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jeudi 11 octobre 2007

Hillary Clinton gauchit son discours économique


La Tribune, 11 octobre 2007


En tête dans les sondages pour le scrutin présidentiel de novembre 2008, la candidate démocrate veut séduire les classes moyennes et prend ses distances avec le libre-échange.

À bord d'un bus baptisé le « Middle Class Express », Hillary Clinton achève ce jeudi 11 octobre 2007 une visite de quatre jours dans l'Iowa et le New Hampshire, États où dans trois mois auront lieu les caucus, les premières échéances électorales de la présidentielle de 2008. La candidate, donnée favorite de l'investiture démocrate, a choisi l'économie pour thème de cette tournée marathon.


Après avoir levé le voile sur son projet de couverture santé universelle voilà deux semaines, la sénatrice de New York présente ses autres priorités : retraites, emploi, accès à l'éducation supérieure, protection des ménages menacés par la crise des prêts immobiliers à risque et libre-échange.Dans l'Iowa, Hillary Clinton s'est déclarée favorable à la création de comptes épargne retraite« accessibles à l'ensemble des familles travaillant ».


La candidate propose que chaque Américain puisse placer 5.000 dollars par an dans ces comptes ouvrant droit à des baisses d'impôts pouvant s'élever jusqu'à 1.000 dollars selon les revenus des épargnants. Dans le cadre de son« nouveau modèle économique pour une économie du XXIe siècle », la candidate entend aussi renforcer temporairement les capacités financières de Freddy Mac et Fannie Mae, les deux organismes de refinancement des crédits hypothécaires soutenus par l'État. Elle veut ainsi leur donner les moyens de secourir les établissements de crédit affectés par la crise du subprime et, in fine, les ménages dont le logement risque d'être saisi.


Dans un entretien accordé auWall Street Journal, Hillary Clinton a par ailleurs indiqué être opposée à la création d'un impôt visant à financer les interventions américaines en Irak et en Afghanistan. Des élus démocrates de la Chambre des représentants l'ont proposé afin que la facture de ces conflits, dont le coût mensuel s'élève à 13 milliards de dollars, ne soit pas payée par les générations futures. Mais la candidate, qui ne veut surtout pas être accusée de vouloir augmenter les impôts par ses adversaires républicains, s'est gardée de soutenir cette proposition. D'autant que, pour l'heure, elle domine les sondages, 53 % des démocrates ayant indiqué dans une enquêteWashington Post-ABC News qu'ils voteraient pour elle lors des primaires.


Après sept années d'administration Bush, les milieux d'affaires sont aussi sensibles à ses arguments. Après avoir soutenu George W. Bush en 2004, John Mack, le directeur général de Morgan Stanley, et Terry Semel, le président du conseil d'administration de Yahoo, font partie des dirigeants qui désirent sa victoire en novembre 2008.


Mais, bien qu'ayant le vent en poupe, l'ancienne first lady devra composer avec une famille politique démocrate fragmentée pour remporter les primaires.« Elle n'a pas fermé sa porte à la gauche de la gauche et cela agace nombre de ses soutiens », relève ainsi Jeff Faux, le fondateur de l'Economic Policy Institute, un think tank proche de la centrale syndicale AFL-CIO. Pour autant, amadouer cette frange du Parti démocrate n'était pas chose aisée au regard du bilan économique de Bill Clinton.


« Pour nombre de syndicalistes, poursuit Jeff Faux, le nom de Clinton est lié à la ratification de l'Alena[le Traité de libre-échange d'Amérique du Nord]et, surtout, à l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce, d'où la haine qu'ils vouent à l'ancien président. »


Pour gommer ce legs encombrant, la candidate est en pointe dans la critique des accords commerciaux scellés par l'administration Bush. Cette semaine dans l'Iowa, elle a affirmé devant une assemblée de syndicalistes qu'une fois élue elle ferait réévaluer tous les cinq ans la validité des accords de libre-échange signés par les États-Unis, Alena compris.


Dans le même temps, Hillary Clinton doit tenir compte de l'autre aile du parti, plutôt favorable à Wall Street et fervente partisane d'une plus grande ouverture commerciale. Entouré de nombreux experts, Robert Rubin, l'ancien secrétaire d'État au Trésor sous la présidence de Bill, conseille désormais Hillary et cherche actuellement à définir les axes de discours destinés à mieux « vendre » la mondialisation aux Américains.


« Pour le moment, Hillary Clinton a plutôt bien réussi ce grand écart entre libre-échangistes et protectionnistes, juge Steve Clemons, de la New America Foundation.Mais la campagne pour les primaires ne fait que commencer et un candidat comme John Edwards reste en embuscade sur ces questions. Tôt au tard, il lui faudra dévoiler ses intentions et cela risque d'indisposer l'un des deux camps. »


Akram Belkaïdet Éric Chalmet, à New York

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