Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

lundi 5 mars 2012

Journal d’une campagne (1) : Quand Merkel, Monti, Rajoy et Cameron défendent le statu quo en France

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Sur le Blog : Afro-Maghreb

Les dirigeants allemands et ceux d’autres pays européens ont-ils décidé d’interférer dans la campagne électorale française ? Selon une information parue dans le Spiegel du 3 mars, la chancelière Angela Merkel se serait entendue avec le Président du conseil italien Mario Monti, le Chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy et le Premier ministre britannique David Cameron pour ne pas recevoir François Hollande, principal adversaire de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle française. Certes, l’information a été démentie par le porte-parole de la chancellerie à Berlin mais de nombreux indices concordants tendent à confirmer qu’il n’y a pas de fumée sans feu. En effet, à ce jour, le candidat socialiste n’a été reçu par aucun de ces quatre dirigeants. De quoi faire jubiler le camp de Nicolas Sarkozy qui y voit la preuve du manque de stature internationale de François Hollande.

Une conclusion un peu légère (quelle était donc la stature internationale de Sarkozy en 2007 ?) qui élude l’essentiel à savoir que c’est bien la première fois depuis longtemps que des pays européens se mêlent de politique intérieure française. Même la perspective d’une élection de François Mitterrand en 1981 n’avait pas provoqué une telle position hostile. En forçant le trait, on pourrait même avancer que le quatuor Merkel-Monti-Rajoy-Cameron (MMRC) nous rejoue la grande coalition européenne contre la Révolution française ou contre Napoléon Bonaparte…
Bien sûr, ces quatre dirigeants peuvent arguer que Nicolas Sarkozy fait partie de leur famille politique et qu’ils n’ont aucune envie de soutenir ou d’aider son adversaire. Mais cela ne saurait excuser un parti-pris qui pourrait de peser lourd dans les relations de leurs pays avec la France si jamais Hollande est élu. Le moins que l’on puisse dire c’est que les MMRC ont pris le risque d’insulter l’avenir car il est évident que le socialiste, quoiqu’il prétende, n’oubliera pas facilement cette humiliation.

Le plus étonnant dans l’affaire, c’est qu’elle ne déclenche guère les passions en France. Il est vrai que la campagne électorale y est d’un niveau affligeant (halal, pas halal…) mais on aurait pu penser que ce genre d’interférence aurait passionné un pays qui est toujours attentif à ce que l’on pense de lui à l’étranger. Surtout, on se rend compte de l’absence d’analyses qui pourraient mieux éclairer la position des quatre dirigeants européens. Pourquoi un tel boycottage qui ne dit pas son nom ? Par solidarité conservatrice comme expliqué dans ce qui précède ? Parce que Sarkozy l’aurait demandé ? Par souci de ne pas faciliter une nouvelle révision des Traités européens que François Hollande veut modifier ? Ou bien, et c’est là où l’on aimerait que nos chers éditorialistes prennent quelques risques, parce que l’Allemagne comme l’Italie, l’Espagne ou la Grande-Bretagne ont tout intérêt à ce que Sarkozy soit réélu. Qu’il soit réélu parce que c’est là l’intérêt de ces pays qui – oublions un instant les discours lénifiant sur les solidarités entre Européens – ont tout à gagner de l’enlisement, pour ne pas dire de la régression, de la France depuis 2007.

Rappelons donc quelques vérités qui dérangent : l’Allemagne a renforcé son essor commercial au cours des dernières années en prenant des parts de marché à la France y compris en Europe. Pour elle, une France faible n’est pas une mauvaise nouvelle, bien au contraire. De son côté, l’Italie a tiré profit du marasme économique français pour redéployer ses exportations et trouver de nouveau débouchés à son industrie du nord. Quand à l’Espagne, elle est engagée dans une lutte d’influence importante avec la France au sud de la Méditerranée et sa diplomatie n’est pas fâchée de devoir relancer un dialogue euro-méditerranéen profondément altéré par les errements d’une Union pour la Méditerranée (UpM) pour le résultat (catastrophique) que l’on sait. Enfin, la Grande-Bretagne entend bien continuer à profiter de sa position à la fois « in » et « out » au sein de l’Union européenne (UE). Une position que ne cherche pas à lui contester Nicolas Sarkozy. Au final, on peut donc se demander si le boycottage de François Hollande ne relève pas d’un calcul plus subtil : faire en sorte que Sarkozy soit réélu pour que les choses continuent d’empirer en France. Au grand bénéfice des concurrents, pardon, des partenaires européens de la France…
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