Lignes quotidiennes

Lignes quotidiennes
Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

lundi 31 janvier 2011

Ephémères écrits

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Pour le plaisir

Des mots qui voulaient dire et qui ne veulent plus rien dire.Extrait du sommaire du Monde daté du 14 janvier

Tunisie : Ben Ali promet de passer la main en 2014

Le président tunisien, au pouvoir depuis 1987,s'est engagé jeudi soir à quitter le pouvoir au terme de son mandat en 2014 et a ordonné la fin des tirs contre les manifestants. "Je refuse de voir de nouvelles victimes tomber", a déclaré le chef de l'Etat, affirmant que "personne ne serait plus inquiété à moins qu'il tente de se saisir de l'arme d'un agent de l'ordre".Le mouvement de contestation et sa sanglante répression ont déjà fait au moins 66 morts, selon une ONG. Au moment même où il ordonnait la fin des tirs, deux civils étaient tués par la police à Kairouan, selon des témoins. Dans son troisième discours prononcé depuis le début des émeutes mi-décembre, Ben Ali a également promis la "liberté totale" d'information et d'accès à Internet. Son discours a suscité de premières réactions plutôt positives dans l'opposition.

Tout a été redit...

Trop de...

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Trop.
Trop vu de gens ces derniers jours. Trop de costumes et de cravates, trop de tailleurs, trop de discours et de propos ampoulés et prudents. Trop de propos convenus. Trop de notes à prendre, d'appels téléphoniques en absence, de messages insistants, de courriels en attente, de rappels à l'ordre.
Trop.
Trop de stress, pas assez de temps pour écrire, lire, écouter les rumeurs du monde arabe qui veut se libérer de ses chaînes.
Une petite cure de misanthropie s'impose...
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dimanche 30 janvier 2011

Christian festi sur France 3

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Je viens d'écouter Christian Mallard sur France 3.
Mais quelle fumisterie !
Des approximations : Ghanouchi est l'héritier de Khomeini, il y a très peu de pauvres en Tunisie, Baradeï était indulgent avec les Iraniens quand il était à l'AIEA, etc...
Voilà comment on désinforme et on conditionne les opinions publiques : " Chers téléspectateurs, c'est le conflit des civilisations qu'on vous sert. Attention, les islamistes vont prendre le pouvoir. Restez avec nous, vous reprendrez bien un peu de flux anxiogène..."
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Un vent de belle folie souffle sur le monde arabe

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Résumons. Ben Ali est tombé. Moubarak est dépassé, en passe d'être déposé. Les situations se tendent en Jordanie, au Yémen et en Algérie. Au Maroc, il se murmure que le roi a effectué un étrange aller-retour entre le Royaume et la France et que des troupes feraient mouvement d'un coin à l'autre du pays. En Libye, des émeutes commencent à éclater ici et là.
De deux choses l'une. Ou bien, c'est le souffle de la révolution tunisienne qui est d'une force incroyable. Ou bien alors, quelque chose se passe sans que l'on comprenne bien qui tire quelles ficelles.
En tous les cas, cette période est à la foi exaltante et inquiétante.
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samedi 29 janvier 2011

Ce soir, je suis Egyptien

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Je dois écrire un article mais je n’y arrive pas car, ce soir, je suis Egyptien.

J’ai envie de scruter la Tunisie mais mon cœur va désormais plus à l’est car, ce soir, je suis Egyptien.

Mes oreilles se tendent vers Alger mais ne captent que silence et indifférence. Alors, ce soir, pour moi et pour les autres, je décide d’être Egyptien.

Je pourrais marcher poing levé dans les rues froides et désertes de Paris mais, ce soir, je vole de la place al-Tahrir à la place Saad Zaghlour et, du Caire à Alexandrie, je crie « Tyran dégage ! »

Et quand, au Caire, le mur de la peur sera définitivement tombé, alors, peut-être, que la colère de la Place du 1er mai me fera vite redevenir Algérien.

Et ce sera le tour des Tunisiens et des Egyptiens de dire, ce soir, nous sommes Algériens.
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A propos de mon reportage au Sinaï

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J'étais dans le Sinaï il y a quelques mois.
L'envie pressante d'y retourner...


http://www.france-info.com/chroniques-planete-geo-2010-12-17-le-sinai-la-montagne-de-dieu-504189-81-317.html

mardi 25 janvier 2011

Newsweek et le monde arabe :

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Lu dans Newsweek de cette semaine : "A dictator dispatched"

" The fall of Ben Ali has accomplished one thing nonetheless: it has exposed the corrupt common denominator of every regime in the Arab world. They are all, in effect, mafia states -entire nations run by families for their own benefit. Whether they call themselves republics or monarchies, whether they are allied to the United States or opposed to it, are on the list of states supporting terrorism or fighting it, have made peace with Israel or not, they are all family business. Whether they claim to be secular or follow Sharia or try to chart a course in between, their governance has less in common with the Magna Carta than it does with La Cosa Nostra."

C'est superbe, il n'y a rien d'autre à dire !

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Autre extrait : The Public's enemies

- Syria : The Assad family has been in power 40 years. Bashar, 45, inherited the presidency from his father, Hafez, in 2000. Other family members, also have influential roles - and sometimes violent rivalries. Last week the U.N. Special Tribunal for Lebanon handed down sealed indictments expected to implicate high Syrian officials and their Hizbullah allies in 2005 car-bom murder of former Lebanese prime minister Rafik Hariri.

- Egypt : Hosni Mubarak, 82, has been president of the Arab world's most populous country for the nearly 30 years. His willingness to share power continues to diminish as he ages, and he's now expected to have himself reelected rather than make way for his younger son, Gamal. His older son, Alaa, is known as a passionate football fan, but he handles the family's business interests and his connections are allegedly too shady even for Egyptian politics.

- Libya : The wildly eccentric Muammar Kaddafi, 68, has been in power 41 years. The day after President Ben Ali fell in neighbouring Tunisia, Kaddafi warned there could be chaos and slaughter. Many Tunisians took this as a veiled threat. Meanwhile, at least two of Kaddafi's sons are grooming themselves to succeed him.

- Yemen : Ali Abdullah Saleh, 64, has ruled in Yemen for 32 years. His government is crucial to the fight against Al Qaeda, but largely ineffective. One reason : close relatives hold most key positions. Saleh reportedly wants his son Ahmed, now head of the Yemen Republican Guard and the special forces, to succeed him eventually as president.

- Algeria : President Abdelaziz Bouteflika, in office since 1999, had plans to name his younger brother as his successor. But Gen. Mohamed "Toufik" Mediène, head of the intelligence services since 1990, thwarted him. The dark intrigues by these competing capos include allegations of rural massacres, massive government fraude, and high level assassinations.

lundi 24 janvier 2011

Ecrire

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Ecrire, encore et encore, sans lever la tête, en essayant de se couper du monde et de faire taire les bruits de la planète.
Ecrire et canaliser sa colère face à la bêtise des puissants, de ceux qui parlent quand ils feraient mieux d'entendre le propos des humbles ; canaliser sa colère face à la lâcheté de ceux qui se murent dans le silence alors qu'ils pourraient dire les choses.

samedi 22 janvier 2011

Les éléments de langage du gouvernement français

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Entendu sur Canal + . Baroin : Tout le monde a soutenu la suspension des élections municipales en Algérie. Ignorance totale. D'abord, ce n'était pas des élections municipales mais des législatives (et la suspension n'a pas été soutenue par tout le monde, mais c'est une autre histoire). La même erreur a été faite par Guaino. Les éléments de langage du gouvernement, concoctés dans l'urgence, ne sont même pas au point. Autre élément de langage : Quand la police américaine a tiré sur les émeutiers de Los Angeles, la France n'a pas réagi non plus. On sent le communicant à plein nez. Quel racourci ! Le gouvernement français est mal à l'aise, et plus il essaie de se justifier et plus il s'enfonce !

La lecture du samedi : Dictionnaire des écrivains francophones classiques

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Voilà un ouvrage qui va faire date et qui devrait être distribué dans toutes les librairies et les bibliothèques d’Algérie mais aussi du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne. Avec 105 articles dédiés à des écrivains appartenant tous à l’espace francophone, il est une invitation à la découverte, à la relecture et à la réflexion sur l’évolution de la littérature d’expression française hors de France. Ce qui est fondamental, au-delà de la somme inouïe d’informations contenues dans l’ouvrage, c’est que les auteurs proposent la qualification de Classiques francophones pour tous les écrivains recensés.

Combien d’entre-nous, entrant dans une librairie en France à la recherche d’un ouvrage d’Aimé Césaire, de Sembène Ousmane ou de Mohammed Dib, se sont entendus dire « vous le trouverez en rayon étranger » parfois, dans le meilleur des cas, « dans le rayon des littératures francophones ». Cette hiérarchisation a toujours porté en elle une séparation implicite. D’un côté, les auteurs français. De l’autre, le reste, les francophones, jugés avec plus ou moins de bienveillance et de paternalisme.

« Est lourd de sens, aussi, et fécond de polémiques, le geste qui inclut les écrivains français parmi les écrivains francophones, alors que les Français ont rarement considéré comme ‘francophone’ – et continuent à le faire dans leurs institutions – ce qui précisément n’est pas français. La littérature des Sud écrite en français a tardé à se faire accepter comme telle ; elle ne s’est acquis droit de cité, sous le nom de ‘littérature francophone’, qu’à condition d’être tenue à l’écart de la littérature française » est-il ainsi noté dans la préface de ce dictionnaire.

De même, notent Christiane Chaulet Achour et Corinne Blanchaud, l’originalité de ce livre « est d’avoir introduit le qualifiant de ‘classique’ à côté de celui d’écrivains francophones et donc d’avoir mis en synergie des écrivains issus de pays qui ont tous connu la situation coloniale ». Une situation qui a profondément marqué leur entrée en écriture. Du coup, « parler de ‘classique francophone’ apparaît comme un acte de revendication, de déplacement de la notion de classique »
Mais laissons-là ces considérations et entrons dans le livre à la découverte d’auteurs de référence parmi lesquels on citera Jamel Eddine Bencheikh, Tahar Ben Jelloun, Rachid Boudjedra, Andrée Chedid, Driss Chraïbi, Mohammed Dib, Malek Haddad, Kateb Yacine, Amin Maalouf, Rachid Mimouni et Jean Sénac. On n’oubliera pas non plus les auteurs subsahariens tels que Léopold Sedar Senghor et Sembène Ousmane, ou originaires des Caraïbes (Aimé Césaire et Daniel Maximin notamment). A noter que le plus ancien de ces écrivains est Oswald Durand, un Haïtien né en 1840 tandis que la plus jeune, Angèle Rawiri, Gabonaise, est née en 1954. Signalons aussi la qualité des index qui ne se limitent pas aux noms cités mais qui donnent un large panorama des notions et mouvements culturels, des prix et distinction littéraires, des maisons d’édition ainsi que des journaux et revues.

L’extrait
Il faut dissocier le couple nation française / langue française et suivre l’analyse revigorante par son humour d’Abdourahman A. Waberi, écrivain djiboutien, qui, dans Libération du 16 mars 2006, déclinait les raisons de son usage littéraire du français :
« J’écris en français parce que je n’ai pas d’autre langue d’écriture.
J’écris en français parce qu’il faut rendre à Césaire ce qui lui revient.
J’écris en français parce que tout écrivain habite la langue qui s’est imposée à lui (…)
J’écris en français parce que je suis un pur produit postcolonial.
J’écris en français parce que je suis djiboutien (…)
J’écris en français parce que j’ai un complexe de Dib (…)
J’écris en français pour réitérer la célèbre formule de Beckett : ‘Bon qu’à ça !’ »

Les écrivains francophones et certains écrivains français savent bien que l’usage littéraire de la langue française n’est plus depuis longtemps le privilège des seuls Français, de même que l’espagnol a échappé depuis longtemps à la seule Espagne : « Il y a un certain temps déjà que la France ne détient plus de droits de propriétés exclusifs sur sa langue. Nombre de Français ne s’en sont pas encore aperçus »*. Nous espérons que le présent dictionnaire participera à parachever cette prise de conscience !

(*) Jean-Marie Borzeix, Les Carnets d’un francophone, Saint Pourçain-sur-Sioule, éd. Bleu autour, 2006, p. 34.

La citation
« Même si les autres auteurs de sa génération l’ont évincé par les chefs-d’œuvre qu’ils ont laissés à la postérité, Malek Haddad demeure parmi les pionniers de la littérature algérienne celui qui, acteur et témoin de son époque, cristallise nombre de questionnements de l’écrivain maghrébin francophone ».

Le livre
« Dictionnaire des écrivains francophones classiques. Afrique subsaharienne, Caraïbe, Maghreb, Machrek, Océan indien ». Christiane Chaulet Achour avec la collaboration de Corinne Blanchaud. Préface de Bernard Cerquiglini. Avant-propos de Jean Marc Moura. Editions Honoré Champion, 472 pages, 19 euros.


Akram Belkaïd, Paris
Le Quotidien d'Oran, samedi 22 janvier 2011

mercredi 19 janvier 2011

Quand Libération épargne Mohammed VI

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La une du quotidien Libération du lundi 17 janvier 2011 a pour titre : Monde arabe, à qui le tour ? Six portraits de grands "amis de la démocratie" sont affichés :
- il y celui de Zine el-Abidine Ben Ali (photo barrée)
- Hosni Moubarak
- Abdelaziz Bouteflika
- Mouammar Kadhafi
- Bachar al-Assad
- le roi Abdallah II de Jordanie.

On ressent une certaine jubilation à contempler cette une et ses tristes mines. Mais il y a tout de même une gêne. Dans cette galerie, il manque un portrait, celui du roi Mohammed VI du Maroc. Pourquoi pas lui aussi ? Parce que c'est un roi ? Alors pourquoi la présence du bien discret Abdallah II ?

La raison est simple. L'exemple de la Tunisie n'a pas encore été suffisamment médité. Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération fait partie de ces journalistes qui nous expliquent que le "Maroc, ce n'est pas la même chose que la Tunisie ou l'Algérie". Il faut dire que les lobbyistes du royaume savent y faire. Dans quelques années, on se souviendra de cette une et on demandera à Joffrin pourquoi il avait ménagé MVI...
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dimanche 16 janvier 2011

Tikrit - Tunis...

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Il y a des similitudes entre la situation en Tunisie et la chute de Saddam; La chasse aux sbires du régime de ben ali est comparable à la traque des membres du clan de tikrit.
Au suivant...

samedi 15 janvier 2011

Crépuscule d'un dictateur

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Parti à la nuit tombée. Désormais réfugié politique en Arabie Saoudite, interdit de la moindre activité politique, interdit d'expression aussi. Indésirable chez ses "amis" occidentaux d'hier, son argent bloqué, peut-être...
A quoi pense-t-il ? Que fait-il ? A quelle branche essaie-t-il de se raccrocher ? Combien de numéros de téléphone compose-t-il en vain ?
Sa famille éclatée, ses proches qui quittent Eurodisney où ils étaient installés depuis jeudi dernier. Eurodisney, du comique en plein tragique ! "Dehors" leur dit la France officielle. Les cadeaux n'ont servi à rien...
Ben Ali où est ton pouvoir d'hier ? Es-tu avec ta femme ? Que pense-t-elle ? Espère-t-elle toujours te succéder ? Va-t-elle porter le niqab ? Préférera-t-elle t'abandonner pour Dubaï ?
Et tes conseillers, ceux qui juraient que le peuple t'adorait et t'incitaient à verrouiller la presse ? Où sont-ils ?
Comme le Shah, comme Ceaucescu, comme tant d'autres tyrans, tu n'es plus qu'un fugitif.
Demain sera peut-être rude pour les Tunisiennes et les Tunisiens mais qu'importe. Quel bonheur que de te savoir ainsi. Quoiqu'il arrive l'Histoire t'a déjà jugé.
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jeudi 13 janvier 2011

Ben Ali aux Tunisiens : « Je vous ai compris »

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Voici les principaux points abordés par le président Ben Ali dans un discours prononcé hier à Tunis dans un pur arabe dialectal :
- « J’ai compris qu’il fallait la nécessité d’un changement profond et global »
- Appel à la fin de la violence.
- Interdiction de l’usage de balles réelles.
- Mise en place d’une commission d’enquête à propos des émeutes et des dépassements. Commission dirigée par une personnalité indépendante.
- Baisse des prix des produits alimentaires de première nécessité : sucre, huile, pain…
- Liberté totale pour la presse – fin de la censure d’internet
- Autorisation des manifestations
- « Les choses n’ont pas été comme je le souhaitais sur le plan de la démocratie et du pluralisme. On m’a trompé à propos de la réalité. Ceux qui m’ont trompé rendront des comptes »
- Pas de présidence à vie. Comme promis lors du discours du 7 novembre 1987. Je ne serai pas candidat en 2014.
- Mise en place d’une Commission pour préparer les échéances électorales pluralistes de 2014.
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mercredi 12 janvier 2011

Un message

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Je reçois un sms à l'heure où la nuit tombe sur la ville. Celui qui me l'a envoyé n'est pas un ami. Ce n'est pas non plus un confrère mais il a lu l'un de mes livres.
Voici ce qu'il me dit : "Je pense à vous, imaginant vos pensées et vos inquiétudes... Amicalement".
Ce message me fait chaud au coeur. Ils ne sont pas nombreux à s'être manifestés de la sorte. Je me dis que, au moins, quelqu'un, quelque part, devine à quel point ces derniers jours ont été éprouvants. Oh oui, bien sûr, je suis loin et bien mieux loti que celles et ceux qui vivent "là-bas". Mais nous tous qui avons le regard rivé vers le pays et l'oreille tendue en permanence à l'affût d'une nouvelle information, nous savons combien cette attention est précieuse. Elle tranche avec l'habituelle indifférence, l'égoïsme somme toute naturel ou, plus insupportable encore, l'intérêt bref et à peine poli.

mardi 11 janvier 2011

Niger : otages exécutés mais aussi sacrifiés ?

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Il paraît qu’un consensus national existerait en France autour de la décision du gouvernement français d’attaquer les ravisseurs des deux Français enlevés à Niamey au Niger. Selon la version officielle, les deux hommes auraient été « froidement exécutés » durant l’intervention des forces françaises. Certes, toute la classe politique, à quelques exceptions près, justifie l’usage de la force au nom d’une nécessaire fermeté vis-à-vis des terroristes. Mais je ne suis pas sûr que tout le monde approuve. En tous les cas, ce n’est pas mon cas.

Le discours que j’entends depuis quelques jours est choquant. Quel manque d’humanité, quel cynisme ! Bien sûr, les ravisseurs et leurs commanditaires sont des criminels mais est-ce une raison qui justifie la prise de risque ? Cette fermeté dont on nous rabat les oreilles, vaut-elle le sacrifice de deux jeunes hommes qui n’avaient rien demandé ? On ne négocie pas avec les ravisseurs ? Et pourquoi pas ? Mieux vaut une infime chance de récupérer les otages vivants que de prendre le risque de leur assassinat. Et l’Etat ne paraît jamais autant cruel et insensible que lorsque qu’il se pare de sa raison pour justifier des actes qui font pleurer aujourd'hui deux familles.

Il paraît que c’est une manière d’adresser un signal à tous ceux qui, au Sahel, seraient tentés à l’avenir de s’attaquer à des ressortissants français ou étrangers. On a donc sacrifié deux personnes dans l’espoir que les prises d’otages vont cesser dans cette région où se joue un grand jeu géopolitique notamment autour des ressources minières. Notons au passage que personne ne s’interroge sur le fait que cet enlèvement a pu avoir lieu en plein Niamey et disons simplement qu’on sait très bien que ce genre de calcul est hautement hasardeux.

Et malgré l’unanimisme ambiant, on peut se demander si ce discours – lequel tournait en boucle dans les médias dès l’annonce du drame ce qui empeste à vue de nez l’action efficace de quelques communicants et autres spins doctors – ne cache pas un fiasco, ou du moins une légèreté et une désinvolture qui ne disent pas leur nom.

lundi 10 janvier 2011

Les Echos et les jeunesses algérienne et tunisienne

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Extrait du billet quotidien de Favilla dans Les Echos de ce jour :

" Les jeunesses algériennes et tunisiennes, qui par Internet n’ignorent plus rien de ce qui se passe dans le monde, ne supportent plus l’oligarchie dirigeante qui accapare la rente pétrolière ici, les revenus touristiques là. Un tel immobilisme corrompu vide ces deux pays de leurs élites et jette les jeunes dans la rue. Un demi-siècle après les indépendances, l’ancienne puissance coloniale a disparu de l’horizon historique. Mais beaucoup sur place souhaiteraient qu’elle encourage les forces démocratiques plutôt que de cacher ses intérêts sous un silence complice."

dimanche 9 janvier 2011

La lecture du samedi : Indignez-vous !

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Le Quotidien d'Oran, samedi 9 janvier 2011

C’est un appel d’une puissance phénoménale que lance Stéphane Hessel dans son livre. Un appel au refus du fatalisme et du cynisme et cela quelle que soit la situation. L’ouvrage s’adresse d’abord aux Français notamment les plus jeunes. L’ancien diplomate, en son temps résistant puis co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, fait référence aux principes et aux valeurs qui ont fondé le programme du Conseil National de la Résistance lequel fut adopté en mars 1944. Des valeurs foulées au pied par un gouvernement qui expulse des étrangers, qui ignore la misère dans les banlieues et qui remet en cause des acquis sociaux précieux tels la retraite ou la sécurité sociale. Presse indépendante, accès équitable pour les citoyens à l’énergie, éducation, remise en cause de la pression des « grandes féodalités économiques et financières », priorité de l’intérêt général face aux intérêts particuliers : « C’est tout le socle des conquêtes sociales de la Résistance qui est aujourd’hui mis en cause », juge l’auteur qui rappelle une vérité fondamentale : « Le motif de la Résistance, c’est l’indignation » tandis que pour lui l’indifférence est « la pire des attitudes. »

Mais ce texte ne se limite pas qu’aux seules questions françaises. Il aborde aussi la situation des Palestiniens. Stéphane Hessel rappelle que ce qui se passe dans les Territoires occupés ainsi qu’à Gaza est un scandale. Il s’engage sans aucune ambigüité, et rappelle que la Palestine est la source de sa principale indignation. A cet égard, il faut noter que nombre de médias français – hors sites électroniques – ont préféré passer sous silence cet aspect du livre. Cette lâcheté, cette censure qui ne dit pas son nom, ne sont pas étonnantes. Les prises de positions de Stéphane Hessel en faveur du droit des Palestiniens et du boycottage des produits fabriqués dans les colonies irritent et dérangent. C’est ainsi qu’une campagne virulente est menée contre lui, notamment par des universitaires de second rang, avec pour argument essentiel, l’inévitable accusation d’antisémitisme (rappelons que Stéphane Hessel est de père juif).

Pour autant, ce livre démontre que quelque chose est en train de changer au royaume de l’édition en France. Sorti dans l’anonymat le plus complet, il atteint près de 600.000 exemplaires vendus. Le bouche-à-oreille, internet avec ses blogs, ses forums et ses sites électroniques tels que Mediapart, ont assuré le succès de cette saine et vivifiante exhortation à l’indignation. L’habituel cortège des commentateurs copains-coquins qui ne fonctionne que sur le principe du renvoi d’ascenseur n’ont pas vu venir le phénomène. Ils sont bien obligés de prendre le train en marche mais avec ce que cela comporte comme aigreur et jalousie…

Enfin, le choix de ce livre pour illustrer cette première chronique n’est pas un hasard. Le texte de Hessel a valeur universelle. Il nous interpelle en tant qu’Algériens alors que le pays connaît de nouvelles épreuves et que notre société n’en peut plus d’attendre des changements qui ne viennent pas. Ne perdons pas notre capacité d’indignation et souvenons-nous que notre pire ennemi est le fatalisme. De même, il faut absolument lire ce livre parce qu’il fait aussi l’éloge de la non-violence, « chemin que nous devons apprendre à suivre ».

L’extrait :

« Aujourd’hui, ma principale indignation concerne la Palestine, la bande de Gaza, la Cisjordanie. Ce conflit est la source même d’une indignation. Il faut absolument lire le rapport Richard Goldstone de septembre 2009 sur Gaza, dans lequel ce juge sud-africain, juif, qui se dit même sioniste, accuse l’armée israélienne d’avoir commis des « actes assimilables à des crimes de guerre et peut-être, dans certaines circonstances, à des crimes contre l’humanité » pendant son opération ‘Plomb durci’ qui a duré trois semaines (…) Je partage les conclusions du juge sud-africain. Que des Juifs puissent perpétrer eux-mêmes des crimes de guerre, c’est insupportable. Hélas, l’histoire donne peu d’exemple de peuples qui tirent les leçons de leur propre histoire. »

La citation :

Le livre est édité dans la collection « Ceux qui marchent contre le vent », dont le nom est emprunté aux Omahas, un peuple indien des plaines d’Amérique du Nord, rattaché à la famille des Sioux et qu’on désigne par cette expression

Le livre :

« Indignez-vous ! », Stéphane Hessel, Indigène éditions, Paris, 29 pages, 3 euros.
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samedi 8 janvier 2011

Occident - démocrates musulmans : le rendez-vous manqué

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Interrogez nombre de démocrates arabes, ils n’auront pas de mots assez durs pour fustiger le double-jeu des Occidentaux qui ont toujours préféré traiter avec des radicaux et des extrémistes. C’est cette réalité qu’évoque Sébastien Lapaque dans son bloc-notes (Témoignage Chrétien du 6 janvier 2011) . Ce dernier évoque ainsi un « amer sentiment de rendez-vous manqué dont parle très bien Ahmad Salamatian, vice-ministre des Affaires étrangères, dans le premier gouvernement de la République islamique en 1979, député d’Ispahan chassé de son pays en 1980 avec le président Abolhassan Bani Sadr ».

Ferhat Abbas, Mossadegh et les autres…

Voici donc, rappelle Sébastien Lapaque, ce qu’a déclaré Ahmad Salamatian dans émission radio diffusée par France Culture à propos des voyages des intellectuels (Moscou, La Havane, Beyrouth et Téhéran) : « Comme quelqu’un qui a passé la plus grande partie de sa vie dans les prisons du Shah, en exil sous Khomeiny, je vais vous dire une chose. L’histoire des mouvements démocratiques des pays musulmans, beaucoup plus que l’histoire des rencontres, des soutiens et des coopérations avec les partis de gauche européens, c’est une histoire de rendez-vous manqués.

« Si la gauche européenne – travaillistes anglais, socialistes français – avaient compris l’importance de Mossadegh en Iran, de Ferhat Abbas en Algérie, de Shukri al-Kuwatli en Syrie, de Saad Zaghloul Pacha en Egypte, c’est-à-dire des gens qui avaient été éduqués à la fois dans leurs traditions, ayant prises dans leurs sociétés, et dans les écoles de la démocratie, le visage du monde musulman aurait été complètement changé. »

vendredi 7 janvier 2011

Emeutes en Algérie

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Emeutes en Algérie… Voilà donc, revenue, cette sensation d’éloignement, que l’on croyait remisée. Bien sûr, et heureusement, il y a internet, Facebook, les blogs et autres sites. Mais c’est soudain loin d’être suffisant.
Exil...
Insupportable sentiment d’être à mille lieues de l’info. Pendant ce temps-là, le téléphone sonne. Des confrères qui veulent comprendre, qui demandent le numéro de quelqu’un vivant à Bab el Oued. Que leur dire, sinon qu’il faut aller là-bas. Problème de visa, répondent-ils. N’eut été la situation, on en rirait presque…

jeudi 6 janvier 2011

Le parlé Sarko

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Lu dans libération de ce jour :

Propos du linguiste Jean Véronis, linguiste : " Il (Sarkozy, ndb) fait des fautes typiques du 'parler popu', et ceux qui n'ont pas fait d'études. Il oublie les négations, en disant, 'je suis pas'. Il fait des erreurs de préposition, quand il dit 'je remercie à chacun', ou 'je me rappelle de quelque chose'. Il y a aussi un recours au double marquage des pronoms avec des phrases du type : 'Le Premier ministre, il a dit..."

Autre extrait :

"Pour moi, c'est un mystère qu'un homme élevé dans une famille bourgeoise à Neuilly parle aussi mal que Georges Marchais. Surtout qu'il n'existe pas, actuellement, d'autre dirigean politique qui cumule, comme lui, les erreurs de français"

Realpolitik et liberté

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Lu ce jeudi 6 janvier 2011 dans Libération
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"Aron soutenait que les intérêts diplomatiques d'une nation et ses besoins matériaux ne suffisaient pas à la façonner. Ses idées, ses idéaux et ses valeurs morales constituent également sa réalité et doivent être pris en compte. D'où son soutien à l'indépendance de l'Algérie à la fin des années 1950 (discours qui lui valut d'être vilipendé aussi bien par la droite que par la gauche). Aron ne se faisait aucune illusion sur le triste sort de l'Algérie passée sous le contrôle du FLN, mais il comprenait le pouvoir immense de la valeur que les Algériens accordaient à la liberté"

par Robert Zaretsky, in "L'injure de Kissinger aux juifs d'URSS".