus neuf des deux. Et voilà que ça s’insulte, que ça se traite de tous les noms, que ça débite les pires insanités et, pour finir, que ça cherche à se mettre des coups de poings sous le regard effaré de touristes en partance pour Amsterdam. Les choses finissent par se calmer car un vieux reçu de carte bleu permet de dire à qui appartient le paletot. On pourrait en rire, mais tout devient soudain insupportable. Le chauffage poussé à l’extrême, la lumière agressive, les portables qui continuent de sonner et les bavards de bavasser, les ongles qui n’en finissent pas d’être taillés.
 
Et c’est le moment que choisit le (jeune) voisin pour déplier ses pieds et poser ses godillots sur le siège. Que faire ? Une leçon de morale ? Jouer au vieux gâteux qu’insupporterait la jeunesse d’aujourd’hui. Non, rien de cela car, délivrance, le train rouge arrive enfin en gare. On repense aux publicités mensongères, celles qui vont font croire que le voyage en train est un enchantement où tout est merveilleux, lisse et coloré. La prochaine fois, se jure-t-on, on suivra le conseil d’un universitaire français habitué à franchir le Quiévrain dans les deux sens : on prendra le car. Certes, c’est plus long mais y jouer de la lime à ongle y est certainement plus difficile…
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samedi 22 décembre 2012

Amis Marocains, la France vous aime aussi

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SlateAfrique, samedi 22 décembre 2012

François Hollande a certes choisi l'Algérie pour sa première halte maghrébine, mais le Maroc demeure le préféré.

Bain de foule de François Hollande à Alger le 20 décembre 2012. Philippe Wojazer / Reuters
l'auteur
                                           
Alors, on boude? On râle et on s’inquiète? Tout cela parce que François Hollande, président de la bonne vieille République française, jadis mère patrie pour nous et mère protectrice pour vous, s’en est venu faire un petit tour par chez nous?
C’est vrai, a priori, il y a de quoi être un peu vexé. L’Histoire retiendra que l’Algérie aura été la première sortie maghrébine du président français (ce qui, au passage, fait une belle jambe aux Algériens, mais passons). Cette prééminence, on vous l’agitera sous les yeux, une manière comme une autre de vous faire bisquer sans avoir à parler du Sahara… Vous savez, la fameuse smata algérienne…

Espoir d'une nouvelle dynamique franco-algérienne

Ajoutez à cela que l’on peut décemment considérer cette visite officielle comme une réussite prometteuse. Bien sûr, tout n’est pas réglé mais l’espoir existe de voir naître une nouvelle dynamique franco-algérienne. Bref, c’est nous les Algériens «qu’on a» les faveurs de la France en ce moment.
Enfin, c’est une (double) façon de parler. En réalité, nous n’avons que les faveurs de l’emballement médiatique. Dans quelques jours, que dis-je, dans quelques heures, tout sera oublié, mes confrères journalistes de l’Hexagone s’intéresseront à autre chose (comme l’imminence de la fin du monde, par exemple) et l’Algérie et la France se réinstalleront dans leur train-train habituel en attendant la prochaine polémique ou le prochain bras d’honneur.
Car, c’est ainsi, on ne peut s’empêcher de se chamailler et de continuer à vouloir régler des comptes vieux d’un demi-siècle et plus.

Le Maroc demeure le préféré


Amis Marocains, si parmi vous, certains craignent que la France officielle ne se détourne de votre pays au profit du notre, empressez-vous de les rassurer. Le Royaume restera el-moufadal (le préféré). Dites-leur d’abord qu’on aura du mal à nous défaire de notre vilaine image. Que nous avons encore beaucoup de chemin à faire avant qu’un homme politique français n’ose dire qu’il aime l’Algérie et les Algériens.

L’Algérie attend encore son Jean-René Fourtou, grand patron déterminé à faire augmenter les investissements français au Maroc. Nous n’avons pas non plus l’équivalent en France de ce cercle d’influence pro-marocain dont vous disposez à droite comme à gauche.
Les femmes et les hommes politiques français nés au Maroc sont nombreux, fiers de le dire, contents d’y revenir et prompts à le soutenir en toute occasion. Ceux qui sont nés ou qui ont vécu en Algérie, sont tout aussi nombreux mais ils préfèrent parler d’autre chose. On sent leur gêne, leur envie de se dire d’ailleurs, à l’image de Jean-François Copé à qui il faut parler d’Algérie si l’on cherche à plus que le taquiner…

Il faut dire aussi qu’on y met du notre. Il y a dix ou vingt ans, on aurait pu essayer d’user du passé commun, même s’il a été en grande partie douloureux, pour faire naître de nouvelles connivences. Au lieu de cela, on continue à se dresser sur nos ergots dès lors qu’il s’agit de la France…

Le Maroc, une Algérie rêvée

Vous avez d’excellents lobbyistes, nous avons des spécialistes du nif (fierté) mal placé et chauvin. Vous savez éluder, on prend tout au premier degré surtout quand c’est Fafa (la France) qui parle. Il se passera encore beaucoup de temps avant que nous puissions accueillir des charters entiers de parlementaires, de chefs d’entreprises, d’acteurs ou de journalistes à la recherche d’un douillet dépaysement.
Vous avez La Mamounia et d’autres palaces, des riads à vendre ou à louer, les tagines et la pastilla, bref, un tout-plein d’avantages que même la victoire électorale de vos barbus ne remettra pas en cause.
Nous, c’est différent. Nos hôtels Pouillon tombent en ruine faute d’entretien et de touristes, l’ombre des promoteurs immobiliers plane sur nos Casbah sinistrées et, plus les années passent, et plus l’art de faire un bon méchoui se perd.
A bien des égards, de nombreux Français, vous savez ces officiels et officieux un brin paternalistes, voient dans le Maroc une sorte d’Algérie rêvée et vous avez l’intelligence et l’habilité de ne pas les contredire…

Votre tour, c'est royal

Viendra donc le temps de la visite de François Hollande chez vous. Vous sortirez le grand jeu et l’apparat. A Paris, on se battra comme des chiffonniers pour faire partie de la délégation présidentielle.
Il y aura des patrons du CAC 40 -des vrais, par leurs chargés des affaires publiques ou quelques autres seconds rangs -, des artistes, des journalistes, des modistes, des stars de la chanson et du sport. En clair: la totale royale.
Arrivé chez vous, le président normal, mais impressionné, vous dira à quel point les relations franco-marocaines sont solides, intenses, durables, denses et tout le tintouin. Il tombera amoureux du Maroc comme Chirac et Sarkozy avant lui.
A Alger, quelques moustaches frémiront, des mâchoires se serreront et il s’y dira que, décidément, vous savez y faire…

Akram Belkaïd
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vendredi 21 décembre 2012

Maya l'abeille recherchée pour diffusion de fausses nouvelles

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Maya l'abeille a généré la panique dans le monde entier en annonçant dans son calendrier la fin du monde pour le 21 décembre 2012.

 
 
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jeudi 20 décembre 2012

La chronique économique : L’ECONOMIE DE MARCHE ET LES CONTRADICTIONS DE L’ALGERIE

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 19 décembre 2012
par Akram Belkaid, Paris
 
Le projet (enlisé) de l’installation d’une usine Renault en Algérie est emblématique des incertitudes et des errements de la politique économique algérienne. En effet, ce dossier qui est loin d’avoir abouti -et qui pourrait ne jamais aboutir n’en déplaise aux communicants du constructeur automobile français- (*) pose plusieurs questions vis-à-vis desquelles l’Algérie a encore du mal à se positionner. De façon générale, c’est le rapport de ce pays aux règles de l’économie de marché et de la globalisation dont il est question. C’est ce qu’a montré l’affaire Orascom, c’est ce que montre ce qui est désormais l’affaire Renault.

ACCEPTER LES REGLES DU MARCHE OUVERT

La première question concerne le degré d’ouverture du marché algérien. On le sait, Renault est, de loin, le constructeur qui écoule le plus de véhicules en Algérie. Il n’y a donc même pas à s’interroger sur la rentabilité de son activité commerciale. Mais, dans l’état d’esprit de nombreux responsables algériens, il serait normal qu’une partie des bénéfices de cette activité ne soit pas transférée hors d’Algérie mais réinvestie sur place. On ne parle pas ici des actions de sponsoring destinées à donner le change mais de monnaie sonnante et trébuchante. Or, dans les règles de la globalisation, il n’y a pas de place pour ce genre de raisonnement. Si vous ouvrez votre marché, vous devez accepter de voir le plus gros des bénéfices passer sous le nez de votre fisc. C’est cela un marché ouvert, c’est-à-dire un marché où il n’y a pas de place pour la susceptibilité et la fierté nationales.

Dans la danse du ventre qu’accomplissent de nombreux pays émergents pour attirer les investisseurs étrangers, l’affirmation selon laquelle rien n’entravera le rapatriement des bénéfices fait partie des arguments obligatoires. Dans le cas de l’Algérie, on sent qu’il y a tout de même une forte réticence. Nationalisme oblige, on y admet mal que le bénéfice réalisé sur place puisse partir ailleurs. Alors, on se dit qu’il faut que le commerçant qui écoule sa marchandise sur place -et c’est ce qu’est actuellement Renault- investisse sur place de façon à créer des emplois et donc à consacrer une partie de son résultat au bien-être de l’économie locale. Et c’est là que se pose la seconde question. Cette affaire Renault cache mal une autre réalité. C’est l’incapacité de la machine économique algérienne à créer des emplois industriels.
 
A ce titre, l’ouverture du commerce extérieur et la généralisation de l’import-import ont été une erreur majeure dont les responsables mériteraient d’être traduits en justice. La règle est simple : on n’ouvre ses frontières que lorsque l’on a quelque chose à vendre à l’extérieur. Plus important encore, ce n’est pas parce que l’on a ouvert ses frontières que les investisseurs vont se précipiter chez vous pour y investir, bien au contraire. Pourquoi le feraient-ils alors qu’il est plus rentable pour eux d’écouler leur marchandise plutôt que de la fabriquer sur place ?

REPOSER LA QUESTION DU PROTECTIONNISME

Il est possible que le montant des réserves de change tourne la tête des dirigeants algériens et leur fasse croire que leur pays est capable de dicter sa loi à la mondialisation. Outre le fait que ces réserves peuvent fondre comme neige au soleil, le problème, c’est qu’il faut avoir une doctrine et s’y tenir. On peut décider de ne pas accepter les exigences des investisseurs étrangers mais il faut alors comprendre que l’on ne doit pas non plus accepter l’idée de transformer l’Algérie en un immense bazar peuplé de pseudo- entrepreneurs qui ne sont rien d’autre que des import-importateurs… On en revient donc à la question de la production nationale, qu’elle soit publique ou privée, et de la dose de protectionnisme, certes temporaire, dont elle a besoin pour se développer. Et cela, à condition -et c’est une autre paire de manches- que les mafias «bazaristes» qui gangrènent l’économie algérienne laissent faire.
 
(*) Note du jeudi 20 décembre. Certes, le projet de construction de l'usine Renault en Oranie a été signé lors de la visite d'Etat de François Hollande en Algérie. Mais, ce dossier est loin d'avoir abouti...
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La France ne peut pas se passer de l'Algérie

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A l'heure des débats sur le passé franco-algérien, le chroniqueur Akram Belkaïd regarde vers le futur.


Discours de François Hollande à Alger le 19 décembre 2012. Philippe Wojazer / Reuters
l'auteur
 
                                           

Il est une vérité que nombre de Français et de Françaises n’aiment pas entendre. Mais qu’importe: profitons de la visite de François Hollande dans notre bon pays pour l’énoncer : Dans les années à venir, la France aura plus que jamais besoin de l’Algérie.
Je ne dis pas du Maghreb, je dis de l’Algérie et l’on me pardonnera cet exclusivisme qui pourrait heurter quelques consciences maghrébines unitaristes.
Oui, la France a besoin de l’Algérie parce qu’il est temps que l’Hexagone se souvienne qu’il est aussi un pays méditerranéen et, qu’à bien y regarder, il n’a guère gagné à courir derrière l’Allemagne au cours de ces trente dernières années.

Pourquoi occulter l'autre réalité possible?

On insiste trop souvent sur les malentendus, les polémiques mémorielles et les prurits identitaires qui opposent l’Algérie à la France. C’est occulter une autre réalité possible. Quelque chose qui a besoin d’être consacré à haut niveau et qui ne serait pas tu comme on passe sous silence des vérités dérangeantes.
La France a besoin de l’Algérie parce que ce pays est, d’abord, l’un des rares avec lequel elle fait de très bonnes affaires. C’est avec l’Algérie que chaque année, la France présente un solde commercial positif. C’est en Algérie que le « made in France » va de soi même si les importations en provenance d’Orient, qu’il soit proche ou extrême, ont tendance à augmenter.
La France a besoin de l’Algérie parce que près de 3 milliards d’euros prennent la direction de l’Hexagone chaque année. Cette fuite de capitaux, qui se fait le plus souvent en dehors des circuits officiels, irrigue l’économie française.
Cela fait vivre le bâtiment et permet aux agences immobilières françaises de faire de belles affaires. Reconnaissons au moins l’existence de ces flux d’argent pour en finir avec le détestable raccourci du visa et les images d’Algériens misérables qui rêveraient en permanence de la France.

La France, une puissance de second ordre

La France a besoin de l’Algérie parce qu’elle n’est plus qu’une puissance de second ordre. Certes, il y a toujours ce droit de veto au Conseil de sécurité de l’Onu mais jusqu’à quand ?
La France a besoin d’alliés, riches et puissants sur le plan démographique. A l’heure où l’on sent bien que des forces concomitantes poussent la France – et ses entreprises telles qu’Areva – en dehors du Sahel, Paris n’a pas d’autre solution que de trouver en Alger un précieux relais et recours. Il y a urgence car les sirènes étasuniennes se font de plus en plus entendre en Algérie…
La France a besoin de l’Algérie parce que le monde arabo-musulman bouge et que l’illusion du Qatar en tant que puissance tutélaire d’une zone géographique bien turbulente se dissipera tôt ou tard.
Jamais, la France n’a été aussi influente dans le monde arabe que lorsque ses initiatives politiques ou diplomatiques étaient relayées ou soutenues par l’Algérie.

Le futur n'attend pas

L’enjeu de demain, sera de compter face aux blocs émergents asiatiques et au duo Etats-Unis et Brésil. La France peut bien jurer que c’est l’Europe qui lui donnera sa marge de manœuvre mais l’on sait bien aujourd’hui que cette Europe n’est rien d’autre qu’un immense marché ouvert sous influence britannique et allemande.
La France officielle doit donc reconnaître qu’elle a besoin de l’Algérie. C’est d’autant plus nécessaire que quelque chose se passe entre les deux pays. Des hommes et des femmes vont et viennent. Ils ont les deux nationalités et construisent leurs vies à cheval entre les deux pays.
Cela mériterait un cadre plus formel, une dynamique politique moins compassée. Le passé et ses tourments ne doivent plus être portés comme une honte car, c’est bien connu, le futur n’attend pas.
Akram Belkaïd

lundi 17 décembre 2012

Et si Renault ne s'installait jamais en Algérie

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SlateAfrique, 17 décembre 2012

La visite de François Hollande en Algérie va-t-elle mettre un terme aux interminables négociations et tensions sur le projet d'installation d'une usine du contructeur Renault dans ce pays?

Usine renault, Villamuriel, Espagne, novembre 2012. © CESAR MANSO / AFP
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Quinze mois de négociations, de rumeurs et de tensions bilatérales.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet d’implantation d’une usine du constructeur automobile français Renault est un véritable feuilleton, mais aussi un bon exemple du caractère turbulent et incertain des relations franco-algériennes.
Au départ, le constat des autorités algériennes est simple: Renault étant la première marque automobile en Algérie(Elle y a écoulé 93.000 véhicules durant les dix premiers mois de l’année 2012), il était normal d’inciter le constructeur à mettre en place une usine de montage.
Pas de taxe à l’importation contre création d’emplois, le marché «gagnant-gagnant» apparaissait évident pour des autorités algériennes quelque peu irritées par le fait que Renault ait choisi le Maroc, et la ville de Tanger, pour installer un grand centre de production (Tanger-Med a une capacité de 400.000 véhicules par an).
«Le message du gouvernement algérien a été clair: l’Algérie étant l’un des principaux marchés de Renault en Afrique et en Méditerranée, il était plus qu’urgent qu’une usine soit construite sur place», expliquait à l’époque un officiel algérien.

Poker menteur

Las, les négociations traînent en longueur. Alors que Tanger-Med au Maroc est déjà opérationnel, on en est encore à se demander si l’usine Renault en Algérie sera installée ou non dans l’ouest du pays.
Selon plusieurs informations de presse, le projet devrait être confirmé lors de la visite de François Hollande les 19 et 20 décembre, mais un doute subsiste.
D’un côté, la législation algérienne ne facilite pas la tâche. Hors hydrocarbures et pétrochimie, le pays a du mal à attirer les investisseurs étrangers, lesquels critiquent une législation trop pénalisante et une bureaucratie plus que tatillonne.
A cela s’ajoutent les différentes interférences plus ou moins légales. Intermédiaires à la recherche d’une bonne commission, représentants de concurrents pas fâchés de freiner le projet, sans compter les pressions de nombreux importateurs qui craignent que l’Algérie ne décide d’augmenter ses taxes pour inciter les autres constructeurs à localiser leur productions: le projet de l’usine Renault est tout sauf un fleuve tranquille.

Le précédent Fiat

De l’autre côté, on peut se demander si Renault n’a pas délibérément traîné des pieds, espérant peut-être que le projet meure de lui-même comme ce fut le cas dans les années 1980 pour l’usine Fiat (laquelle n’a jamais vu le jour, malgré dix années d’études et de négociations!).
C’est, en tous les cas, le sentiment de plusieurs officiels et hommes d’affaires algériens étonnés par la lenteur du dossier. Interrogé par SlateAfrique, un haut-responsable explique que les négociations ont même failli capoter par la faute du constructeur français:
«Ils ont posé comme condition la nécessité pour l’Etat algérien d’ouvrir la frontière avec le Maroc.»
Une exigence que la partie algérienne aurait vécue comme une véritable provocation tant ce sujet est explosif.  
«Sur le plan logistique, on peut penser qu’il y a du sens à relier la future usine à Tanger-Med. Mais, connaissant la tension qui existe entre Alger et Rabat sur ce dossier, cette demande relevait soit de la maladresse inexcusable soit d’une provocation délibérée pour faire capoter le dossier», juge le haut-responsable.
Plus récemment, les fuites autour d’une entrée de l’Etat algérien dans le capital de Peugeot —l’autre grande marque française présente en Algérie (54.500 véhicules vendus sur les dix premiers mois)— ont été diversement interprétées.
Malgré le démenti apporté par l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin après sa dernière rencontre avec les autorités algériennes, il semble bien qu’Alger regarde de près le dossier.
Est-ce pour mieux mettre la pression sur Renault et l’obliger à conclure son implantation au plus vite? Ou est-ce aussi pour montrer que l’Algérie a, enfin, décidé de mettre en place une gestion plus dynamique de ses réserves de change (200 milliards de dollars investis principalement en bons du Trésor américain)?
Plus retors, certains observateurs du dossier à Alger se disent persuadés qu’une telle information pourrait servir de prétexte à Renault pour suspendre un projet d’implantation que l’Etat algérien lui a imposé de manière un peu trop pressante...

Akram Belkaïd
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dimanche 16 décembre 2012

Pas de printemps pour les Omanais

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Le Quotidien d'Oran, dimanche 16 décembre 2012
Akram Belkaïd


Pour avoir exigé du Sultan Qaboos des réformes, plusieurs dizaines d'activistes omanais sont poursuivis par la justice dans l'indifférence de la communauté internationale. Ces poursuites témoignent du durcissement de cette monarchie absolue dans le contexte tumultueux du Printemps arabe. 

Un an de prison et plusieurs centaines de rials d'amende. C'est le verdict d'une Cour d'appel omanaise prononcé le 12 décembre dernier contre 22 activistes des droits de la personne humaine dont des avocats et des bloggeurs. Déjà condamnés au printemps dernier, ils étaient poursuivis pour « lèse-majesté », pour « violation des lois sur l'information et la technologie » ainsi que pour « regroupements interdits ». Le procès d'autres militants a été reporté, ces accusés ayant affirmé que leurs comptes facebook – où des critiques contre le régime avaient été mises en lignes – avaient été piratés. Au total, depuis la mi-2011, Plus d'une centaine de personnes ont été poursuivies et incarcérées dans cette pétromonarchie des plus discrètes. 

En effet, et alors que l'attention médiatique se focalise sur la révolte chiite à Bahreïn, le désordre politique au Koweït (né de la présence de députés chiites au Parlement), la folie des grandeurs du Qatar et les tensions sociales en Arabie Saoudite, le Sultanat d'Oman réussit à échapper aux écrans radars et fait figure d'exception parmi les six membres qui composent le Conseil de coopération du Golfe (CCG*). Certes, ce pays est de plus en plus connu en Europe en tant que destination touristique haut de gamme mais il ne figure pratiquement jamais dans les dépêches rendant compte de l'ébullition générale que connaît la péninsule depuis le déclenchement du Printemps arabe en janvier 2011. Et pourtant, les choses bougent aussi au pays du mythique Sindbad le marin (les Omanais ont été de grands navigateurs jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle). 

L'EFFET DU PRINTEMPS ARABE 

Voici bientôt deux ans qu'Oman, dirigé sans partage depuis 1970 par le Sultan Qaboos, 72 ans, connaît une agitation politique et sociale. En février 2011, encouragé par le souffle des révolutions tunisienne et égyptienne, des milliers d'Omanais ont investi la rue pour réclamer des réformes politiques et économiques. Ils exigeaient aussi des emplois pour les jeunes diplômés au chômage et dénonçaient la corruption des élites dirigeantes sans jamais toutefois s'attaquer directement au Sultan (ce qui aurait constitué un crime de lèse-majesté passible de plusieurs années de prison ferme). Malgré tout, quelques rares protestataires ont pris le risque d'exiger une véritable Constitution à la place de la Loi basique mise en place par le souverain en 1996 et ont plaidé pour des institutions indépendantes du Palais royal. 

A l'époque, la réaction des autorités ne s'est pas fait attendre. Comme ses pairs couronnés d'Arabie saoudite ou des Emirats arabes unis, le Sultan Qabous a usé du bâton et de la carotte contre les manifestants. A Sohar, port industriel au sud de la capitale Mascate, la police a ouvert le feu contre les manifestants. Bilan, deux morts, des dizaines de blessés et autant d'arrestations. Dans le même temps, le souverain déliait les cordons de la bourse. Le salaire minimum a alors été relevé de 20%, la création de plusieurs milliers d'emplois publics était annoncée tandis que des ministres honnis par la rue pour leur corruption supposée étaient débarqués. Parmi eux, Ali al-Mamari (affaires royales), Ahmed Makki (économie) et Maqbool al-Sultan (commerce). 

UN CYCLE ININTERROMPU DE CONTESTATIONS 

Au fil des mois, les manifestations violentes se sont atténuées mais la contestation n'a jamais disparu. Aux grèves dans les sites de productions de Sohar ou sur les champs pétroliers, aux sit-in d'activistes des droits de la personne humaine et aux pétitions en faveur de la liberté d'expression, ont répondu les arrestations et les mises en garde répétées des autorités contre « les perturbateurs à la solde de l'étranger ». Le pays a ainsi vécu au rythme d'agitations inhabituelles tandis que des avocats et des universitaires locaux se mêlaient de la partie. Et le cycle manifestation-répression s'est répété de manière quasi-identique selon le schéma suivant : D'abord, un collectif demande des réformes ou, à l'image de l'avocat Yaqoub al-Kharoussi, soutient des grévistes. Très vite, les fauteurs de troubles sont arrêtés sous divers prétextes (« usage abusif de la technologie », « regroupement interdit », « atteinte à la sûreté nationale »). Les ordinateurs et téléphones intelligents des mis en cause sont saisis et leurs contacts divers, notamment ceux des réseaux sociaux, sont convoqués par la police. La majorité est relâchée mais d'autres restent en prison. S'ensuit des appels pour leur libération ce qui déclenche de nouvelles arrestations et ainsi de suite… La répression n'épargne pas les femmes comme ce fut le cas pour l'avocate Bassimah al-Rajhiyah, en liberté provisoire mais soumise dans un hôpital à un test de virginité par les forces de sécurité. 

LA RUPTURE DU PACTE D’ALLÉGEANCE 

Aujourd'hui encore, la traditionnelle quiétude du sultanat est mise à rude épreuve. Du jamais vu depuis les années 1970 lorsque la région du Dhofar, frontalière avec le Yémen, avait pris les armes au nom du marxisme contre l'autorité du Sultan (rébellion matée alors dans le sang grâce aux SAS britanniques et aux troupes du Shah d'Iran). Pour de nombreux Omanais, l'agitation engendrée par le Printemps arabe a révélé les mutations et contradictions profondes de leur société. «Il y avait un pacte tacite entre le peuple et le Sultan», explique un diplomate français fin connaisseur du Golfe. «D'un côté, la prospérité et le développement pour tous grâce à une bonne redistribution de la manne pétrolière. Et, de l'autre, l'allégeance totale au souverain et l'absence de revendications politiques qu'il s'agisse de la situation intérieure ou internationale». Une anecdote souvent racontée dans le sultanat résume bien ce «deal». En 2003, un concert de la chanteuse libanaise Nancy Ajram a rassemblé cinq fois plus de monde que l'unique marche autorisée par le régime pour dénoncer l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis et leurs alliés. C'est dire à quel point les Omanais répugnaient à se mêler de politique… 

Le consensus entre le souverain et son peuple a tout de même commencé à se fissurer au milieu des années 2000. Confrontée au chômage, admirative du boom spectaculaire de l'émirat de Dubaï ou de la montée en puissance du Qatar sur la scène internationale, la jeunesse omanaise entendait participer à la vie politique du pays dont elle exigeait la modernisation. Des groupes de discussion se sont formés sur Facebook en posant des questions dérangeantes. «Pourquoi n'élisons-nous pas de députés ? Sommes-nous condamnés à ne rester que des sujets ?» s'interrogeait ainsi un internaute en 2007. Laissant libre cours à leur frustration, certains osaient même critiquer un souverain capable d'offrir à sa capitale un théâtre-opéra majestueux mais refusant de doter son pays de la moindre institution indépendante. Pour les Omanais les plus âgés, ces revendications n'étaient qu'ingratitude mais les jeunes n'en avaient cure. 

Deux statistiques expliquent cette fracture générationnelle : 50% des 3 millions d'Omanais ont moins de vingt ans et, surtout, 85% des Omanais sont nés après l'arrivée au pouvoir de Qaboos. Cela signifie que, contrairement à leurs aînés, ils ne peuvent se consoler de l'absence de libertés en repensant à ce qu'était le sultanat dans les années 1960 alors qu'il était dirigé par Saïd Bin Tamur, père de l'actuel souverain. Un pays isolé, pratiquement sans électricité ni écoles, ni routes ou hôpitaux et cela de part la volonté d'un monarque archaïque, hostile au progrès technique, et qui finira par être déposé par son fils lors d'un coup d'Etat sans effusion de sang. En quarante ans, le sultan Qaboos a donc fait sortir le pays du Moyen-âge, une performance saluée en 2010 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud). Les plus anciens lui sont reconnaissants mais, cela ne saurait satisfaire une jeunesse en quête de libertés et de modernité. 

DES ELECTIONS MUNICIPALES EN GUISE DE CONCESSIONS 

Comme l'explique un avocat omanais qui requiert l'anonymat, «les activistes ne demandent pas la chute du régime comme ce fut le cas en Egypte ou en Libye mais quelques réformes de fond destinées à permettre à leur peuple de participer à la vie de leur pays. Personne ou presque ne parle de monarchie constitutionnelle, c'est dire le caractère raisonnable des revendications». Pour autant, le Palais royal n'a rien cédé ou presque si ce n'est l'organisation d'élections municipale le 22 décembre. Un scrutin ouvert à 1636 candidats dont 49 femmes pour pourvoir 102 sièges sur 11 conseils municipaux. Une première, certes, mais qui est loin de répondre aux attentes de la société civile. 

Pas de réforme du droit du travail, pas d'autorisation des syndicats, maintien de l'interdiction de regroupements supérieurs à dix personnes, et intimidations permanentes à l'égard des activistes : le message est clair, le sultan Qaboos défend le statu quo et entend garder la main. En témoigne son refus de nommer un Premier ministre. Pourtant, l'existence d'un chef du gouvernement aurait pour avantage de permettre un débat politique contradictoire. En effet, les critiques qui seraient formulées contre l'action du gouvernement ne seraient plus assimilées à des mises en causes directes du souverain et cela permettrait aux Omanais de s'initier aux subtilités de la démocratie parlementaire. «Il n'y a pas d'institutions, pas de chef du gouvernement, pas de députés. Il est impossible d'émettre le moindre jugement sur la marche du pays sans prendre le risque de poursuite pour crime de lèse-majesté», déplore à ce sujet un membre du Conseil consultatif, un «Parlement» dont les membres sont désignés par le Palais et qui n'a aucun pouvoir législatif. 

LA SUCCESSION DU SULTAN EN QUESTION 

Pour nombre d'observateurs, ce raidissement de la monarchie et des services de sécurité ne peut s'expliquer que si l'on prend en compte le fait que la succession du sultan Qaboos – un grand tabou à Oman – occupe les esprits. Célibataire endurci, le monarque n'a pas d'héritier désigné (ce qui n'est pas le cas dans les pays voisins) même si un Conseil de sages a été nommé pour décider, après son décès, qui sera son successeur. De plus, en cas de désaccord entre les membres de ce Conseil, un «testament» du souverain trancherait la question. Reste que personne ne croit que ce mécanisme fonctionnera. «L'un des tours de force du sultan a été d'unifier des tribus rivales en symbolisant l'unité nationale», poursuit le diplomate français. «Tout le monde sait que sa disparition remettrait en cause un édifice fragile». Du coup, la dureté des services de sécurité à l'égard des activistes s'expliquerait non seulement par une volonté d'éviter un scénario comparable à ce qui se passe à Bahreïn mais aussi par un souci de ne pas favoriser les ferments d'une agitation qui ne pourrait que s'aggraver en cas de disparition du sultan. 

Mais cette stratégie risque d'être des plus hasardeuses à moyen terme. D'abord, les peines de prison, les menaces et les intimidations ne semblent pas entamer la détermination des activistes. Certes, la majorité de la population se réfugie dans un prudent attentisme mais les vexations subies par les militants ont tendance à renforcer la popularité de ces derniers. Ensuite, rien ne dit que le statu quo empêchera les conflits de succession. En ne déléguant aucun de ses pouvoirs, le sultan Qaboos a peut-être réussi à cimenter son pays autour de lui mais sa disparition risque fort de réveiller les rivalités tribales. Et cela dans un contexte tendu où la jeunesse désespère de voir venir le Printemps omanais. 

(*) Le CCG regroupe l'Arabie Saoudite, le royaume de Bahreïn, la fédération des Emirats arabes unis (EAU), l'émirat du Koweït, le sultanat d'Oman et l'émirat Qatar. Depuis peu, la Jordanie et le Maroc, deux autres monarchies arabes, sont candidates à l'adhésion au CCG. A l'inverse, ni le Yémen, ni l'Irak et encore moins l'Iran ne font partie de cet ensemble régional sous influence saoudienne. 
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Lieberman au secours de l'UMP

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Avigdor Lieberman, au chômage depuis quelques jours, aurait fait des offres de service à l'UMP pour clore, à sa façon, le combat des deux chefs. "C'est pas plus difficile que de gérer des entrées en boîte de nuit. Deux ou trois claques, des menaces et on en secoue un pour l'exemple, histoire d'empêcher que les autres ne recommencent", a ainsi déclaré l'ancien videur à Khorti.news
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samedi 15 décembre 2012

La chronique du blédard : Le monde arabe, l'homme providentiel et le sixième califat

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 13 décembre 2012
Akram Belkaïd, Paris

En Tunisie comme en Egypte, mais aussi en Syrie ou en Libye, il est beaucoup fait usage (peut-être trop) du mot Révolution. Dans ce qui suit, il ne s'agit pas de juger de la pertinence d'un tel emploi mais une chose est sûre : la Révolution est souvent perçue comme la remise en cause du pouvoir en place alors que l'enjeu est bien plus important. Il ne s'agit pas simplement de chasser le tyran ou de venir à bout d'un système politique inique. C'est, pourrait-on dire, le plus facile car, au-delà de crier, « le peuple veut la chute du régime » (et d'arriver à le faire tomber), il faut être aussi capable de changer sa manière de penser et d'admettre que c'est elle qui, d'une certaine façon, a permis à la dictature de s'installer et de durer. Il est donc nécessaire d'être convaincu qu'une Révolution n'en est pas une si elle ne fait pas évoluer les mentalités et si elle ne remet pas en cause nombre de certitudes figées depuis des décennies voire des siècles. 

Ainsi, les récents événements en Egypte et en Tunisie incitent à se demander si le monde arabe ne retombe pas dans ses travers avec une résurgence de l'attente de l'homme providentiel. Alors que le processus engendré par les événements de 2011 semble dérailler (violences, tentations d'un retour à l'ordre musclé, manifestations hégémoniques des islamistes), il n'est question que de telle ou telle figure susceptible de ramener le calme et la concorde. Comme si le salut ne pouvait naître que d'un seul individu ! Comme si la dynamique engendrée par les manifestations populaires sans leader n'avait servi à rien. Comme si les grandes mobilisations sans figures de proue sur les réseaux sociaux n'avaient été qu'une parenthèse. 

Nombreux sont les experts qui expliquent cette tendance par la proéminence du père dans les sociétés arabes. Le chef-roi, le zaïm, le guide (ou combattant) suprême, le raïs, « the higness » (l'altesse), tout cela viendrait, pour reprendre l'expression du journaliste marocain Karim Boukhari, « du complexe du père que l'on ne tue pas parce que cela ne se fait pas » (1). Il y a du vrai dans cette explication mais l'on aurait pu penser, à l'aune du Printemps arabe, qu'elle commence à dater. En effet, comme le relève le penseur Emmanuel Todd, le monde arabe est entré depuis longtemps dans une séquence où « les fils savent lire, et les pères non ». Comprendre, une situation où les plus jeunes sont plus instruits, plus influencés par le monde extérieur, plus en prise avec les grands enjeux modernes ce qui « entraîne une rupture des relations d'autorité, non seulement à l'échelle familiale, mais implicitement à l'échelle de toute une société » (2). 

Les tentations récentes d'en appeler au sauveur providentiel peuvent donc être considérées comme la manifestation de forces de rappel propres aux sociétés patrilinéaires. Mais il n'y a pas que cela et le cas des islamistes parvenus au pouvoir illustre un autre type de fascination pour le pouvoir absolu. Lorsque le président Morsi a décidé de s'arroger plusieurs pouvoirs, nombreux ont été les commentateurs et acteurs politiques qui l'ont qualifié, non sans une certaine ironie, de pharaon. On sait, en effet, l'importance symbolique que ce terme recèle chez les islamistes égyptiens puisqu'il désigne le souverain impie, le dirigeant idolâtre à abattre coûte que coûte. Traiter Morsi de pharaon renvoyait donc ce dernier à ses propres détestations mais, à dire vrai, cette comparaison n'était pas la plus pertinente. 

En réalité, c'est plutôt de calife dont il aurait pu être question même si on comprend qu'il est plus facile et moins dangereux de parler de pharaon. Etre calife, c'est-à-dire un successeur du Prophète à la tête de la communauté de tous les croyants et avoir des pouvoirs religieux et politiques absolus et incontestés : voilà le non-dit qui, consciemment ou non, de manière assumée ou non, façonne et motive nombre de leaders islamistes. On objectera que les Frères musulmans, à la différence des salafistes, ont pris leurs distances avec le thème de la restauration du califat aboli par Atatürk. Il n'empêche : Morsi ne se voit certainement pas en nouveau Nasser. Sa référence à lui, c'est le califat et la nécessité pour son peuple de lui obéir sans discuter puisqu'il est désormais porteur d'une double légitimité. Celle des urnes et, plus encore, celle de l'appartenance à un mouvement se réclamant de la religion. On se souvient de l'une des premières déclarations du Premier ministre tunisien Hamadi Jébali, ce dernier promettant l'établissement prochain du sixième Califat. Ce n'était pas qu'une simple déclaration euphorique d'un homme qui venait de passer de la clandestinité au sommet de l'Etat. Bien au contraire, cela traduisait une conception absolutiste de l'exercice du pouvoir. 

Tant qu'ils rêveront d'un calife en remplacement du tyran, les islamistes se comporteront comme des dictateurs en herbe et leurs promesses de respecter la démocratie et l'alternance resteront sujettes à caution. Mais, le camp non-islamiste n'est pas exempt de reproches non plus. Les opposants épris de démocratie qui, en réalité, ne demandent qu'à exercer un pouvoir absolu courent les salons. Il suffit de voir la manière dont ils persistent à diriger leurs partis. Pas de débats, pas de courants, pas de numéro deux, un passage de témoin sans cesse repoussé et un culte permanent de leur propre personnalité… C'est d'ailleurs pourquoi il n'est pas difficile de créer des divisions au sein de ces formations en incitant les lieutenants, qui n'en peuvent plus d'attendre leur tour, à faire sécession. L'Algérie en est l'exemple. Tous les partis d'opposition (et même ceux proches du pouvoir !) ont connu - ou connaîtront - ce genre d'épisodes où des factieux sont incités à jeter dehors un zaïm trop longtemps accroché à son fauteuil… 

Se débarrasser du « zaïmisme » et du « califisme » ne sera pas chose facile mais cela doit être l'un des enjeux majeurs des transformations actuelles. Il ne s'agit pas d'imposer une quelconque forme de collectivisme, idée derrière laquelle se sont cachés maints dictateurs et systèmes totalitaires. Mais, en ce début de siècle, l'avenir des nations passe tout de même par l'action et les réflexions collectives. Par l'expérimentation de nouvelles formes de démocratie et de mise en place d'un Etat de droit. A défaut, les processus révolutionnaires en cours risquent bel et bien d'échouer car l'Egypte, comme le reste du monde arabe, n'a nul besoin d'un nouveau Nasser et encore moins d'un sixième califat. 

(1) Editorial, Tel Quel, 14 juillet 2012.
(2) Allah n'y est pour rien, sur les révolutions arabes et quelques autres, Arrêtsurimages.net, juin 2011.
 
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François Hollande, président VRP en Algérie

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SlateAfrique, 15 décembre 2012

L'un des enjeux de la visite de François Hollande en Algérie sera de convaincre les patrons algériens de ne pas se détourner du marché français.

François Hollande et Arnaud Montebourg, son ministre du Redressement productif, Paris, novembre 2012. REUTERS/Philippe Wojazer
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Mais quel est le but de la visite de François Hollande enAlgérie?
On le sait, le président français doit y effectuer une visite officielle les 19 et 20 décembre et ce déplacement va être suivi de près par les médias des deux pays mais aussi par ceux du Maghreb (on pense notamment à la presse marocaine).
Ce genre de voyage n’est jamais neutre, surtout dans un contexte franco-algérien marqué ces dernières années par de nombreuses tensions et polémiques.
Au début des années 2000, Alger et Paris planchaient sur la signature d’un Traité d’amitié censé clore la période heurtée (sur le plan diplomatique) de l’après-indépendance.
En 2003, la visite triomphale de Jacques Chirac en Algérie—on se souvient de lui marchant dans Alger sous les acclamations de la jeunesse— avait permis d’envisager la concrétisation de ce document discuté depuis le début des années 1970.
Las, l’initiative de plusieurs parlementaires français à propos d’un texte de loi consacrant le «rôle positif de la colonisation» a torpillé ce projet. Depuis, entre Alger et Paris, surenchères et tentatives de conciliation se succèdent les unes aux autres sans que l’on ait l’impression que les choses soient réglées.
Mieux, alors que ce sujet était largement ignoré par la plupart des Algériens, la question de la«repentance» française à propos de la période coloniale est devenue récurrente notamment dans les médias arabophones.

Un discours à Tlemcen pour la repentance?

François Hollande va donc être attendu sur cette question. Dans le but d’œuvrer pour «l’apaisement» qu’il ambitionne entre les deux pays, va-t-il demander pardon au peuple algérien au nom de la France?
Si cela arrive, on devine à l’avance la polémique qui va naître dans l’Hexagone et elle sera bien plus violente que celle qui a suivi les déclarations du président français à propos de la responsabilité de l’Etat dans les tueries du 17 octobre 1961 à Paris.
Dans un contexte de perte de vitesse de la gauche et d’interrogations à propos de la capacité de François Hollande à diriger une France plongée dans une grave crise économique et sociale, une telle polémique serait une belle diversion mais elle présenterait aussi le risque d’envenimer la situation politique.
A l’inverse, si François Hollande élude la question coloniale ou s’il s’en sort avec quelques vagues déclarations, ce sont les Algériens qui risquent d’être déçus et il faudra s’attendre à ce que les critiques francophobes reprennent de plus belle.
A Alger, il se dit toutefois que le président français devrait «consentir un grand geste symbolique». Lequel? Mystère.
Une chose paraît certaine, nombreux sont les officiels algériens qui sont persuadés que François Hollande prononcera à Tlemcen —ville de l’ouest algérien où il devrait se rendre— un «grand discours».
Faut-il d’ores et déjà parler du «discours de Tlemcen»? Réponse dans quelques jours.

Du commerce vers le partenariat: la France sommée d’évoluer

L’autre grand volet du voyage présidentiel est bien entendu économique. A ce jour, la France reste bon an mal an, le premier partenaire économique de l’Algérie même si des pays comme la Chine, l’Espagne ou l’Italie lui taillent des croupières.
C’est cette position dominante que tente de conforter Paris avec, entre autre, les visites régulières de l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
Mais Alger a de plus en plus de mal à cacher son impatience. Depuis quelques années, les acteurs économiques algériens reprochent à leurs homologues français de continuer à considérer«le marché algérien comme éternellement acquis», pour reprendre l’expression d’un patron algérois.
Le cœur du différend est connu: les entreprises françaises rechignent à investir en Algérie et préfèrent écouler leurs produits dans un pays où le boom de la consommation est patent (les importations ont augmenté de 500% en moins d’une décennie!).
Pour se défendre, les entreprises françaises arguent que la législation algérienne reste archaïque et que l’obligation faite pour tout opérateur étranger de s’associer avec une entreprise algérienne (laquelle doit détenir au minimum 51% de la société commune) est un sérieux obstacle.
En tout état de cause, près d’une quinzaine d’accords de coopération devraient être signés parmi lesquels l’entente finale entre le gouvernement algérien et le constructeur automobile Renault.
Mais il n’est pas sûr que cela suffise à satisfaire les dirigeants algériens. Les visites préparatoires au voyage de François Hollande, dont celle de Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, ont même généré quelques agacements.
«On se croirait revenus au début des années 1980, quand Pierre Mauroy et Edith Cresson nous sommaient d’acheter du Made in France pour aider la gauche française au pouvoir. C’est un peu le même discours qui nous est servi en ce moment», déplore un haut responsable algérien.
«Aujourd’hui, nous voulons parler de partenariat et de co-localisation, et, en face, il n’est question que de nous fourguer (sic) des produits français que, de toutes les façons, nous achetons déjà ou que nous pouvons acheter ailleurs», renchérit de son côté un influent patron qui dit «ne pas attendre grand-chose» de cette visite.
Akram Belkaïd
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