Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

vendredi 9 octobre 2015

La chronique du blédard : Syrie, que dire ?

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 8 octobre 2015
Akram Belkaïd, Paris
 
C’est un dilemme qui divise et oppose. Quelle attitude adopter vis-à-vis de ce qui se passe en Syrie ? Si la solidarité humanitaire est évidente (obligatoire), la question politique, elle, provoque gênes et silences. Ou bien alors, elle génère des avis tranchés pour ne pas dire définitifs ce qui limite le champ de la discussion et de l’échange. La Syrie, disons-le, est à l’origine de ruptures et de grandes discordes. A dire vrai, le problème paraît insoluble. Non, corrigeons cette affirmation. Il ne présente que des solutions imparfaites, inacceptables si l’on s’en tient à la morale et à l’éthique et si l’on met de côté tout cynisme ou, pour être moins abrupt, tout pragmatisme. La question tourne surtout autour du sort de Bachar al-Assad. Ainsi, nombreux sont ceux qui continuent de le défendre avec plus ou moins de nuances et cela au nom du respect du droit international et de l’anti-impérialisme.
 
Il est vrai qu’Assad est le président en titre de la Syrie et cela quelles que soient les conditions dans lesquelles il a été élu (ou dans lesquelles il a hérité de son pouvoir). Ses défenseurs ont beau jeu d’affirmer que la légitimité internationale est de son côté quand il fustige l’intervention d’une coalition étrangère sur son sol, cette dernière agissant, il faut le rappeler, sans aucun mandat ni feu vert des Nations Unies. Qu’on le veuille ou non, les pays qui bombardent actuellement la Syrie au nom de la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) sont dans l’illégalité (même si elles avancent l’argument de la légitime défense). On peut dire que c’est la faute de la Russie (sans oublier la Chine) qui refuse tout accord en ce sens au sein du Conseil de sécurité mais la réalité est bien là. Douze ans après une intervention militaire illégale en Irak car non approuvée par l’ONU, les pays occidentaux renouent avec ce qui n’est rien d’autre qu’une politique de la canonnière, fut-elle motivée par de bonnes intentions, c’est-à-dire lutter contre une organisation terroriste coupable de nombreuses exactions.
 
A l’inverse, et pour continuer dans la même veine, on peut dire aussi que l’intervention militaire russe est légale puisqu’elle se fait à l’appel et avec l’aval du gouvernement syrien – lequel, il faut le rappeler, reste reconnu par une bonne partie des membres de l’ONU. Enfin, Assad est aussi présenté comme le dernier rempart face au pire, c’est-à-dire une Syrie – ou ce qu’il en resterait – dirigée par des mouvements islamistes sunnites auprès desquels les Talibans passeraient pour d’aimables prêcheurs. Le vide politique est tel qu’on a du mal à voir autre chose qu’une alternative théocratique à un régime dont les partisans rappellent sans relâche qu’il est « laïc » et qu’il demeure encore l’adversaire déclaré d’Israël.
 
Il y a du vrai dans ce qui précède. La perspective que le groupe Etat islamique (Daech) ou ses alliés de fait puissent s’installer demain à Damas est cauchemardesque. Pour autant, il est des vérités qu’il ne faut pas oublier et que l’on se doit de rappeler sans cesse. Cette situation dramatique, c’est bien Assad qui l’a voulue en usant, dès le printemps 2011, d’une violence inouïe contre l’opposition pacifique et en relâchant des milliers de prisonniers radicaux dont il savait très bien qu’ils prendraient les armes contre son régime à la première occasion. Dans un monde où la perception simpliste des événements est renforcée par Hollywood et les spin doctors de tout bord, la stratégie suivie par le président syrien peut défier l’entendement. Elle ne devrait pas surprendre les Algériens qui ont vécu dans leur chair les conséquences de la culture des coups tordus façonnée par le KGB. Principe de base : créer un ennemi pour garantir sa propre survie. Lui permettre d’exister. Au besoin, s’affaiblir en le renforçant. User de cet ennemi comme levier pour exercer une violence impitoyable contre toute autre menace. Contre toutes les oppositions…
 
Non. Assad est tout sauf un héros. Ce n’est pas l’héritier lointain de Nasser. C’est un criminel qui tue son peuple après l’avoir longtemps privé de ses libertés. Que son principal ennemi d’aujourd’hui soit un autre monstre ne change rien à l’affaire et ne saurait lui offrir la moindre réhabilitation ou rédemption. Une fois affirmé le principe du « ni-Assad, ni Daech », que peut-on alors attendre pour la Syrie ? Il y a d’abord et surtout la nécessaire solidarité avec les réfugiés de l’extérieur comme ceux de l’intérieur. Leur venir en aide, d’une manière ou d’une autre, peut être vu comme un acte dérisoire au regard du fracas qui disloque leur pays. Ce n’est pas une raison qui justifie l’égoïsme. Pour le reste, on peut juste espérer que c’est la moins mauvaise des solutions qui se dessinera au terme de cette période de violences et de grandes manœuvres qui masque les habituelles tractations diplomatiques. D’abord, le départ d’Assad qui passera nécessairement par des négociations entre Moscou et Washington. Encore faut-il que l’intéressé et son clan acceptent et que, surtout certains membres de la coalition occidentale le veuillent aussi. En effet, quand on répète à l’envi qu’Assad sera jugé, c’est que, quelque part, on préfère l’acculer pour qu’il reste au pouvoir faute d’échappatoire possible…
 
Le départ d’Assad donc. Ensuite, la formation d’un gouvernement d’union nationale – où la place des alaouites serait garantie et où l’opposition islamiste (hors Etat islamique) devra nécessairement être représentée. Cela signifie que l’Arabie Saoudite, l’Iran et la Turquie, autrement dit les trois puissances régionales qui interviennent directement ou indirectement dans le conflit, auront trouvé un accord en ce sens (et que les va-t’en guerre occidentaux aillent ailleurs). L’objectif sera alors la restauration de l’intégrité territoriale de la Syrie, le désarmement des milices et la victoire militaire contre le groupe Etat islamique. Un programme qui paraît insurmontable mais à défaut de le réaliser, c’est tout simplement la fin de la Syrie en tant qu’Etat qui est annoncée.
 
Postscriptum du 9 octobre 2015 : Dans tout ce fracas, que Vladimir Poutine, tueur de Tchétchènes puisse faire l’objet d’admiration dans de nombreux pays arabes est tout simplement sidérant… On y reviendra.
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2 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour Akram Belkaid
A la lecture de votre article sur ce qui se passe en Syrie et de votre résumé simpliste sur les origines de ce drame Syrien, j'ai l'impression que vous ne dites pas la vérité de peu de voir votre situation sociale et professionnelle en France , puisque c'est là ou vous vivez depuis que vous avez quitté Alger et la Cité DNC de Hydra, après avoir fait de brillantes études d'ingénieur en mécanique dans l'une des plus prestigieuses école "militaire" de l'Algérie l'ENITA.
Tout le monde se souvient encore du vrai Akram Belkaid , un nationaliste qui pour rien au monde ne se laissé guidé par les lignes directrices que les médias occidentaux ( surtout en France depuis quelques années) imposent volontairement à tout journaliste vivant sur le sol de la France ( pays des droits de l'Homme au début ensuite devenu pays des droits de la femme ..pour finir pays des droits des mariages mixtes ...)

Monsieur Akram Belkaid, comment pouvez-vous dire que ce qui se passe en Syrie est la faute de Bachar Al Assad , alors que le monde sait maintenant que ce sont les Etats-Unis, l'Arabie saoudite , le Qatar etc qui ont financer et armé de faux opposant pour qu'il déclencher un nouveau printemps arabe mais que ce printemps "Syrien" pour d'autres raisons ( présence de bases militaires Russie )n'a pas fonctionné comme l'avait voulu les stratèges des États-Unis, de l'Otan et surtout de leur financier l'Arabie Saoudite qui ne chercher à faire chuter le régime des Allaouites ( dit chiite) de Assad qu'un moyen d'affaiblir son ennemie de toujours l’Iran car Chiite
Comment un experts comme vous qui a la chance de très bien connaitre la mentalité et la culture arabe et occidentale à travers ses origines algériennes et tunisiennes peut-il prendre le contre sens de l'histoire et débiter de tels écrits.
Car vos écrits sont une pièce à conviction pour l'histoire de l'Humanité.
Les enfants Syriens qui ont fuit leur pays pour devenir des migrants eux seuls connaissent la vérité et l'origine de ce complot...avez-vous au moins pris le temps et l’honnête journalistique d'en interroger quelques uns de ces pauvres malheureux réfugiés ( ils y en a des milliers à Alger...tu pourras venir les voir et leur poser la question sur le qui tue qui en Syrie) tu verra et tu entendras les témoignages des mamans car les mamans ne mentent pas quand il s'agit de leurs enfants.
Monsieur Akram Belkaid, vous avez une responsabilité envers l'histoire vos écrits deviendront un jour des archives consultable dans la grande bibliothèque de l’histoire dramatique de l’humanité... il serait donc stupide pour le fier Algérien Akram Belkaid que ces écrits deviennent des outils de propagande comme furent ceux qui avaient il y a longtemps déjà justifier parfois sans le savoir aussi , le Nazisme,le Communisme .... forcément demain le Daechisme

Akram Belkaïd a dit…

Bonjour,
est-il permis de s'exprimer, le plus honnêtement possible sans avoir à subir les accusations immédiates, d'un camp comme de l'autre selon le sujet, de compromission ou d'aplat-ventrisme devant ce qu'exigerait l'Occident.
C'est là, un défaut bien algérien que de ne pas reconnaître à l'autre, au moins le bénéfice de la sincérité.
Je connais bien la Syrie. J'y suis allé à plusieurs reprises. J'ai vu ce dont était capable le régime des Assad avant même 2011. Avant même 2000.
Quant à ce qui se passe depuis 2011, libre à vous de croire à la thèse d'Assad. Pour ma part, il est le premier responsable de ce qui se passe dans son pays. S'il avait accepté d'ouvrir la porte du dialogue au printemps 2011 avec l'opposition pacifique, s'il avait accepté l'offre de dialogue de cette même opposition au printemps 2012 - elle ne réclamait pas son départ, elle voulait des réformes -, donc, s'il avait accepté le dialogue au lieu d'user de la violence, le sort de la Syrie aurait été différent.
Au lieu de cela, sa violence et son entêtement ont ouvert la voie aux ingérences les plus diverses. Oui, le Qatar et les autres monarchies du Golfe sont aussi responsables de la situation. Mais, le patriote que je reste note que vous semblez vous accommoder de la présence russe et iranienne en Syrie. Il y aurait donc de bonnes et de mauvaises ingérences...
Et soyez sans crainte, je ne monnayerai jamais mes convictions contre quelques deniers et lentilles auxquelles succombent nombre de nos compatriotes les plus renommés. Relisez mes textes sur la Palestine, cela vous convaincra.
Bien cordialement