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lundi 16 janvier 2012

La chronique du blédard : Hollande à la recherche du second souffle

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 12 janvier 2012
Akram Belkaïd, Paris


Disons-le sans prudence aucune: Nicolas Sarkozy a de grandes chances d'être réélu au mois de mai prochain et ils seront des millions à pleurer de rage de ne pouvoir lui dire «maintenant, tu peux te casser…». Bien sûr, la campagne électorale ne fait que commencer et François Hollande reste en tête des sondages. Pourtant, certaines tendances qui se dégagent ne peuvent qu'inquiéter celles et ceux qui n'en peuvent plus d'une présidence aussi brouillonne que ploutophile sans oublier, en restant gentil, la personnalité pour le moinsclivante du locataire du Palais de l'Elysée.

Il y a d'abord le fait que François Hollande, candidat du Parti socialiste en particulier et, qu'on le veuille ou non, de la gauche en général, reste inaudible et incapable de renouer avec la dynamique porteuse qui était la sienne à l'automne dernier lors des primaires de sa formation politique. L'homme a beau multiplier les déplacements et les attitudes mitterrandiennes, y compris dans sa manière de parler et de se tenir face à un auditoire, il semble faire du surplace. Une impression accentuée par l'image de sérieux qu'il tente de se bâtir comme en témoignent son visage émacié – conséquence d'un régime alimentaire drastique – et les couleurs sombres (et ternes) de ses costumes et cravates.

C'est un fait, François Hollande souhaite visiblement mener une campagne sérieuse et digne, à la mesure des enjeux et de la symbolique républicaine du poste qu'il convoite. Et c'est peut-être là son erreur tactique. Car, en face, l'UMP de Nicolas Sarkozy est en train de durcir le jeu et se livre à un véritable tir d'artillerie lourde contre lui. Face à une droite belliqueuse, déchaînée et parfois même hystérique, Hollande a, pour le moment, opté pour la retenue, estimant peut-être qu'il s'agit de la meilleure attitude à tenir, l'honneur d'un candidat à la présidence de la République française n'étant pas de rouler dans le caniveau.

Mais dans un contexte médiatique où les petites phrases ont bien plus d'impact électoral que les programmes et les propositions, on peut tout de même se demander si l'héritier de Mitterrand et de Jospin (oublions la parenthèse Ségolène Royal) ne ferait pas mieux de mobiliser ses troupes pour qu'elles rendent coup pour coup et qu'elles cognent aussi fort que leurs adversaires. A ce sujet, la situation rappelle l'élection américaine de 2004 lorsque le camp de Bush multipliait les attaques violentes et outrageantes contre John Kerry. Pour son malheur, ce dernier a cru jusqu'au bout que l'intelligence et la clarté de son discours suffiraient à le faire élire. Une leçon retenue par Obama dont l'équipe électorale de 2008 comptait quelques bouledogues chargés de rendre la monnaie de sa pièce aux républicains.

Bien entendu, il faut aussi pouvoir être capable de répliquer. Face à une Nadine Morano qui, chaque jour ou presque, fait offense aux pauvres poissonnières à qui on la compare, il faut avoir aussi du muscle et du répondant. Et c'est un fait qu'ils ne sont pas nombreux dans l'équipe de François Hollande à vouloir se colleter avec les hurleurs de l'UMP (parmi lesquels l'ineffable Frédéric Lefebvre, vous savez ce grand intellectuel dont le livre préféré serait « Zadig et Voltaire »…). Plus grave encore, les quelques grands bretteurs de la gauche, on pense notamment à Jean-Luc Mélenchon, ont plutôt tendance à diriger leurs lames contre François Hollande plutôt que de s'en prendre à leurs vrais adversaires.

Et cela amène à évoquer un autre point parmi les handicaps actuels du candidat socialiste. Il est évident que cette élection présidentielle de 2012 n'est pas comme les autres. Pour la gauche, elle est un rendez-vous crucial qui doit mettre fin à une série de trois échecs successifs (1995, 2002 et 2007) et qui doit empêcher la droite de finir par se convaincre, comme c'était le cas avant l'élection de Mitterrand, que le Palais de l'Elysée lui revient de droit. Mais si cette élection est importante c'est aussi parce qu'il s'agit d'empêcher la réélection de Sarkozy. Le « tout sauf Sarkozy » qui est dans tous les esprits à gauche (et un peu au centre) devrait logiquement mener à l'union sacrée. Or, il n'en n'est rien. La gauche reste divisée en prévision du premier tour et c'est ainsi que, doucement mais sûrement, se prépare un remake du 21 avril 2002 où Chirac et Le Pen (père) avaient éliminé Jospin. Il y a encore quelques semaines, les journalistes politiques évoquaient le scénario d'un duel Hollande – Le Pen (fille) pour le second tour de la présidentielle. Ils en sont aujourd'hui à décrire un scénario inverse, catastrophique pour la gauche (et la France) où le président sortant affronterait (avec la certitude d'être réélu) la chef de file de l'extrême-droite française.

Par ailleurs, la montée en puissance, du moins telle qu'elle se traduit dans les sondages, de François Bayrou est une mauvaise nouvelle pour François Hollande. Elle signifie que des électeurs du centre mais aussi de droite, déçus du sarkozysme, préféreront voter pour le Béarnais plutôt que pour le candidat de la gauche. Or, Hollande risque d'avoir besoin de ces voix dès le premier tour. Et il n'est même pas dit qu'il puisse bénéficier de leur report dans le cas où il se retrouverait face à Sarkozy au second tour. En 1981, Mitterrand, certes aidé par la trahison de Chirac, avait remporté le scrutin en attirant à lui une partie des voix de droite (celles des déçus de Giscard). C'est l'exploit que Hollande doit réaliser tout en faisant le plein à gauche. Il lui reste près de trois mois pour y arriver en musclant et en enflammant sa campagne. A défaut, la France et les Français rempileront pour cinq années de plus avec Sarkozy. Cinq années de trop…...
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1 commentaire:

Varzen a dit…

Curieux que personne ne semble envisager sérieusement une seconde que face à sarkozy, le pen pourrait bien être élue.

D'ici mai, l’écœurement des Français ne sera plus seulement une figure de style pour évoquer le quinquennat qui se terminera. La paupérisation, dont la réalité va grandissant, alliée à un désaveu de plus en plus prégnant de la société pour ses politiques et leurs œuvres, est à mon sens parfaitement en mesure de transformer ce qui sera pour beaucoup un vote-sanction, en résultat inédit. Et si 2012 ne consacre pas cette vérité qu'on ne veut pas voir, 2017 s'en chargera probablement.