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vendredi 15 février 2008

La chronique économique : Le marché devant, les institutions internationales loin derrière

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 13 février 2008
Akram Belkaïd

Les crises financières se suivent et, finalement, se ressemblent en cela qu'elles sont toujours suivies par les mêmes promesses d'ivrognes. Prenez la récente réunion du G7. Comme il fallait s'y attendre, les grands de ce monde (cette notion étant de plus en plus discutable car des pays comme la Chine, l'Inde ou le Brésil auraient aussi leur place dans ce club fermé) nous ont encore gratifiés de déclarations lénifiantes sur la nécessité de mettre en place des mécanismes préventifs pour la détection des crises.

Reprenez les communiqués qui avaient suivi l'explosion de la bulle internet ou, plus loin encore, ceux qui avaient été émis après la bourrasque asiatique de 1997, et vous trouverez les mêmes mots, les mêmes formules volontaristes.

Et puisque l'on parle de la crise asiatique, qui se souvient de la création, à l'époque, du Forum de stabilité financière, un « machin » qui regroupe des banquiers centraux et dont on entend parler de temps à autre ? Et c'est ce Forum que le G7 vient de ressortir en l'engageant à travailler « de manière plus rapprochée » avec le Fonds monétaire international (FMI) afin d'identifier « les vulnérabilités » du système financier et « d'améliorer les mécanismes d'alerte précoce. » Et patati, et patata...

Personne ne contestera que ni le Forum de stabilité financière et encore moins le FMI n'ont vu venir la crise du crédit hypothécaire américain. Le premier peut se prévaloir de quelques excuses dont celle qui consiste à déplorer son manque de moyens financiers.

L'affaire est un peu plus compliquée pour le Fonds monétaire dont le directeur général, Dominique Strauss-Kahn, affirme que cette institution a bel et bien vu venir la crise des « subprime » mais qu'elle n'a peut-être pas été suffisamment audible.

C'est peut-être vrai car, concernant le FMI, il n'est pas idiot de se demander si quelqu'un l'écoute encore. En mal de pays débiteurs, discrédité par la crise asiatique et incapable de se réformer, le FMI a perdu de son aura et cela entame sa crédibilité vis-à-vis des marchés financiers.

En réalité, il faudrait appeler un chat un chat et convenir que les institutions internationales comme les gouvernements ont perdu l'ascendant sur ce qu'elles ont contribué à créer. En un mot, le politique comme les autorités de supervision sont à la traîne derrière un marché débridé qui, hier encore avait déjà une longueur d'avance mais qui aujourd'hui en a trois ou quatre.

Malgré leurs beaux discours, les fonctionnaires du FMI comme les membres du Forum de stabilité financière, voire comme les banquiers centraux, en sont réduits à attendre que cela se passe pour réagir. Et après la crise, il leur est toujours facile d'édicter quelques lois, lesquelles seront de toutes les façons inefficaces puisqu'elles ne remettront pas en cause la sacro-sainte dérégulation des marchés.

Ce qui se passe actuellement dans le secteur bancaire illustre bien le manque d'ascendant des institutions internationales sur le marché. Quand le G7 fait mine de s'énerver en exigeant des banques qu'elles publient toutes leurs pertes dues aux « subprime », on réalise soudain que quelque chose va mal car, naïvement, on pourrait penser que les règles comptables et prudentielles commandent à tout établissement bancaire de publier ses comptes sans attendre les supplications du G7. Le fait même que l'on ne sache pas si le total de ces pertes, pour l'industrie bancaire, est de 120 milliards de dollars ou de 400 milliards de dollars, montre bien à quel point le système est dévoyé.

En attendant, pour reprendre les propos de Mario Draghi, le gouverneur de la Banque d'Italie et le président du Forum de stabilité financière, les quinze prochains jours vont être cruciaux puisque c'est durant ce laps de temps que de nombreuses banques vont publier leurs comptes certifiés pour l'année 2007. Et dans cette affaire, qu'il s'agisse de la Société Générale, d'UBS ou d'autres, le pire est bien possible...

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